
Pourtant, ce rôle de Carmen, dans le film éponyme de Francesco Rosi, a plus fait pour populariser l’opéra que tous les concerts des Trois Ténors réunis. Quinze ans après, on l’arrête encore dans la rue pour lui en parler. « Il y a beaucoup de gens qui me disent que c’est la première fois qu’ils ont vu un opéra. Et ils aimeraient l’aimer s’il n’était pas aussi cher, aussi snob et aussi élitiste. L’opéra est devenu inaccessible alors que précisément Puccini ou Verdi écrivaient pour un public populaire ».
Et c’est parce qu’elle partage cette vision qu’elle a elle créé Diva au bord de la crise de nerfs où elle se livre, plus qu’à un récital classique, à un vrai one-woman show, intercalant entre deux airs lyriques des sketches sur l’art, l’opéra, les divas et leurs travers… Des noms ! Des noms ! « C’est plein de situations vécues ça et là », concède-t-elle dans un de ces rires qui cascadent en liberté dans ses propos. Mais elle élude la question : « de toute façon, il a fallu raccourcir les textes en français. Ce qu’on dit en cinq mots en anglais, il en faut dix en français. Il reste heureusement une armature resserrée pour bien mettre en valeur les chansons ». Si le genre est inédit en France, ces spectacles intercalant moments d’humour et grands airs lyriques sont très populaires dans les pays anglo-saxons et Julia a créé le sien il y a un an à Los Angeles avant de le reprendre cette année, à Londres d’abord, puis en tournée dans toute l’Europe.
« Avoir de l’humour, blaguer ce milieu et continuer à s’en faire respecter, c’est quelque chose » ! D’ailleurs, pour simplifier les choses, elle est prête à des mesures radicales. « Dehors, les puristes qui sont aussi souvent des intégristes ! Ils décrètent ce qui est bon et ce qui est mauvais et sont tellement fixés dans leurs goûts que c’en est presque une maladie. Moi, je veux les gens qui aiment le classique ET qui ont de l’humour » !
Julia, un hymne à la joie
De l’humour, la belle Julia n’en est pas dépourvue, pas plus que de caractère d’ailleurs ! Et elle a toujours apprécié ceux qui n’en manquaient pas non plus. A trois ans, elle joue dans Madame Butterfly le rôle du fils de Cio-Cio-San, l’héroïne. Elle se met à crier pendant tous les airs de la soprano ! Quelques années plus tard, elle fait partie de la troupe de création à Broadway de la célèbre comédie musicale, Un violon sur le toit. « Moi, j’étais la fille du héros, la plus sérieuse, et la chanteuse qui jouait ma soeur n’était autre que Bette Midler ! Elle était magnifique, elle dégageait déjà une de ces énergies… Quand à Zero Mostel, Tevye, le tailleur juif, il avait une personnalité tellement extravertie, c’était fabuleux. J’en ai tiré une leçon pour une bonne présence sur scène : il faut à la fois avoir de l’intensité et du réalisme mais il faut aussi de la joie et le sens de l ‘humour ».
Une autre grande comédie musicale à laquelle Julia a participé il y a une douzaine d’années est Rags, une histoire se déroulant au début du siècle dans le milieu des émigrants vers les Etats-Unis. Le rôle principal féminin a été écrit en pensant à elle. Elle a pourtant commencé par dire non parce que l’idée de monter sur scène huit fois par semaine, même à Broadway, peut se révéler suicidaire pour la voix d’une chanteuse lyrique. « Les mélodies se situaient à un niveau qui aurait pu me faire perdre mes aigus ». Sans elle, le spectacle fait un four en dépit de ses nombreuses qualités et les producteurs reviennent à la charge. « Ils ont à nouveau insisté mais ma réponse a été la même. Ils m’ont alors proposé : Fais au moins le disque et j’ai accepté bien sûr parce que j’adore la musique « . Et c’est ainsi que l’enregistrement de Rags par Julia reste le seul vestige de cette comédie musicale remarquable qui attend toujours une vraie reprise. « Je ne sais pas pourquoi les comédies musicales ne marchent pas en France. C’est le seul pays où un bon spectacle ne dure pas un an ».
Si le public français commence seulement à faire le succès du théâtre musical, cela fait en tout cas longtemps qu’il accorde sa confiance à Julia. « J’ai remarqué quelque chose avec les Français. Quand je chante en Angleterre ou en Allemagne, il ne faut pas trop montrer ses sentiments alors qu’en France, il y a dans l’air, venant du public, une émotion presque palpable. En tant qu’artiste, je le sens tout de suite et je suis heureuse parce que je peux ainsi donner à mon interprétation une intensité plus forte. C’est vraiment passionnant d’avoir l’opportunité d’être sur scène avec des publics aussi différents qui demandent autant de subtilité ».
Finalement, elle était bien prémonitoire la remarque de l’accoucheur de maman Migenes. Julia a, certes, de bons poumons. Mais une bonne tête aussi.