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Joseph Gorgoni — Tell me on a sonntag !

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Joseph Gorgoni en Marie-Thérèse Porchet ©DR
Joseph Gor­goni en Marie-Thérèse Porchet ©DR
Joseph Gor­goni, quelle est votre formation ?
La seule chose que j’ai apprise à faire, c’est à danser. J’ai com­mencé tard, à quinze ans, mais j’é­tais assez doué pour ça. Je voulais faire de la danse depuis tou­jours, mais mon père ne voulait pas, parce que « c’est pas pour les garçons ». Donc j’ai com­mencé à boss­er, j’ai payé mes cours, et ma for­ma­tion, c’est la danse. Et puis il y eu le cabaret qui est la meilleure des écoles. Je chan­tais tou­jours en direct. Je fai­sais des imi­ta­tions de Nina Hagen…

Votre voix de tête est-elle le fruit d’un long tra­vail ou quelque chose que vous faites naturellement ?
Je n’ai jamais tra­vail­lé la voix de tête. Je ne devrais pas le dire, je n’ai pas beau­coup de mérite. J’ai tou­jours une voix très aigüe, depuis tout petit. Ma voix à moi, heureuse­ment, n’est pas comme ça, mais en prenant de l’âge … Ca fait dix ans que ça existe, je sais com­ment ça marche, com­ment ça fonc­tionne, mais je n’ai jamais vrai­ment tra­vail­lé ça. J’ai tou­jours été fan de Nina Hagen et de Klaus Nomi que j’ai décou­verts quand j’é­tais en train de muer et comme j’ai tou­jours voulu chanter comme eux, j’ai gardé ces notes hautes. J’ai tou­jours imité cette voix-là, pour faire rire les gens, parce que ma grand-mère par­lait comme ça. Jamais je n’au­rai imag­iné qu’un jour je ferais un spec­ta­cle de deux heures, déguisé en femme.

Il y a une séquence dans le spec­ta­cle qui évoque directe­ment le spec­ta­cle de cabaret. C’est celle où vous changez de cos­tumes plusieurs fois en quelques secondes.
Cette séquence vient de Pierre Naf­tule (NDLR : co-auteur et co-pro­duc­teur). Il est magi­cien au départ, donc dans chaque spec­ta­cle de Marie-Thérèse, il y a tou­jours un petit moment mag­ique. Dans le dernier spec­ta­cle je fai­sais une lévi­ta­tion sur une chaise. Il y avait un cos­tume qui dis­parais­sait très vite là aus­si. J’avais envie d’es­say­er de faire ce sys­tème à la Brac­chet­ti avec qui Pierre a tra­vail­lé à une époque. C’est assez à l’im­age de Marie-Thérèse, ce côté désuet. Ca a un petit côté ringard mais en même temps, j’aime les trucs un peu kitsch. J’aime bien ça aus­si dans la musique. Je n’é­coute pas que des vieux trucs, mais j’aime ce côté kitsch dans les chan­sons. Ca cor­re­spond à ce que j’en­tendais quand j’é­tais petit. C’est agréable de retrou­ver des sen­sa­tions d’enfant.

Com­ment avez-vous con­stru­it le look de Marie Thérèse ?
Un peu par hasard. J’ai bossé dans un bureau pen­dant plusieurs années pour pay­er mes cours de danse. Ma chef de bureau m’a beau­coup inspiré. Physique­ment, elle est un peu comme ça. En Suisse il y a beau­coup de dames qui sont per­ma­nen­tées, les cheveux courts bouclés. On l’a fait un peu comme ça et puis après, avec le temps, le tra­vail et le suc­cès, ça s’est développé.

Dans une autre séquence par­ti­c­ulière­ment hila­rante, Marie-Thérèse fustige allè­gre­ment la pop­u­la­tion suisse alle­mande. Pourquoi cet acharnement ?
Il y a vrai­ment une guéguerre entre les Suiss­es romands et les Suiss­es alle­mands. Tout ce que je dis est vrai. Ils sont deux fois plus nom­breux que nous. Quand il y a une « vota­tion » comme on dit là-bas, comme ça marche comme aux Etats-Unis, c’est à dire par can­tons, et qu’on est beau­coup moins nom­breux, et, en général, jamais d’ac­cord, for­cé­ment, c’est tou­jours eux qui gag­nent. Et puis, ils nous con­sid­èrent un peu comme des feignants. Comme on vient du sud, c’est eux qui tien­nent le pays, qui ont les ban­ques, qui ont l’ar­gent. Et ils ont un lan­gage qui est telle­ment par­ti­c­uli­er. En Suisse romande, la Suisse alle­mande fait rire. On se moque d’eux depuis tou­jours. Depuis mes pre­miers sou­venirs, on se moque des Suiss­es alle­mands. Il y a une espèce de guéguerre gen­tille. Marie-Thérèse est comme ça parce qu’il y a plein de gens de cet âge-là en Suisse romande qui s’achar­nent comme elle le fait.

D’une manière générale, le spec­ta­cle est volon­taire­ment provo­ca­teur, irrévéren­cieux, quand il n’est pas car­ré­ment méchant, en par­ti­c­uli­er lorsque vous invec­tivez les spec­ta­teurs. Est-ce qu’il vous est arrivé d’être con­fron­té à un pub­lic hostile ?
Jusque là, non. J’ai même joué ce spec­ta­cle à Zurich et j’ai con­nu de très belles soirées. Les gens savent très bien que ce n’est pas moi. C’est telle­ment plus drôle d’être méchant et puis la méchanceté fait rire. De toute façon, ça retombe tou­jours sur Marie-Thérèse. C’est pour qu’ils lui pardonnent.

Qu’avez-vous fait avant de devenir Marie-Thérèse Porchet ?
J’ai joué dans la pro­duc­tion parisi­enne de Cats. Ca a changé ma vie. J’ai tou­jours fait du spec­ta­cle. J’ai com­mencé à faire de la scène à 14 ans, du cabaret notam­ment, mais je ne gag­nais pas ma vie avec ça, je tra­vail­lais en dehors. Puis j’ai com­mencé à don­ner des cours de danse et j’ai vu l’an­nonce d’une audi­tion à Paris. Ils cher­chaient des danseurs pour Cats. J’y suis allé et puis ils m’ont engagé. J’ai arrêté de tra­vailler en Suisse et c’est à par­tir de ce moment là que c’est devenu mon méti­er. Ca a changé ma vie. J’ai fait le Rocky Hor­ror Show juste après, au Casi­no de Paris.

La struc­ture du spec­ta­cle, bien qu’é­tant conçue autour d’un seul acteur, évoque celle d’une comédie musi­cale. les chan­sons ne sont pas juste des inter­mèdes mais vien­nent vrai­ment appro­fondir le per­son­nage et met­tre en relief ses émo­tions. C’est un choix délibéré ?
Absol­u­ment. Je suis un vrai fan de comédies musi­cales. Dans le pre­mier spec­ta­cle, il y avait déjà des chan­sons, mais moins. On n’avait pas envie de refaire la même chose que dans le pre­mier. J’ai de plus en plus envie de chanter et je trou­ve que ça va bien avec ce per­son­nage de Marie-Thérèse. J’aime bien cette idée d’ar­rêter l’his­toire et de chanter un truc au pub­lic, en rap­port avec l’his­toire. C’est orig­i­nal et puis dans l’hu­mour, per­son­ne ne fait ça.

Com­ment avez-vous choisi les chansons ?
Ce sont des chan­sons que j’aime. J’ai écouté plein de dis­ques que j’avais en tête. Tout le côté big band, les années Sina­tra, ça colle au per­son­nage. A part l’ex­trait de Sun­set Boule­vard qui est un enreg­istrement orig­i­nal, on a fait faire toutes les ban­des orchestre en stu­dio par des musiciens.

Com­ment vous est venu ce goût pour le musical ?
J’ai tou­jours aimé la musique depuis tout petit. Je suis venu à la comédie musi­cale à tra­vers Bar­bra Streisand. Quand j’é­tais petit, j’ado­rais « Mem­o­ry ». Puis j’ai appris que c’é­tait tiré d’une comédie musi­cale. C’est là que j’ai com­mencé à m’in­téress­er un peu à ça. Je n’y con­nais­sais rien mais j’ado­rais aus­si voir Gene Kel­ly, Fred Astaire à la télé. Quand j’ai fait Cats, j’ai vrai­ment décou­vert l’u­nivers de la comédie musi­cale. Ca m’a fait con­naître Andrew Lloyd Web­ber notam­ment. Pen­dant des années, j’al­lais à New York deux fois par ans pour voir des comédies musi­cales, pour me nour­rir un peu de tout ça.

Quelles sont vos comédies musi­cales favorites ?
J’aime bien quand c’est rigo­lo. Il y a de moins en moins de choses drôles. J’aime bien des choses très améri­caines comme Guys and Dolls. En même temps, Le Fan­tôme de l’Opéra, Les Mis­érables, Cats, tout ça je trou­ve que c’est mag­nifique, mais j’aime mieux quand on s’a­muse. Cela dit, Sun­set Boule­vard, j’adore.

Suiv­ez-vous l’ac­tu­al­ité parisi­enne en matière de comédie musicale ?
J’avais vu Nine aux Folies Bergère. Je con­nais aus­si Alain Mar­cel parce qu’on a fail­li tra­vailler ensem­ble à l’époque où j’é­tais danseur. En tout cas, j’aime mieux ce type de comédie musi­cale plutôt que les gross­es bas­tringues qu’on voit maintenant.

Y‑a-t-il un rôle, dans le réper­toire du musi­cal anglo-sax­on, qui vous ten­terait particulièrement ?
J’au­rais voulu faire Nor­ma Desmond dans Sun­set Boule­vard, ça aurait été très drôle.

Vous êtes actuelle­ment très occupé avec Marie-Thérèse. Vous arrive t‑il par­fois d’avoir envie de jouer d’autres rôles ou d’aller vers d’autres univers ?
J’ai déjà fait plein de choses. Dans Cats, je chan­tais avec ma voix nor­male. J’ai fait beau­coup d’opérettes, de cabaret, de comédies musi­cales. Je m’é­clate beau­coup à faire ce que je fais en ce moment. Quand ça marche comme ça, on est porté, mais j’e­spère que le jour où j’en aurai marre, j’au­rai le courage d’ar­rêter. Pour l’in­stant, je ne suis pas en manque d’autre chose. Je suis ouvert à beau­coup de propo­si­tions mais Marie-Thérèse me prend beau­coup de temps et beau­coup d’énergie.

Et une grande comédie musi­cale avec Marie-Thérèse Porchet en vedette, ça vous tenterait ?
C’est notre but à Pierre et à moi. Ce me fait vrai­ment envie de refaire un spec­ta­cle de comédie musi­cale, une espèce de revue… Il y aurait Marie-Thérèse en tête d’af­fiche, parce que main­tenant ça fait venir les gens, et plein d’autres per­son­nages autour. Mais je vois déjà ce que ça coûte d’être seul, d’avoir les décors, les ban­des-orchestres, les costumes…

Quel sont vos pro­jets avec Marie Thérèse ?
On va jouer Marie-Thérèse Amoureuse jusqu’au 4 jan­vi­er. Ensuite, je dois ren­tr­er en Suisse parce que j’ai un con­trat à par­tir de juin 2004 jusqu’à décem­bre. Après, il y a la tournée qui est prévue en France. Et puis en 2006, un nou­veau spec­ta­cle. Si on en a envie… Comme on fonc­tionne beau­coup au plaisir et à l’en­vie, qu’on a cette chance de pou­voir dire non parce qu’on pro­duit, si on en a marre on arrêtera. On a cette lib­erté là.