Johan Nus, présentez-nous votre parcours. Comment vous est venue votre passion pour la comédie musicale ?
Après un parcours universitaire avec obtention d’une Maîtrise d’Économie à Nancy 2, un diplôme d’état en danse classique au CNR et au CREPS de Lorraine puis des études en danse contemporaine au CND de Lyon, j’ai intégré la troupe de Blanche Neige aux Folies Bergère, comédie musicale mise en scène par Jean-Luc Moreau. Dès lors, j’ai eu l’opportunité de participer en tant qu’interprète à de nombreux musicals : Un Violon sur le toit , Grease… puis l’envie de chorégraphier est venue naturellement et l’on m’a fait confiance sur des projets tels que Kid Manoir, La petite fille aux allumettes, Aladin, Sauna, Gutenberg ou encore Sweeney Todd. En parallèle de mon travail sur les scènes parisiennes, j’ai chorégraphié différentes émissions en France telles que : « Nouvelle Star », « La France a un Incroyable Talent », « Famous Dance », « À la recherche de… », mais également à l’international : « X Factor », « Arab Got Talent », « Arab Idol ».
Ma première rencontre avec le monde de la comédie musicale a eu lieu en 1994, au Théâtre Mogador, avec Starmania ; j’ai alors pris conscience de l’importance des autres arts pour venir nourrir et enrichir ma danse. J’ai pris le temps de multiplier les voyages à Londres et à New York pour aller étudier et applaudir de nombreux musicals.
Comment abordez-vous le travail de chorégraphe ?
Dans le cadre d’un musical, la chorégraphie doit, selon moi, toujours nourrir une situation. Le mouvement ne doit pas être gratuit ; la danse doit être au service de l’histoire, correspondre à l’humeur du numéro. La chorégraphie est en effet guidée par la mise en scène ; le metteur en scène me donne un cadre — temps, lieu, espace — avec lequel je dois composer. Je prends également soin du texte et du chant ; je ne dissocie jamais le chant – qui fait voyager le souffle à travers le corps — de la danse. Avant de penser aux mouvements, j’écoute pendant plusieurs jours les maquettes. Je prends le temps de discuter avec le metteur en scène pour lui proposer une esthétique du numéro mais aussi avec le compositeur pour les tempi, les contre-chants, les élans.
Puis, je m’enferme dans un studio et je teste différentes voies… jusqu’à trouver la meilleure. Suit alors le travail avec les artistes ; le squelette esquissé lors de mon travail préparatoire prends alors corps, s’incarne progressivement. Puis, tel un père avec son enfant, j’accompagne son chemin ; je le guide pour le faire grandir.
Parlez-nous de votre collaboration avec Alex Goude sur le spectacle Timéo. Quels sont les challenges ?
Il y a quelques années déjà que je côtoie Alex Goude, par le biais de la télévision mais également du théâtre. Il m’a confié le travail chorégraphique sur certaines de ses pièces, notamment Tous des Malades qui s’est joué au Palais des Glaces. Lorsqu’ Alex m’a parlé pour la première fois du projet Timéo, j’ai trouvé cela totalement fou ; en effet, comment trouver des Circassiens capables à la fois de jouer la comédie, chanter et performer ?! Bruno Berberes a réussi ce challenge via un incroyable casting, grâce auquel nous avons pu, Alex et moi, continuer à nous projeter dans ce musical en construisant chaque numéro. Alex est attentif au fait que chaque numéro, chaque visuel soit unique, et que tous les performers soient capables de chanter et danser en même temps ; son imagination ne s’arrête jamais et il demande toujours l’impossible aux équipes avec lesquelles il travaille. Techniquement, ce show est sans doute l’un des plus complexes que je me suis vu confier ; et pour moi qui ai le souci d’utiliser l’ensemble de l’espace scénique, je suis servi car, sur scène, nous avons de l’aérien, des rampes de skate, des mâts, des trampolines. Nous dessinons ensemble la routine de chacun de nos artistes. La danse se retrouve alors à la fois dans la performance et dans les prises d’espaces. Nous avons fait par exemple un important travail sur l’expression animale, pour que nos artistes puissent incarner des tigres. Ce fut ma première expérience, assis dans un fauteuil roulant : chercher à comprendre et trouver comment évoluer, danser avec. L’écriture de ce show est très proche des numéros télévisuels dans leur construction tant les moyens mis en place sont importants ; le challenge est donc de ne pas perdre l’essence du musical et de son histoire ; en effet, Timéo doit nous conter l’histoire d’un jeune garçon qui souhaite réaliser son rêve ; ce ne doit pas être une banale succession de numéros. Nous avons la chance, grâce à la production, d’avoir pu commencer la formation de nos artistes un an en amont ; mais le rythme de travail est soutenu afin que chacun soit parfaitement prêt dans cette triple compétence artistique attendue. Un autre challenge personnel : c’est de répondre aux attentes de nos deux Timéo, Matthias et Benjamin : «Faire de ces moments de scène, un véritable rêve »
Vous chorégraphiez en ce moment le spectacle Madiba, en hommage à Nelson Mandela, prochainement au Théâtre le Comédia. Quelle a été votre démarche pour créer les chorégraphies de ce musical ? Quelles recherches avez vous effectuées pour cela ?
Madiba, tout comme Timéo ou encore Un Violon sur le Toit, dont je m’occupe également en ce moment, sont trois spectacles porteurs d’un message fort. Chacun d’eux possède sa propre esthétique. En ce qui concerne Madiba, il était important pour moi de trouver tout d’abord une couleur africaine au mouvement ; je me suis pour cela beaucoup documenté puis entouré de fabuleux danseurs qui possèdent cette couleur et ses résonances dans leur corps. J’ai souhaité que chaque tableau chorégraphié dans ce show fasse appel à une base technique différente ; c’est pourquoi vous allez y déceler différents codes : base classique, contemporaine, moderne, africaine… J’ai effectué beaucoup de recherches sur l’esthétique des danses sud-africaines car elles ne possèdent pas les mêmes rythmes, ni les mêmes accents. J’ai fait, en concertation avec la production, le choix d’avoir des séquences très dansées ; pour cela, nous nous sommes entourés d’excellents danseurs, qui se sont révélés être également de très bons chanteurs. J’ai tenu également à introduire des objets triviaux, de la vie quotidienne, dans certaines chorégraphies pour leur donner davantage de sens, les ancrer au sein de l’ensemble du show. Dans « Soweto », j’utilise par exemple des chaises, celles que l’on peut retrouver dans les rues de villages africains, devant chaque maison ; dans « La couleur de ta peau », des bancs de jardins publics servent d’appuis aux danseurs. Pour Nelson Mandela, la danse était importante ; c’est la raison pour laquelle la chorégraphie a une place d’honneur dans ce show qui rend hommage à la liberté : des hommes, des mouvement… de la vie !
Quels sont vos prochains projets ?
Pour le moment, je mets beaucoup d’énergie dans la réussite de ces projets en cours. Je devrais ensuite, courant mars, intégrer un nouvelle production pour un montage de La Mélodie du Bonheur, en Belgique ; et d’autres shows m’attendent à l’international. Mais j’ai également le souhait de consacrer du temps à ma compagnie « Talent d’Argile », ici en France.