
Joanna Ampil, comment a débuté pour vous l’aventure de Miss Saigon ?
J’ai auditionné à Manille en même temps que plusieurs centaines d’autres candidats. Cela a duré une semaine, puis j’ai eu la chance qu’on me propose de partir pour Londres deux mois après les auditions. Je n’avais aucune idée que j’allais jouer le rôle de Kim et bien sûr, cela a été une merveilleuse surprise.
Est-ce que vous vous doutiez alors que vous alliez démarrer une véritable carrière dans le West End ?
Je m’en suis rendue compte progressivement. Quand je suis arrivée à Londres, j’ai eu droit à des traitements spéciaux, j’étais chouchoutée. Je me sentais vraiment chanceuse et reconnaissante bien sûr, mais je n’avais aucune idée de l’ampleur du milieu théâtral de Londres. J’ai également réalisé le poids de la responsabilité de jouer Kim, et d’être dans un musical populaire. Il y avait beaucoup d’éléments à prendre en compte… Connaître le contexte de la guerre du Vietnam, de la prostitution, de l’attitude des femmes, et plus particulièrement des mères, interpréter une femme amoureuse, prise dans une situation tragique… Tout ça alors que je n’étais qu’une jeune fille inexpérimentée de 17 ans… On peut donc dire qu’il y avait un lourd fardeau à endosser !
Qu’est-ce qui a été le plus dur dans le rôle de Kim ?
Ce n’était pas uniquement le fait de l’interpréter… Une fois sur scène, je devais « devenir » Kim. C’était ça, le vrai défi. C’est la raison pour laquelle j’aime tant le théâtre ! Je m’incarne complètement dans ces superbes personnages. C’était déchirant et poignant de revivre cette histoire soir après soir. Il n’est pas surprenant que la production ait décidé d’avoir une alternante pour le rôle.
Avez-vous une anecdote amusante à partager avec nous sur cette expérience ?
Il y en a beaucoup mais je suppose que nous n’aurions pas le temps de les raconter toutes. Un soir, durant la scène de la mort de Thuy, le petit garçon qui jouait Tam n’est pas arrivé à temps. Nous avons dû nous arranger avec un ballot. Puis, durant « I’d give my life for you », j’ai dû bercer une poupée qui ressemblait à un petit monstre et lui chanter toute ma chanson. C’est une des raisons pour lesquelles j’aime tant le théâtre vivant, chaque moment est une aventure !
Vous avez joué le rôle d’Eponine dans Les Misérables. Aujourd’hui, vous êtes Fantine dans ce même spectacle. Comment passe-t-on d’un rôle à l’autre ? Avez-vous un rôle préféré ?
Je me sens vraiment privilégiée d’avoir pu interpréter ces deux rôles très importants. Ce n’est pas une question de « passer de l’un à l’autre », j’utilise toujours mes expériences personnelles en fonction des besoins de mes personnages. J’ai joué Eponine il y a trois ans et, maintenant, étant plus mûre et avec plus d’expérience, je suis plus à même de jouer Fantine. J’aime ces deux rôles et ils sont incomparables.
Est-ce difficile pour une actrice asiatique d’obtenir des rôles dans le West End ?
Oui, c’est assez difficile car certains rôles sont vraiment écrits spécifiquement pour des actrices européennes. Je dois dire que je suis vraiment reconnaissante aux producteurs et aux directeurs de casting qui ont assez de courage pour dépasser ça et considérer nos capacités plus que notre apparence physique.
Pouvez-vous nous parler de One Day More auquel vous allez participer le 17 septembre prochain à Birmingham ?
Ce sera un concert en hommage à la musique de Boublil et Schönberg. Nous allons donc bien entendu interpréter des chansons extraites de leurs musicals. Mais il y aura de nouveaux arrangements ainsi que des chansons qui avaient été coupées. Cela confèrera un côté unique et inédit à cette soirée. Boublil et Schönberg ont également écrit un morceau spécialement pour ce concert.
Quel souvenir gardez-vous de la production de Jésus-Christ Superstar pour laquelle vous avez joué le rôle de Marie-Madeleine en 1996 ?
Je n’oublierai jamais cette expérience. Comme c’était une nouvelle production, j’ai pu travailler avec une équipe artistique des plus prestigieuses.
Je pense aussi que ça a été le premier rôle où j’ai franchi une barrière : Marie-Madeleine aurait pu être de n’importe quelle couleur et de n’importe quelle race, je suis heureuse qu’ils aient choisi l’option Philippine !
Quels sont les autres rôles que vous aimeriez aborder ?
Actuellement, je me concentre sur Les Mis. Bien sûr, j’aimerais jouer d’autres rôles mais il m’est difficile de dire lesquels. Je suppose qu’il faut que je continue à auditionner pour voir qui voudra d’une fille asiatique dans son spectacle !
Quels sont les personnes avec qui vous rêveriez de travailler ?
Je ne pense pas pouvoir demander plus quand j’ai déjà eu la chance de travailler avec Trevor Nunn, John Caird, Nick Hytner et Gale Edwards, ainsi que des auteurs et compositeurs tels que Boublil, Schönberg, Lloyd Webber et Tim Rice… ce qui est plus que je n’aurais jamais rêvé. Et le bonus, c’est d’avoir pu partager la scène avec Judi Dench quand elle a fait une apparition spéciale, un soir dans Les Mis. J’adore vraiment ce métier !