Cabaret écrit et conçu par Pierre Notte
avec : Marie Notte, Pierre Notte et Karen Locquet au piano
En trente chansonnettes, le trio de J’existe (foutez-moi la paix) tente de trouver sa place sur la terre. Etre quelqu’un parmi les autres, entre un piano, un peu de mélancolie et beaucoup de burlesque pathétique. Trois gugusses bidouillent dans le désastre, dansent comme ils peuvent sur un gazon très vert parmi les fantômes de Goethe et de Duras.
La rentrée théâtrale 2006 n’a pas encore commencé qu’un spectacle épatant est à l’affiche au théâtre des Déchargeurs. Une sorte de diamant noir fort bien taillé dont les reflets intriguent, étonnent et charment. Après le succès mérité de Moi aussi je suis Catherine Deneuve, pièce dans laquelle figurait déjà des chansons, Pierre Notte nous propose une escapade de grande qualité. Plus que du cabaret comme l’annonce l’affiche, c’est bel et bien à du théâtre musical que nous avons affaire. Divisé en sept chapitres, nourri de chansonnettes et de transitions habiles, le spectacle nous entraîne dans l’univers très personnel de l’auteur. Une sorte de « désespérance drôlatique » servie par des textes malins, des plus anecdotiques aux plus troublants, sans parler des quelques interventions en voix-off qui valent leur pesant de vol d’oiseaux… Quant au trio qui évolue sur scène, il est formidable. Marie Notte charme son monde très naturellement, sa présence contraste avec celle de son grand frère, sorte de pantin volontiers désarticulé qui porte un regard narquois sur le spectacle. Karen Locquet accompagne le duo au piano, et avec quelle maestria.
Pierre Notte connaît ses classiques et il a en plus le talent de jouer fort habilement avec la langue française. Lorsqu’il s’agit de parler de la famille et notamment des parents, l’utilisation de comptines mutines et terribles, chantées de dos, en disent plus long qu’une chanson au texte fourni. Si l’on rit, si l’on s’amuse des jeux de mots, le malaise n’est jamais loin : le spectacle tient en équilibre sur un fil (solidement arrimé).
En résumé, voilà un spectacle inclassable et parfaitement enthousiasmant, à découvrir absolument. Attention toutefois, il est de mon devoir d’avertir les membres les plus irréductibles d’associations de défense des nains de jardin qu’ils risquent de sortir de la salle profondément et durablement choqués.