Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Si l’on exclut l’initiation R&B prodiguée par mon grand frère, Da Mogueez de son nom d’artiste, je me considère un peu comme un autodidacte. C’est avant tout par goût pour le théâtre musical — découvert notamment à travers la lecture de Regard en Coulisse — que j’ai remis en cause ma formation en école de commerce pour me consacrer à la scène. J’ai commencé par une chorale (Gospel pour 100 Voix) puis je suis devenu G.O. de troupe artistique au Club Med World à Paris, ma véritable formation aux arts de la scène. Après trois ans, j’ai décidé de lâcher mon CDI pour m’obliger à donner le meilleur de moi-même à chaque étape de ma carrière. Recruté comme danseur-choriste pour la revue Swinging Fantasy au Casino d’Enghien, j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir le Maître de Cérémonie. En parallèle, j’ai suivi la formation de l’Académie Internationale de Danse (AID). Le rôle de Tyrone dans la production française de Fame est le couronnement de nombreuses années d’efforts, j’en suis très fier. Je sais que je le dois aussi à toutes les personnes extraordinaires qui m’ont fait confiance dans le passé !
Tyrone, c’est le rôle dont vous rêviez ?
Après la naissance de ma fille début 2007, c’est le cadeau de fin d’année ! J’adore Fame. Je suis certes un peu jeune [NDLR : 28 ans] pour garder des souvenirs marquants du film et de la série, mais je connaissais bien la bande sonore de la comédie musicale. C’est un vrai musical, au sens américain du terme, où le volet théâtral prend toute sa place aux côtés du chant et de la danse. Et puis le rôle de Tyrone me convient bien, pas seulement pour des raisons évidentes de couleur de peau : il est autodidacte, comme moi, et finit par comprendre qu’il a encore plein de choses à apprendre dans la vie, ce qui est aussi un peu ma quête. En revanche, ce sera vraiment un rôle de composition pour moi qui ne suis ni violent, ni issu des rues de Harlem de l’ère pré-Giuliani. J’ai eu une enfance toute rose, moi ! (rires)
Comment se sont passées les auditions ?
On nous a demandé de préparer deux chansons, une lente et une rapide, plus un monologue, une scène (celle avec Iris) et une chanson (le « Rap de Tyrone ») du rôle envisagé. Autant dire qu’il fallait être très préparé, ce qui était mon cas. J’ai peut-être été aussi un peu aidé par le fait que de nombreux artistes potentiellement concurrents soient déjà engagés dans la troupe du Roi Lion à Mogador !
Et comment se sont déroulées les répétitions et les premières représentations ?
Ned Grujic, le metteur en scène, et Samuel Sené, le directeur musical, ont monté une troupe de vrais pros et nous dirigent formidablement. N’ayant pas de formation théâtrale, je profite à plein de leurs instructions et j’observe, en tâchant de faire aussi bien, mes camarades de troupe formés à l’art dramatique. Je les en remercie tous, notamment Annick Cisaruk qui me donne d’excellents conseils, un peu comme Miss Sherman, qu’elle interprète, cherche à bonifier Tyrone dans le spectacle. Il y a un véritable esprit de troupe dans ce spectacle et pour moi qui aime l’ambiance « colo », c’est l’environnement de travail et de développement parfait. Lors des premières représentations, il y avait une ambiance de folie. Quelques grands artistes comme Fabian Richard sont venus nous encourager ; c’est une source d’inspiration de sentir la solidarité de la profession. Tout le théâtre musical va y gagner !
Quelle est votre conception du théâtre musical ?
Je veux être acteur-danseur-chanteur. J’aime avant tout la polyvalence, le mélange des genres… et des couleurs ! Dans les pays de grande tradition de musical, je trouve ça génial qu’un acteur noir ou asiatique, par la magie du spectacle, puisse interpréter Javert ou Fantine dans Les Misérables. Les parcours entre scènes de théâtre et plateaux de ciné de monstres sacrés comme Glenn Close, Catherine Zeta-Jones ou Ewan McGregor me font rêver. Plus proche de nous, c’est géant de voir Herbert Léonard, icône de variété française, revenir en force dans Notre Dame de Paris. Pour moi, l’esprit de Fame à la scène comme à la ville est le bon : il faut bosser dur pour devenir un vrai professionnel et, de fait, notre troupe est un vivier d’artistes. Aujourd’hui, il y a pas mal de moyens d’accélérer sa carrière, au travers d’émissions de télé notamment, mais ça finit souvent en feu de paille. Cela ne m’a pas dérangé de de répéter Roméo et Juliette pendant trois mois, quand Yohan Azran a tenté de remonter le spectacle, pour une seule date de représentation. Autant par goût personnel, par hygiène de vie et par respect pour ma famille, je me lance sur la durée, en vivant une passion sincère et profonde.