
Par un heureux concours de circonstances. L’Opéra Royal de Wallonie que je dirige avait fait les costumes du spectacle musical Gladiateur. Au cours de cette collaboration, j’ai rencontré des gens très sympathiques dans l’équipe de production qui m’ont demandé de m’intéresser au projet Sol en Cirque. J’ai écouté l’album ; j’ai trouvé les chansons excellentes et de grande qualité. Même si je n’avais jamais monté de spectacle musical de variété française, j’ai tout de suite embrayé sur le projet.
Qu’est-ce qui vous a séduit ?
Tout d’abord, c’est un spectacle que nous faisons pour une oeuvre, l’association Solidarité Enfant Sida. J’ai toujours eu envie de m’intéresser un jour à une oeuvre caritative mais plutôt en direction des enfants, donc ça correspondait tout à fait à mon optique. D’autre part, j’ai rencontré des gens formidables : Zazie, qui est une femme intelligente, spirituelle et généreuse, Vincent Baguian et Jean-Marie Leau qui ont co-écrit le spectacle avec elle. Ils ne connaissaient pas du tout mon milieu ; ils sont donc venus voir Le Crépuscule des Dieux de Richard Wagner que j’avais monté à Liège l’année dernière. Ca n’avait rien à voir ! Mais il y a eu une rencontre qui s’est bien passée, une sympathie réciproque qui est née. On a mis toutes nos énergies autour de ce projet. Je voudrais préciser que tous ceux qui travaillent sur ce spectacle le font vraiment pour l’aventure, pour l’association Sol en Si à qui 60 % des bénéfices seront reversés. Même Jérôme Savary a mis à disposition gratuitement ces superbes locaux appartenant à l’Opéra Comique pour nos répétitions.
C’est la première fois que vous montez ce genre de spectacle…
Je connaissais peu l’univers de la variété. Et puis je n’ai jamais monté de spectacle pour enfants, or Sol en Cirque est principalement à destination du jeune public à partir de 3 ans. L’idée du spectacle est une idée de partage, de solidarité, de vie en collectivité, en vue de gommer les différences. Ce sont des chansons de variété incluses dans une trame dramatique qui est une sorte de quête initiatique où chacun doit apprendre sur soi-même et sur les autres. Donc je monte ça en travail collectif, on peut rectifier bien sûr le texte, les auteurs ont réarrangé certaines musiques. J’ai vraiment une équipe de comédiens extraordinaires, c’est un bonheur de travailler avec eux.
Que verra-t-on sur scène ?
Il y aura un décor unique, quatre musiciens, des acteurs qui jouent la comédie, chantent et dansent. C’est une histoire d’animaux qui vont faire un cirque chez les hommes, un cirque maladroit. Ce sont des animaux qui vivent paisiblement entre eux et qui vont rechercher la pierre molle pour sauver Big Mama, l’éléphante qui, elle, est représentée par un gonflable. Big Mama a perdu ses défenses, on voit bien l’allusion au Sida, il y a toujours ce double niveau de compréhension. C’est une aventure qui devrait durer 1h20 environ et qui permettra de donner trois représentations par jour. On essaye d’être percutant et clair pour les enfants, et également suffisamment amusant pour que les parents qui les accompagnent ne s’ennuient pas. C’est une vraie comédie musicale, ce n’est pas un tour de chant !
En même temps, vous allez remonter Titanic à Liège. Comment vous organisez-vous ?
Lors de la création de cette adaptation française en décembre 2000, j’avais co-signé la mise en scène avec Claire Servais. Pour cette reprise, c’est Claire qui va faire la remise en route et moi j’arriverai là-bas pour les dix derniers jours de répétition avant la première.
Pourquoi avoir choisi de remonter ce spectacle ?
Parce qu’il est magique ! Et il y avait une véritable demande d’une part du public et d’autre part des artistes. Et quand les artistes ont envie de faire quelque chose, je crois que c’est important de leur donner l’opportunité de le faire. C’est un spectacle qui crée une émotion qui touche tout le monde. C’est un spectacle qui est beau visuellement. Il y a une ambiance, cette musique formidable de Maury Yeston, qui sera là d’ailleurs pour la première. Ce serait dommage de laisser ça dans les cartons. C’est le vrai gros musical de Broadway d’aujourd’hui.
Y’aura-t-il des changements par rapport à la création ?
On ne va pas réinventer la mise en scène mais juste retravailler certaines choses. Il y aura un changement dramatique un peu fort : une vraie scène d’opposition entre le personnel de bord et les passagers de troisième classe qui sont bloqués et qui ne peuvent pas sortir des dessous.
Cette fois-ci, peut-on espérer voir Titanic à Paris ?
Si je remonte Titanic à Liège, c’est aussi pour lui donner une nouvelle chance. Je vais faire venir des gens. Ce qui fait peur dans cette production, ce n’est ni l’oeuvre, ni le décor, mais c’est l’ampleur de la distribution. Aujourd’hui on sait bien que musique live plus grosse distribution, ça ne fait pas recette auprès des producteurs. Les deux seuls théâtres qui pourraient l’accueillir sont Mogador et le Châtelet. Mogador a été racheté par Stage Holding dirigé par Jon De Mol qui, je le rappelle au passage, a co-produit la création de Titanic à Broadway… Quant au Châtelet, son nouveau directeur a l’air de vouloir sortir un peu des sentiers battus et faire des choses un peu plus populaires.
Un directeur d’Opéra qui met en scène aussi bien du Wagner que Sol en Cirque, en passant par Titanic, ce n’est pas commun…
Moi j’aime bien la diversité, je n’aime pas la monochromie. Et j’ai bien l’intention de continuer. Je prépare pour la rentrée 2006 une nouvelle production de West Side Story à l’Opéra de Tel Aviv. L’Opéra de Marseille m’a proposé de mettre en scène la création d’un spectacle musical de Vladimir Cosma sur Marius et César de Pagnol en septembre 2007 avec Roberto Alagna dans le rôle de Marius.
En 2007, vous allez quitter l’Opéra Royal de Wallonie pour rejoindre l’Opéra de Monte Carlo…
C’est une sorte de retour au pays, je suis un vrai monégasque. J’avais choisi de ne pas faire plus de deux mandats à Liège. Quand on est resté onze ans à la tête d’un Opéra, je pense qu’on nous a assez vus. Le personnel a besoin d’avoir un autre challenge, le public a besoin de voir autre chose que le goût, les envies et les copains de Jean-Louis Grinda ! Et moi j’ai besoin de me confronter à d’autres pratiques, de trouver de nouvelles formules. A Monte Carlo, j’aurai la chance d’avoir deux salles de spectacles : la salle Garnier, une magnifique bonbonnière, et la salle des Princes (2 000 places et un plateau grand comme celui de Bastille) qui se trouve sous la mer ! J’espère bien y présenter, en plus des opéras, des grands spectacles comme Titanic, West Side Story, Chantons sous la pluie, et des nouvelles créations… Je continuerai à avoir la double casquette.