
Jean-François Breau, le public français ne vous connaît pas encore, qu’avez-vous fait avant Don Juan ?
En 1998, j’ai gagné le concours de chant de Grandby, le plus connu du Québec. Deux mois après, je passais des auditions pour Notre Dame de Paris. J’ai eu beaucoup de chance de passer rapidement d’amateur à professionnel. J’ai intégré la troupe comme doublure de Sylvain Cossette pour le rôle de Gringoire à Montréal en 1999. L’année suivante, j’ai créé le rôle en anglais à Las Vegas, puis en 2001 j’ai fait la tournée au Québec mais cette fois je n’étais plus la doublure ! Ensuite j’ai enregistré un album solo qui a bien fonctionné chez nous.
Que vous a apporté votre expérience dans Notre Dame de Paris ?
Pour moi, c’était « l’université » de la scène. J’y ai appris tous les rudiments. Au départ, on ne sait pas si on va en être capable, comment notre corps va réagir, et petit à petit on acquiert une constance professionnelle. Quand Bruno Pelletier était sur scène, j’étais déjà en coulisses en train d’apprendre le rôle, j’ai beaucoup appris grâce à lui, j’étais à bonne école. Je me souviens quand même d’une petite mésaventure. Un soir à Las Vegas, j’étais tellement plongé dans mes pensées que lorsque je suis rentré sur scène, j’ai commencé « Le temps des cathédrales » en français ! Quand je m’en suis rendu compte, c’était la panique, j’ai terminé la chanson en franglais, c’était n’importe quoi !
Est-il exact que vous avez failli jouer le rôle de Rhett Butler dans Autant en emporte le vent, le spectacle musical de Gérard Presgurvic ?
Oui c’est vrai, mais comment vous savez ça ?! Des auditions ont eu lieu à Montréal, j’ai passé toutes les étapes. La production m’appréciait beaucoup. On m’avait même proposé de venir à Paris pour commencer le travail. Mais finalement, ça n’a pas marché car j’étais vraiment trop jeune pour le rôle ! Sur le moment bien sûr j’étais déçu, mais si j’avais été retenu, je n’aurai pas pu faire Don Juan et ça, je l’aurai regretté !
Comment expliquez-vous le succès considérable de Don Juan au Québec ?
Il y a eu un an de promotion intensive avant le spectacle. Un vrai matraquage ! J’avais peur que la production gonfle tellement la bulle que les gens s’attendent à quelque chose d’énorme et qu’ils soient finalement déçus en sortant. Heureusement ce n’est pas ce qui s’est passé, le show a été à la hauteur des attentes. Cela a créé un engouement et le bouche à oreille a été très bon. Le côté espagnol du show avec les ballets flamenco plaît beaucoup. C’est un vrai spectacle populaire. Les chansons, qui sont beaucoup passées en radio avant le spectacle, sont accrocheuses. J’ai eu un coup de coeur immédiat dès que je les ai entendues. Félix Gray a fait un travail énorme. En plus, contrairement aux autres comédies musicales, les 45 chansons sont vraiment différentes, il n’y a pas de répétition.
Vous attendiez-vous à un tel succès ?
Pas à ce point là ! Au fond de moi, je rêvais que le succès de Don Juan égalise celui de Notre Dame de Paris au Québec. Finalement, il l’a même dépassé sur une période équivalente !
Ces deux spectacles ont un point commun : Gilles Maheu, le metteur en scène…
Et quel metteur en scène ! On retrouve la même alternance de tableaux très épurés, intimistes et de tableaux plus enlevés avec de grands numéros de danse. Visuellement, c’est une formule gagnante.
Après sept mois de représentations, prenez-vous toujours autant de plaisir à jouer votre rôle de Don Juan ?
Chaque soir, je me donne un défi de pousser telle ou telle émotion, la jalousie, l’agressivité, l’amour ou la passion. Même après 200 représentations, je crois que je suis encore loin d’avoir fait le tour du rôle. Il y a encore plein de facettes que je veux exploiter. Ca me fait du bien de jouer ce personnage sur scène car dans la vie je ne suis pas vraiment un Don Juan. Je me considère comme quelqu’un de très moyen en la matière, il faut que ça se fasse naturellement. Je ne vais pas à la chasse !
Justement, parlez-nous de ce personnage légendaire que vous interprétez…
Don Juan ne croît en rien, il ne recherche que le plaisir dans le vin, la musique et bien-sûr les femmes. Contrairement à Casanova, il ne va pas forcément jusqu’à l’acte sexuel, il veut surtout séduire. Il va même s’enlaidir pour prouver qu’il peut séduire même sans l’attrait physique. Il est sans scrupules et va souvent trop loin mais il paye très cher ses abus. Il finit par se faire tuer par amour. J’ai de la sympathie pour le personnage. Il se donne le droit d’aller jusqu’au bout de ses excès. Il vit à fond tout simplement sans se soucier du reste.
L’album français de Don Juan est sorti. Est-il différent de l’album québécois ?
On ne trouve pas tout à fait les mêmes chansons, mais elles font bien toutes partie du spectacle, et le texte de « Du plaisir » a été modifié. Mais surtout trois artistes de la troupe originale (Cassiopée, Cindy Daniel et Claude Gauthier) ont été remplacés par trois artistes français (Amandine, Anne-Céline Lopez et Claude Fournier).
Savez-vous pourquoi ?
C’est une décision de la production, je n’en connais pas les raisons. J’ai trouvé difficile que la troupe soit cassée. Je suis déçu et triste pour mes trois partenaires. Mais j’ai déjà rencontré les nouveaux interprètes français, ça devrait bien se passer. Comme ils n’auront jamais joué le spectacle, ils vont lui donner une nouvelle fébrilité. C’est une bonne chose parce qu’après 200 représentations, le risque, c’est de se sentir trop bien dans ses pantoufles !
Y’aura-t-il d’autres changements dans le spectacle à Paris ?
Quelques petites modifications dans la mise en scène, dans les liaisons parlées, dans les chansons, pour améliorer la compréhension de l’histoire. Mais je ne peux pas en dire plus.
Etes-vous confiant sur l’accueil du public français ?
Oui, parce qu’en général les français et les québécois apprécient les mêmes choses. Ce n’est pas gagné d’avance mais le spectacle a déjà fait ses preuves. En tout cas, je peux vous dire qu’on a hâte de venir présenter Don Juan en France. Les répétitions commencent le 15 janvier à Caen et ensuite on arrive au Palais des Congrès. On va débarquer avec un enthousiasme débordant !