Accueil Critique J’ai passé ma vie à chercher l’ouvre-boîtes (Critique)

J’ai passé ma vie à chercher l’ouvre-boîtes (Critique)

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de Mau­rice-Domingue Barthélémy, mise en scène de Claude Aufaure.

Avec : Jean-Quentin Châtelain

Années soix­ante-dix. Le vil­lage se nomme Ver­berie, entre l’Oise et le Nord dur. C’est le temps des Ther­mo­lactyl, des vis­ites médi­cales, des leçons de Dolto et des blagues de Toto. Une famille pleine de bruits, de goss­es, d’agitation. On court, on se bat pour accéder à la salle de bain. Le môme se douche, mais sa soeur décide de faire la vais­selle. Eau froide et des­tin con­trar­ié. Il s’appelle Mar­cel-Trinidad, trou­ve que c’est dif­fi­cile à porter, mais qu’il est très amu­sant de tir­er les son­nettes des gens surtout quand ils sont dépres­sifs. Sa mère s’appelle Simone et son père a un sérieux prob­lème avec la guerre d’Algérie. Sur­git la grand-mère, tyran domes­tique. C’est elle qui lance les con­ver­sa­tions sur l’infériorité de la race noire. La mère ful­mine, le père compte les miettes de pain.
Réal­isa­teur de Low Cost, Papa, ou Casablan­ca dri­ver, fig­ure phare des Robins des Bois, Mau­rice-Domingue Barthéle­my con­voque tout un monde picard, racon­té par un gosse de douze ans, nar­ra­teur soli­taire qui cherche à y voir un peu plus clair dans ce monde de fous. L’acteur Jean-Quentin Châte­lain incar­ne le verbe en maître du théâtre, il intè­gre ici le monde far­felu de Barthéle­my sous la direc­tion de Claude Aufau­re. Le comé­di­en genevois dévore l’espace, con­sume le temps d’une présence flam­boy­ante au ser­vice d’une journée passée en enfance. Sa voix sin­gulière s’empare du réc­it du môme. Et la vie est là, sim­ple et tran­quille, racon­tée par un frère du Petit Nico­las. Jusqu’au jour où l’enfance sem­ble s’arrêter. Une mau­vaise chute de lit, quelque chose comme ça. Et le médecin de famille envoie le môme à l’hôpital. Et les vacances en enfance sont finies, elles ont duré le temps d’un souf­fle frais, d’insouciance et de lib­erté joyeuse.

Notre avis : Les mono­logues sont tou­jours des exer­ci­ces périlleux. Ici un indi­vidu est allongé sur un transat, lunettes noires sur le nez, écharpe, pull… Mais ne vous y trompez pas : si c’est bien un adulte qui s’ébroue devant vous, il s’ag­it du réc­it d’un enfant, fils per­tur­bé de soix­ante huitards. Durant une heure trente vous con­naîtrez tout de cette famille brindezingue, et atten­dez-vous à rire plus sou­vent qu’à votre tour grâce à cet humour de l’ab­surde, duquel sourd par­fois un cer­tain dés­espoir, dis­til­lé par un comé­di­en par­faite­ment à l’aise. Autant dire que l’au­teur y va de ses sou­venirs d’en­fance (enfin, au vu de la simil­i­tude entre son prénom com­posé et celui qu’il a affublé à son per­son­nage, le doute est per­mis) et les passe à la moulinette avec une belle jubi­la­tion. Racon­tées avec une sorte de détache­ment, large­ment servi par un accent helvète ad hoc, ces turpi­tudes de l’en­fance vous fer­ont pass­er un moment éton­nant, hila­rant avec l’ar­rivée de la grand-mère, dans le dernier tiers du spec­ta­cle, plus ten­dre lors de l’évo­ca­tion des ami­tiés enfan­tines. Nous ne sommes pas dans l’angélisme, pas dans la nos­tal­gie mièvre, voilà qui stimule.