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Jacques Verzier — Sugar daddy

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Jacques Verzier ©DR
Jacques Verzi­er ©DR

Jacques Verzi­er, vous allez bien­tôt com­mencer les répéti­tions de Sug­ar pour l’Opéra Roy­al de Wal­lonie. Un lieu qui vous est familier ?
J’y ai déjà tra­vail­lé il y a trois ans, pour Titan­ic. Ensuite, j’y ai fait un Offen­bach et puis en sep­tem­bre dernier, Simenon et Joséphine.

Com­ment s’est passée la ren­con­tre avec Jean-Louis Grin­da, le met­teur en scène de tous ces spectacles ?
Ca ne s’est pas fait tout seul. On s’est un peu tourné autour pen­dant deux semaines env­i­ron. Quand je suis arrivé en répéti­tions, à Liège, pour Titan­ic, j’avais une façon de tra­vailler un peu héritée du théâtre. Je n’avais donc pas appris mon texte. Je répé­tais avec mon man­u­scrit à la main. J’aime bien pren­dre mon temps mais avec Jean-Louis, ça ne se passe pas comme ça. Alors j’en rajoutais, je fai­sais un peu exprès… Il y a eu un moment où il s’est demandé à quoi je jouais. De mon côté, je me demandais où il voulait en venir. Et puis un jour, ça a fonc­tion­né. Quelque chose d’am­i­cal s’est instal­lé. Main­tenant, ça se passe de mieux en mieux, Sug­ar est mon qua­trième spec­ta­cle avec lui. Aujour­d’hui, nous sommes en con­fi­ance, je crois. J’adore boss­er avec lui, vraiment.

Vous évo­quiez votre expéri­ence théâ­trale. C’est votre for­ma­tion initiale ?
Au départ, je suis acteur de théâtre. Le chant est venu au bout d’un cer­tain temps. Ado­les­cent, j’é­tais fan de comédies musi­cales, mais je pense que c’é­tait quelque chose de trop loin de ce que je m’imag­i­nais faire, du domaine du rêve. Je n’avais rien vu sur scène. Je ne con­nais­sais que les films, un peu comme tout le monde. Je regar­dais le ciné-club sur la 3. Il y avait tous les films de la MGM comme Chan­tons sous la pluie, Tous en scène… J’al­lais sou­vent à Paris pour voir des films au Mac Mahon ou à l’Ac­tion Stu­dio. J’é­tais donc mor­du, mais je ne l’en­vis­ageais pas du tout pour moi. Le chant m’est tombé dessus par hasard.

Com­ment y êtes-vous venu ?
J’ai chan­té dans mon pre­mier spec­ta­cle, voilà vingt ans : Rêve de Kaf­ka. Il fal­lait chanter un petit bout d’opéra. Ca m’a amusé. Le déclic, ce fut Cabaret. Savary cher­chait une dou­blure pour Michel Dus­sarat qui jouait le maître de céré­monie. C’é­tait en 1987, l’oc­ca­sion pour moi de chanter et danser. J’ai joué en Alle­magne, beau­coup en tournée. A Paris, je l’ai fait une dizaine de fois. J’é­tais un peu jeune. Pour la reprise avec Dee Dee Bridge­wa­ter, j’é­tais sup­posé rem­plac­er Dus­sarat après le pre­mier mois de représen­ta­tions mais le spec­ta­cle s’est arrêté. Je crois que ce n’est pas plus mal. Autant j’aimais la pre­mière ver­sion, autant j’ai eu beau­coup de mal avec la sec­onde qui n’é­tait pas vrai­ment réussie.

Après le pre­mier Cabaret, vous avez alors envis­agé une for­ma­tion de chant ?
Non. Je n’ai pas tra­vail­lé le chant. Je ne voulais pas faire une car­rière lyrique. En comédie musi­cale aus­si, il faut une tech­nique. Mais il me sem­ble qu’en fait, cha­cun a la sienne qu’il suf­fit de cul­tiv­er. Pour moi, ce n’est pas très loin du théâtre. Ce qui compte, c’est d’abord le sens des mots. Cela dit, après avoir chan­té aus­si sou­vent, j’ai l’im­pres­sion d’avoir fait des pro­grès. Les ren­con­tres m’ont fait pro­gress­er, que ce soit avec les parte­naires, les chefs, les directeurs musi­caux… Après Cabaret, il y a eu Kiss me Kate mais entre les deux, j’ai fait du théâtre sub­ven­tion­né à la Car­toucherie, au Théâtre de la Bastille et à la Colline. J’ai fait des trucs très sérieux, des pièces d’au­teurs contemporains.

Quel sou­venir gardez-vous, aujour­d’hui de Kiss me Kate ?
Je con­nais­sais déjà Alain Mar­cel parce que j’avais fait un opéra- bouffe avec lui. Je venais de voir Kiss me Kate à Lon­dres alors quand j’ai su qu’Alain allait le mon­ter, je me suis jeté sur lui. Je voulais absol­u­ment jouer Lucen­tio. Ce n’é­tait pas for­cé­ment une bonne idée parce que je ne suis pas danseur, mais, en tout cas, c’est un sou­venir mag­nifique. C’est là que j’ai ren­con­tré Fabi­enne Guy­on et Bernard Alane. On a créé le spec­ta­cle avec suc­cès à l’Opéra de Genève, en Suisse. Et ça mar­chait encore mieux à Paris. Les gens ado­raient. La suite est une longue his­toire, dis­ons que nous n’avons pas été très aidés par le théâtre. La pro­mo­tion fut vrai­ment lam­en­ta­ble, notam­ment auprès des comités d’en­tre­prise : du sab­o­tage par incom­pé­tence et par indif­férence. C’est vrai­ment dom­mage. Peut-être que ce spec­ta­cle est venu trop tôt.

Vous avez ensuite retrou­vé Fabi­enne Guy­on et Gilles Vajou, tous deux dans Kiss me Kate, pour Souingue ?
Tout à fait. Il y avait aus­si Flo­rence Pel­ly. C’est la plus longue aven­ture que j’aie con­nue pour l’in­stant, puisqu’elle a duré qua­si­ment deux ans. On a fait deux tournées, il y a eu une cap­ta­tion à la télé. Au départ, c’é­tait une com­mande de la Cité de la Musique. On devait le jouer trois fois. On a répété trois semaines et puis on s’est dit : « c’est pas mal ce truc ». C’é­tait une belle aven­ture qui nous a per­mis de tra­vailler avec Lau­rent Pel­ly. Aujour­d’hui, on aimerait le refaire, mais il faudrait pour cela qu’on arrive à se libér­er tous ensem­ble. Ensuite, avec la même équipe, plus quelques autres, on a fait un spec­ta­cle sur Boris Vian à La Vil­lette. Et puis on a fait une comédie musi­cale à Avi­gnon qui s’ap­pelait C’est quoi la vie ? et qui se voulait une comédie musi­cale con­tem­po­raine qui racon­te des choses sur le monde d’au­jour­d’hui. C’é­tait un peu pré­ten­tieux. Au final ça a été un échec. C’é­tait raté. Cela dit, c’est intéres­sant de voir pourquoi ça rate, de réfléchir à ce qu’est une comédie musi­cale, à com­ment racon­ter une his­toire en musique.

Vous alternez régulière­ment théâtre et comédie musi­cale. En quoi l’ap­proche est-elle dif­férente pour vous ?
Dif­fi­cile à dire. Fabi­enne Guy­on a fait beau­coup de théâtre musi­cal. Elle dit tout le temps qu’elle n’est pas actrice. Moi, je dis que je ne suis pas chanteur. Pour­tant je chante et elle joue la comédie. Elle est d’une sou­p­lesse incroy­able. Elle sait s’adapter au style du met­teur en scène. Je suis un peu plus raide, même si je m’as­sou­plis très vite. Aujour­d’hui, je peux tra­vailler avec des gens très dif­férents. Avant, j’avais plein de principes. Je me suis beau­coup calmé. L’im­por­tant, c’est que ça se passe bien, que le résul­tat soit bien, hon­nête et sincère.

Revenons à votre actu­al­ité. Vous venez donc de par­ticiper au Simenon et Joséphine de Patrick Laviosa et Stéphane Laporte.
C’é­tait une créa­tion totale. Quand je suis entré dans le pro­jet, l’écri­t­ure n’é­tait pas achevée. Patrick Laviosa a écrit un numéro exprès pour moi. Tra­vailler avec des auteurs qui écrivent un truc pour toi c’est vrai­ment génial ! J’e­spère qu’on va le repren­dre. C’é­tait vrai­ment un gros spec­ta­cle, avec des cos­tumes mag­nifiques. Alors jouer cinq fois, c’est un peu triste. Pour Jean-Louis Grin­da, ça représen­tait un virage. Il a fait un tra­vail vrai­ment plus théâ­tral que d’habi­tude. On avait trois semaines de répéti­tions, il fal­lait que ça aille vite, comme sur Titan­ic. Il y avait beau­coup de gens, des anglais, des blacks, et arriv­er en trois jours à créer une troupe qui fonc­tionne presque instan­ta­né­ment, c’est fort.

Pou­vez-vous nous par­ler de Sug­ar ?
Il s’ag­it d’une comédie musi­cale adap­tée du film Cer­tains l’ai­ment chaud avec Mar­i­lyn Mon­roe. Les chan­sons ont été traduites en français par Stéphane Laporte. On ne change pas une équipe qui gagne ! Les représen­ta­tions auront lieu à Noël. Je joue le rôle tenu dans le film par Tony Curtis.

Savez-vous déjà si le spec­ta­cle vien­dra en France ?
Titan­ic s’é­tait don­né deux fois à Avi­gnon et c’est tout. Le décor pesait une tonne et on était 80 sur scène. Manip­uler tout ça était com­pliqué. Sug­ar va être plus léger. On va tourn­er dans quelques opéras en province. J’e­spère qu’on vien­dra à Paris.

Il y a quelques mois, vous avez par­ticipé à une soirée musi­cale con­sacrée à Stephen Sond­heim, au cours de laque­lle vous avez inter­prété plusieurs de ses chan­sons dans des adap­ta­tions françaises.
Effec­tive­ment. J’ai eu la chance de col­la­bor­er à nou­veau avec Alain Mar­cel et Stéphane Laporte qui sont quand même les deux poin­tures dans ce domaine. J’adore Sond­heim. En France, on ne con­naît pas vrai­ment, mais ça com­mence à bouger un peu. Le pre­mier Sond­heim que j’ai vu, c’é­tait Fol­lies, il y a plus de quinze ans à Lon­dres. Un choc. Après, j’ai vu Sweeney Todd, A Fun­ny Thing Hap­pened On The Way To The Forum… Et puis j’ai vu toutes les cas­settes disponibles : Into The Woods, Sun­day In The Park With George

Il y a d’autres auteurs et com­pos­i­teurs améri­cains qui vous plaisent tout spécialement ?
J’aime aus­si John Kan­der et Fred Ebb. Ce qu’ils font est vrai­ment spir­ituel. C’est drôle et les his­toires sont tou­jours for­mi­da­bles. Il y a vrai­ment des trucs forts à jouer, de vrais per­son­nages et la musique est superbe. Sinon, j’aime aus­si beau­coup Gersh­win. D’ailleurs, je suis en train de faire un spec­ta­cle de Gersh­win qui s’ap­pelle Of Thee I sing, en français : Pour toi, baby ! On joue en ce moment à Lyon. Ensuite, on part en Suisse. On sera à Paris en 2004. Cette musique est vrai­ment géniale à chanter.

Il y a un rôle du réper­toire de Broad­way que vous aimeriez jouer ?
J’aimerais bien refaire le maître de céré­monie dans Cabaret main­tenant que j’ai pris de la bouteille. Sinon, il y a City of Angels de Cy Cole­man. J’aime beau­coup le rôle de l’au­teur. Dans Chica­go, j’aimerais bien faire Bil­ly Fly­nn, mais bon, ça va se faire ici en févri­er donc c’est râpé. Dom­mage que ce soient les Cana­di­ens qui le fassent et pas nous !