Quel fut votre parcours ?
Depuis toute petite le théâtre m’a attiré. A 6 ans, j’avais envie d’être comédienne ou écrivain. J’ai écrit des chansons, quelques nouvelles. J’étais une enfant plutôt docile, mais rien n’a jamais pu me faire dévier de ma route : devenir comédienne. C’était presque une sorte d’instinct de survie. On peut véritablement parler de vocation. De toutes manières, ce métier est contraignant, nourri de remises en questions, de doutes : il faut posséder un feu et l’entretenir pour durer.
Quand j’étais encore au lycée, j’ai commencé ma formation de comédienne en parallèle au cours Simon, puis au Studio 34. Mes premiers pas sur scène furent pour interpréter les jeunes premières de Molière. Très vite, j’ai eu la chance de jouer ce même type de rôle pour la télévision. Mon expérience avec Andreas Voutsinas dans son atelier : le Théâtre des 50 m’a beaucoup appris. Au bout d’un moment, j’ai fait plus de théâtre que de télévision, mes emplois se sont diversifiés. Je ne suis pas classée dans un style, ce qui m’arrange bien ! Le répertoire classique ou moderne me convient.
Et la musique ?
Ma toute première expérience chantée au théâtre fut pour la création du spectacle Offenbach, tu connais ? qui s’est joué pendant un an à la Huchette. Engagée sur un autre spectacle, je n’ai pas pu assurer la tournée qui a suivi, ni les multiples reprises de ce spectacle sans prétention, qui respirait la bonne humeur. Ce fut un bonheur absolu. De plus, le jeu théâtral était très important, ce qui est primordial pour moi : je suis une femme de théâtre. Etre chanteuse, contrairement à comédienne, n’a jamais été mon objectif prioritaire. Toutefois, jouer et chanter représente pour moi un art complet, c’est jouissif.
La toute première fois où j’ai chanté date du lycée, j’avais 13 ans. Je faisais partie de la chorale et la première oeuvre que nous avons interprétée m’a beaucoup marqué, c’était le Requiem de Fauré. Tous les lycées se regroupaient salle Pleyel pour chanter des oeuvres répétées pendant un an. Ce fut ma première grande émotion artistique. Imaginez 600 adolescents aux voix cristallines… un souvenir inoubliable. Par la suite, j’ai pris des cours de chant, et le chant a fini par se mêler au théâtre comme c’est le cas aujourd’hui !
Quels sont les principaux jalons de votre carrière musicale ?
J’ai fait des spectacles poétiques dans lesquels je devais chanter. Ce qui me donnait toujours beaucoup le trac. Par la suite, j’ai joué Pour l’amour de Marie Sala, au Théâtre de Poche Montparnasse. Une pièce adaptée d’un ouvrage de Régine Desforges, basé sur la correspondance de deux femmes qui s’aiment, sujet tabou pour l’époque puisque l’histoire se déroule au début du siècle. Rachel Salik, le metteur en scène, a sélectionné plusieurs de ces cartes postales et a souhaité accompagner leur contenu de plusieurs chansons de l’époque. Je me suis donc retrouvée à chanter en scène.
En 1995, j’ai remplacé Marie Zamora pour la tournée de La Comtesse Dracula. Ce rôle de jeune première, sur une musique écrite par Michel Frantz exploitait la veine comique et parodique que j’ai du mal à quitter dans le théâtre musical puisque, en 2000, j’ai participé à l’aventure du Sire de Vergy, mis en scène par Alain Sachs au théâtre des Bouffes Parisiens. Cette opérette de Claude Terrasse, sur un livret de Flers et Cavaillet, était très théâtrale puisqu’elle a été écrite pour des comédiens, propulsés dans des situations drôles et décalées. Enfin j’ai créé le rôle de Mademoiselle Moulin dans Frou-Frou les Bains.
Parlez nous de ce personnage…
Mademoiselle Moulin est une dépressive. Faire rire en jouant ce type de personnage, c’est cadeau. Prendre du recul sur le malheur, pouvoir en rire me semble primordial. Je crois qu’elle est sincèrement triste de perdre son chien, il ne lui arrive que des drames dans sa vie. Il y a des gens comme ça qui traînent une poisse (n’oublions pas que sa mère s’est remariée avec son ancien petit ami !). Comme tous les dépressifs, elle est hystérique et cela me convient. Je suis de nature passionnée, je peux donc comprendre ce genre d’attitude, l’excès m’intéresse. Ce rôle est assez fatigant car, contrairement à ce qu’on pourrait penser, on ne peut pas tricher. C’est le cas pour l’ensemble de la pièce : pour que la parodie fonctionne, nous devons être sincères, ne pas tomber dans la caricature. Mademoiselle Moulin va « au bout » : cela me permet d’aller chercher en moi toutes les palettes pour nourrir ce personnage entier, en mettant ça et là des nuances.
Comment les premiers spectateurs ont-ils accueilli le spectacle ?
Nous sommes treize en scène, inconnus, avec une rentrée parisienne chargée : le pari était donc risqué. Dès le départ, les gens ont merveilleusement réagi. Il a fallu un mois pour que le bouche à oreille se fasse, ce qui est peu. Le succès de la pièce a été rapide, comme une traînée de poudre. Nous avons également remarqué la grande diversité du public. Nous ne pensions pas que des jeunes aimeraient la pièce. Ils ne possèdent pas les références en ce qui concerne les chansons, mais les découvrent avec délice tout en s’amusant avec notre intrigue farfelue : voilà bien la magie du théâtre. Par ailleurs, Patrice Leconte, avec qui j’ai tourné à plusieurs reprises, est venu voir le spectacle. Il a été séduit alors que la pièce n’a rien à voir avec son univers. Toucher tous ces gens très différents, c’est notre plus belle récompense. On se doutait que ça marcherait un peu, mais pas à ce point. Du coup nous jouons jusqu’au 9 juin et nous reprenons le 24 juillet, sans jouer ni le dimanche ni le samedi après-midi. Nous continuerons au moins jusqu’à Noël. C’est un spectacle qui « vit » : Patrick Haudecoeur, notre auteur, a le sens du public, celui du comique et a sans cesse de nouvelles idées. Nous avons le sentiment que cette pièce est pour lui un perpétuel amusement ! Du coup, l’équipe suit. Mais ne vous méprenez pas : toutes les modifications sont le fruit d’une grande rigueur. Plus on veut faire rire, plus nous devons être rigoureux.
Quel est votre regard sur la comédie musicale ?
Enfant, les comédies musicales américaines tenaient pour moi de la féerie. Elles me fascinaient, mais me paraissaient inatteignables. Les opérettes, j’en ai peu vu. Ce qui m’a gêné dans ce genre, c’est lorsque le théâtre n’était pas à la hauteur du chant. J’ai besoin de croire à l’histoire. En revanche, Offenbach m’a toujours fait beaucoup rire. J’ai véritablement aimé la comédie musicale grâce à mes séjours en Angleterre, dans les années 80. Les Misérables m’ont époustouflé. La mise en scène de Trevor Nunn m’a transportée. J’ai vu également Miss Saïgon, le spectacle suivant du duo Boublil et Schönberg, déjà plus « à l’américaine ». En France j’ai trouvé Starmania fabuleux.
Et l’après Frou-Frou ?
Quand les représentations vont s’arrêter, ne pas chanter nous manquera terriblement : c’est devenu une hygiène de vie. Chanter donne une énergie merveilleuse, cela vous oblige à vous mettre dans un état physique de réceptivité et d’énergie indispensable, sinon la voix ne sort pas. Sept représentations par semaine depuis bientôt sept mois, ce n’est pas toujours facile vocalement. Le chant vous oblige à une certaine discipline, à une considération de son corps qui doit être en harmonie. Chanter ensemble provoque également un beau partage dans la troupe. Dans une pièce traditionnelle, certains acteurs peuvent jouer un peu en solitaire : ce n’est techniquement pas possible pour le chant qui vous oblige à écouter votre partenaire. Le théâtre musical donne donc d’autres impulsions à la troupe, c’est un autre état d’esprit. Tout en restant ouverte au théâtre, au cinéma, j’aimerais bien continuer à écrire des paroles de chansons, j’en ai plein mes tiroirs !