Événement : Into the Woods, le musical culte de Stephen Sondheim et James Lapine, réunissant de nombreux personnages de contes de fées, est désormais l’objet d’une adaptation cinématographique produite par Disney et avec une distribution de rêve. Si dans l’absolu, on est plutôt ravi quand les grands studios produisent des comédies musicales, on était néanmoins en droit de s’inquiéter quant à l’adaptation cinématographique d’Into the Woods. L’esprit Sondheim, à la fois tendre et cynique, drôle et cruel, allait-il résister au filtre souvent édulcorant de Disney ? Quant à la vision du metteur en scène Rob Marshall, serait-elle inspirée comme pour Chicago ou mollassonne comme pour Nine ?
Et bien, de façon globale, cette adaptation est réussie et cela, on le doit très certainement au fait que le scénario soit signé par James Lapine, librettiste et metteur en scène de la production originale de Broadway. En dehors de Sondheim, qui d’autre que lui pouvait garantir un tel respect de l’esprit de l’œuvre ? Malgré quelques coupes nécessaires (qui — reconnaissons-le – fonctionnent bien et rendent même l’œuvre plus fluide), le ton d’Into the Woods est bien là. Si le merveilleux et le rêve côtoient l’humour et la fantaisie, si on parle de courage et de solidarité, on n’oublie pas pour autant d’évoquer le mensonge, l’infidélité, la lâcheté ou encore la mort qui font partie intégrante de l’œuvre. Les nuances sondheimiennes sont bel et bien présentes.

D’un point de vue visuel, la réalisation de Rob Marshall est particulièrement soignée et n’abuse pas (du moins, pas trop) d’effets spéciaux, préférant composer des tableaux où forêts, tours et châteaux correspondent parfaitement à l’imagerie traditionnelle des contes de fées, telles des gravures de Gustave Doré qui auraient pris vie.
La distribution est tout aussi irréprochable. Le couple central du boulanger et de sa femme (James Corden et Emily Blunt) insufflent énormément d’humanité à leurs personnages, tandis que les autres comédiens s’en donnent à cœur joie à incarner des profils plus typés. Meryl Streep exulte en sorcière over the top, Tracey Ullman émeut dans le rôle de la mère — bourrue — de Jack et les benjamins (Lilla Crawford en Petit Chaperon Rouge, Daniel Huttlestone en Jack) ne dépareillent pas.
Enfin, la partition de Sondheim est parfaitement respectée, confiée aux mains expertes de Paul Gemignani, directeur musical de nombreuses autres œuvres de Sondheim à Broadway, de Follies à Assassins. Et les amateurs s’amuseront même à reconnaître, ici et là, des citations d’autres œuvres de Sondheim.

Le pari relevé par Disney et Marshall est donc réussi et à ce stade, la sortie américaine du film est déjà considérée comme un succès au box-office. Reste à savoir si le public français sera au rendez-vous. Comme les héros du film, on a juste envie de dire : « I wish » !

Into the Woods de Rob Marshall.
Avec Meryl Streep, Emily Blunt, James Corden, Anna Kendrick, Chris Pine, Christine Baranski, Tracey Ullman, Johnny Depp, Lilla Crawford, Daniel Huttlestone.
Sortie en France le 28 janvier 2015 en version originale sous-titrée exclusivement.
Durée du film : 2 h 04.