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Into the Woods (Critique)

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200x300 ITW Buffe.inddMusique & lyrics : Stephen Sondheim.
Livret : James Lapine.
Orches­tra­tion : Jonathan Tunick.
Direc­tion musi­cale : David Charles Abell. Mise en scène : Lee Blake­ley. Décors : Alex Eales. Cos­tumes : Mark Bouman. Choré­gra­phies : Lore­na Ran­di. Lumières : Oliv­er Fenwick.
Avec Kimy Mc Laren, Leslie Clack, Nicholas Gar­rett, Chris­tine Buf­fle, Bev­er­ley Klein, Pas­cal Char­bon­neau, Rebec­ca de Pont Davies, Francesca Jack­son, David Cur­ry, Dami­an Thantrey… et l’Orchestre de cham­bre de Paris.

Nou­velle pro­duc­tion — En anglais, surtitré.

Résumé :
« Promenons-nous dans les bois… » À par­tir du fameux essai du psy­ch­an­a­lyste Bruno Bet­tel­heim, Stephen Sond­heim revis­ite divers con­tes de fées : Cen­drillon, Le Petit Chap­er­on rouge, Jack et le hari­cot magique…Mais le pub­lic du Châtelet, qui com­mence à se famil­iaris­er avec l’œuvre du maître de Broad­way, doit bien se douter que Sond­heim ne va pas for­cé­ment l’emmener sur les chemins nos­tal­giques de l’enfance. Tous ces con­tes se déroulent dans la forêt, lieu des peurs ances­trales qui représente ici, de manière métaphorique, la société dans laque­lle des per­son­nes d’âges, d’origines et de con­di­tions divers­es sont amenées à se côtoy­er et ten­ter de vivre ensem­ble. Pas de leçon de morale dans cette œuvre, mais un regard empreint d’humanité sur notre illu­soire quête de bon­heur, où l’humour et le pas­tiche sont tou­jours présents à tra­vers les chan­sons s’inspirant de ron­des et de comptines dans lesquelles on retrou­ve l’inimitable « pat­te » Sondheim.

Notre avis : Depuis 2010, le Théâtre du Châtelet pro­pose, générale­ment au print­emps, un musi­cal de Stephen Sond­heim : A Lit­tle Night Music, Sweeney Todd, Sun­day in the Park with George… Ça deviendrait presque une habi­tude, mais qui songerait à s’en plain­dre quand il s’ag­it de pou­voir (re)découvrir dans notre cap­i­tale les œuvres de Sond­heim, présen­tées dans des con­di­tions opti­males (notam­ment avec un orchestre à l’ef­fec­tif con­séquent, ce qui est de plus en plus rare de nos jours à Broadway).
Pour le cru 2014, Jean-Luc Choplin, directeur du Châtelet, a choisi Into the Woods, que Sond­heim créa à Broad­way en 1987 avec la col­lab­o­ra­tion de James Lap­ine au livret et à la mise en scène orig­i­nale. Into the Woods fait se ren­con­tr­er divers célèbres per­son­nages de con­tes de fées (Cen­drillon, Le Petit Chap­er­on Rouge, Jack, Raiponce, etc) ain­si qu’un cou­ple de per­son­nages orig­in­aux créés par Lap­ine et Sond­heim (le Boulanger et sa femme). Alors que cha­cun pour­suit sa quête, les par­cours des uns et des autres se croisent, se téle­scopent, se sépar­ent ou s’u­nis­sent au gré des aven­tures et mésaven­tures. Si comme dans tout con­te clas­sique, chaque héros a son chem­ine­ment per­son­nel, l’o­rig­i­nal­ité de l’ap­proche de Sond­heim et Lap­ine et de les inscrire dans un par­cours col­lec­tif (soulig­nant la notion de sol­i­dar­ité et d’en­traide) et de nuancer avec sub­til­ité la notion de bien et de mal (sim­ple­ment manichéenne dans les con­tes de fées clas­siques). Le résul­tat donne une œuvre à la fois human­iste, ironique et malicieuse.

Ce qu’on retient d’abord de cette pro­duc­tion du Châtelet, mise en scène par Lee Blake­ley (comme les précé­dents Sond­heim), c’est la beauté de ses décors (signés Alex Eales). Avec ses arbres qui s’élan­cent, ses lumières qui fil­trent à tra­vers les feuil­lages, cet Into the Woods nous plonge réelle­ment dans les bois, avec un traite­ment qua­si ciné­matographique. Visuelle­ment, c’est une vraie réussite.
La dis­tri­b­u­tion n’est pas en reste, avec un cast d’habitués, pour la plu­part vus dans les précé­dentes pro­duc­tions du Châtelet. Kimy McLaren (Cen­drillon), Francesca Jack­son (le Petit Chap­er­on Rouge) ou encore Pas­cal Char­bon­neau (Jack) con­juguent humour et sincérité. Bev­er­ley Klein (la Sor­cière) révèle une nature comique cer­taine, tan­dis que David Cur­ry et Dami­an Thuntrey (les deux Princes) savent user de leur charme et de leur bagou. Enfin le cou­ple cen­tral fonc­tionne bien, Nicholas Gar­rett étant par­ti­c­ulière­ment con­va­in­cant en Boulanger tirail­lé entre son objec­tif et les moyens (pas tou­jours hon­nêtes) d’y parvenir.
Enfin, la direc­tion musi­cale de David Charles Abell est comme tou­jours impeccable.

Le spec­ta­teur se laisse donc guider dans ces bois, sym­bol­es de l’in­con­scient où cha­cun pour­suit sa quête de façon sou­vent indi­vidu­elle et égoïste avant de se ren­dre compte que « No one is alone » et qu’à plusieurs, on est plus forts. Ce cru 2014 est donc une pro­duc­tion de belle fac­ture, impres­sion­nante et sophis­tiquée, même si on aurait peut-être souhaité par­fois un peu plus quelques aspérités. Mais ne boudons pas le plaisir de savour­er ce bijou de Sond­heim et espérons que la prochaine sai­son du Châtelet nous réservera encore de belles surprises.