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Instants critiques (Critique)

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D’après les échanges entre Georges Charen­sol et Jean-Louis Bory de l’émission radio­phonique Le Masque et La Plume sur France-Inter
avec Olivi­er Sal­adin, Olivi­er Broche et Lucrèce Sassella

Adap­ta­tion François Morel et Olivi­er Broche
Mise en scène François Morel

Olivi­er Sal­adin et Olivi­er Broche dans les peaux de Jean-Louis Bory et Georges Charen­sol, célèbres cri­tiques du Masque et la Plume de France Inter. Un hom­mage à la cri­tique, à la joute ora­toire, au lan­gage fleuri et, pour tout dire, à la pen­sée qui est bien autre chose que l’opinion.

Notre avis : Bâti à par­tir des duels mor­dants entre Jean-Louis Bory et Georges Cha­ran­sol, duels qui ont fait les beaux jours de l’émis­sion Le masque et la plume, ce spec­ta­cle nous plonge dans une époque qui sem­ble, hélas, révolue. Celle où les cri­tiques par­ti­c­ulière­ment cul­tivés pou­vaient s’en­flam­mer pour des oeu­vres, défendues avec fougue et pas­sion. Une mau­vaise foi man­i­feste écor­nant par­fois les argu­ments de l’ad­ver­saire. Un spec­ta­cle peut-il tenir sur ces joutes ver­bales ? Ô que oui ! Mise en scène mali­cieuse de François Morel, qui situe l’ac­tion dans une salle désuète d’un vieux ciné­ma, admirable­ment servi par les deux comé­di­ens, en tout point  for­mi­da­bles, sou­vent d’une drô­lerie épatante : le temps file sans que l’on s’en rende compte. En out­re une déli­cieuse et mutine jeune femme, Lucrèce, pimente le spec­ta­cle d’in­ter­ven­tions chan­tées et dan­sées qui s’in­cor­porent par­faite­ment bien au déroule­ment d’un réc­it qui sur­prend par sa ten­dresse retenue. Ain­si l’évo­ca­tion des Para­pluies de Cher­bourg, durant laque­lle les deux acteurs, dou­blés par Lucrèce, se chantent le duo du départ, sem­blerait kitch voire ridicule sur le papi­er. Il n’en est rien sur scène, le trio provo­quant une émo­tion trou­blante, comme si le fan­tôme de Demy (que Bory aimait beau­coup) venait mali­cieuse­ment saluer le spec­ta­cle. Ces deux frères enne­mis ne s’é­pargnaient guère lorsqu’il s’agis­sait de défendre le ciné­ma. La démon­stra­tion autour du Théorème de Pasoli­ni est un grand moment, tout comme la cri­tique, acerbe, du Par­rain par Bory. Godard se trou­ve égale­ment à l’hon­neur, ain­si que La grande bouffe de Fer­reri. Délice que ces échanges vachards, mais emplis d’es­times mal­gré tout. Et l’é­mo­tion d’ap­pa­raitre de nou­veau lorsque, à la dis­pari­tion de Jean-Louis Bory, Charen­sol se retrou­ve bien seul, comme per­du. En résumé un excel­lent spec­ta­cle qui tri­om­phe, et ce n’est que justice.

PSs : Lucrèce Sas­sel­la est présente tous les lundis jusqu’au 8 avril à 21h dans un con­cert conçu avec Antoine Sahler, un autre com­plice de François Morel.