Ang Lee est un touche à tout. Aucun de ses films ne se ressemble, de Tigres et dragons, Raison et sentiment, Le secret de Brokeback mountain… Cinéaste hors norme et très doué, chaque rendez-vous cinématographique laisse présager un nouveau plaisir. Et sa vision de Woodstock, par le biais de l’adaptation du livre autobiographique Taking Woodstock, devenu Hôtel Woodstock en français in the text, est encore un bel exemple.
Dans ce nouveau film Ang Lee s’inspire largement du récit autobiographique d’Elliot Tiber, personnage central du film. Soit Elliot, donc, décorateur d’intérieur à New York, contraint financièrement de revenir chez ses parents qui tiennent un motel perdu dans la cambrousse. L’endroit est des plus déprimants et l’hôtel en piteux état. Il faut dire que la mère d’Elliot ne facilite pas les choses : revêche, irascible, elle semble ne vivre que pour compter ses sous. Lorsqu’il apprend qu’un grand festival hippie a été rejeté du village voisin, il se met sur les rangs et parvient à convaincre les concepteurs d’organiser ce qui deviendra Woodstock dans sa ville de Béthel. L’aventure peut commencer !
Une fois encore chez Ang Lee, il s’agit plus de recréer l’atmosphère d’une époque, à l’instar de The Ice Storm, l’un de ses plus beaux films, que de placarder une intrigue à moult rebondissements. Inutile, par exemple, d’attendre des images du concert. Woodstock comme événement planétaire, n’intéresse que de loin le brillant cinéaste. Il préfère porter son attention sur le parcours d’Elliot, son homosexualité assumée sans heurt ni fracas. Il démontre finement comment ce concert a été mis en place d’un côté par des promoteurs motivés par le dieu dollar et de l’autre par des rêveurs (avec les pieds sur terre) comme Michael Lang, le « hippie magnifique » qui se déplace à cheval (ou en hélicoptère) interprété par Jonathan Groff , qui fait ses premiers pas au cinéma et que tous les amateurs de musical connaissent bien depuis sa magistrale interprétation de Melchior Gabor dans Spring Awakening.
Ang Lee parvient donc avec une aisance magnifique à saisir l’essence de la préparation de ce concert. Toujours proche de ses personnages, même des plus déjantés comme Vilma, ce travesti agent de sécurité, c’est bien entendu le lunaire Elliot qui retient notre attention. Ces quelques jours vont changer sa vie, sa façon de voir les choses, de considérer ses parents. Jusqu’à l’utilisation de produits psychotropes, dans une séquence on ne peut plus planante. L’intrigue, qui se concentre sur le parcours intérieur des personnages en petites notes impressionnistes, conduit le spectateur à ressentir une joie de vivre tranquille, avec le souhait de retrouver un peu de cette innocence, de cette candeur malicieuse qui anime Elliot.
Un joli film amusé et amusant à déguster en toute quiétude, l’esprit ouvert.
Rappelons qu’un documentaire fleuve (trois heures !) de Michael Wadleigh consacré à Woodstock est disponible et qu’il peut constituer un efficace complément à ce film.
Hôtel Woodstock (Taking Woodstock)
Scénario de James Schamus d’après le roman d’Elliot Tiber écrit avec Tom Monte.
Réalisation de Ang Lee
Avec : Demetri Martin, Imelda Staunton, Liev Schreiber, Emile Hirsch, Mamie Gummer, Jonathan Groff…
sortie le 23 septembre 2009 – durée : 120 minutes
Compétition officielle Festival de Cannes 2009