Hervé Domingues, comment tout a commencé pour vous ?
J’ai commencé à prendre des cours de théâtre à 14 ans à Marseille. Puis je suis rentré à l’Atelier Méditerranéen de la Chanson d’Alice Dona. C’était une sorte de Fame à la française, avec des cours de chant, de théâtre, de danse, d’écriture de chansons avec Claude Lemesle. J’ai suivi cette formation pendant deux ans avant de monter à Paris et de rencontrer Roger Louret complètement par hasard. Un soir, je chantais dans un karaoké où il se trouvait. Il m’a proposé de passer le lendemain au Folies Bergère pour auditionner. J’ai passé cette audition avec succès et j’ai commencé dans Les Années Zazou.
Ce fut le début d’une longue histoire avec la Compagnie Louret…
Oh oui ! Après Les Années Zazou, j’ai fait Les Années Twist, La fièvre des Années 80, Les Années tubes pour la télé,…toutes les années quoi ! J’ai aussi eu la chance de jouer dans L’Arlésienne avec Jean Marais, un grand souvenir. Et puis il y a eu La Java des mémoires que j’ai eu beaucoup de plaisir à interpréter. Ce que j’ai préféré faire avec Roger Louret, c’est ce qui n’a pas été médiatisé : des pièces de théâtre en tournée en France (L’avare, Les caprices de Marianne, …), des spectacles musicaux comme Opéras Légers. Mon meilleur souvenir c’est Les Années Zazou parce que c’était mon tout premier spectacle. J’étais inconscient, les yeux grands ouverts. C’est petit à petit que j’ai pris conscience de la difficulté, des gens, des ambiances, des productions et…de la télévision, quelle horreur ! Je ne garde vraiment pas un bon souvenir de ce qu’on a fait pour la télévision: on répétait vite, il y avait beaucoup de pression, ça gueulait de partout. Aujourd’hui je ne fais plus vraiment partie de la Compagnie Louret. Je dois beaucoup à Roger, ce fut une super formation, j’ai pris tout ce que j’avais à prendre mais je suis passé à autre chose.
Pourtant, de part l’équipe et le principe du spectacle composé d’extraits de chansons du répertoire, on a un peu l’impression que l’ombre de Roger Louret plane sur Mon homme…
C’est vrai que nous sommes plusieurs à avoir travaillé avec Roger Louret mais c’est une autre ambiance, une autre approche. Philippe Candelon ne veut pas faire du Roger Louret. Là il y a une construction des personnages et une vraie histoire. Nous sommes six personnages : une comédienne (Julie Victor), un petit jeune qui débarque à Paris (Jules Grison), un parisien très flambeur qui n’a peur de rien qui veut tomber toutes les minettes à un point tel qu’il en est ridicule (moi !), une fille complètement amoureuse de lui à qui il arrive plein de malheurs (Christelle Chollet), une bourgeoise qui va s’encanailler (Léo Beaulieu) et son mari (Fabrice Banderra). L’histoire raconte une nuit parisienne qu’ils vont vivre. Il y a des jeux de séduction, de la tromperie, ça se déchire, ça s’engueule, ça revient et à la fin ça finit bien ! C’est chanté et très théâtral, du vrai théâtre musical en somme.
Comment est né Mon homme ?
Il s’est passé quelque chose de magique avec ce spectacle ! En décembre dernier, le producteur Jean-Pierre Blamangin reçoit un appel de Jacqueline Willemetz, la petite-fille d’Albert Willemetz, qui souhaite créer un spectacle regroupant toutes les chansons écrites par son grand-père. Albert Willemetz a écrit de nombreuses opérettes et parmi les plus grands succès de la chanson française comme « Mon homme », « Dans la vie faut pas s’en faire », « Valentine », « Félicie aussi », « C’est vrai »… Ce producteur connaissait Philippe Candelon, il lui a confié le montage et la mise en scène de ce spectacle en lui laissant carte blanche. Philippe nous a appelés et on s’est tout de suite mis au travail. Début février, nous avons présenté le spectacle devant des professionnels (directeurs de théâtre, tourneurs,…). A la fin, les gens étaient debout, on a été ovationnés, on n’en revenait pas ! Dans la semaine qui a suivi, le producteur a reçu plus d’une trentaine d’appels de théâtres. Puis il apprend que Jean-Luc Moreau, qui a repris la programmation du Théâtre des Variétés, souhaite prendre des spectacles sur le créneau de 19h. Il le contacte aussitôt, nous faisons une petite représentation devant lui. Jean-Luc Moreau est immédiatement conquis et décide de nous programmer pour la rentrée à 19h !
Vous qui n’avez pas trente ans, êtes-vous sensible au répertoire d’Albert Willemetz ?
Oui car la totalité de ses textes sont magistralement bien écrits. Il mettait sur papier des moments de la vie de tous les jours avec des mots très simples. Sa maîtrise de la langue et son savoir-faire dans l’agencement des mots rendaient sublime ce qui semblait banal au premier abord. Ecrivant moi-même, je suis très sensible à cette façon d’aborder l’écriture. La force du répertoire d’Albert Willemetz c’est qu’il ne vieillit pas. Ce qu’il a écrit à l’époque trouve une formidable résonance aujourd’hui. On ne donne pas d’âge au talent, on l’apprécie juste. Ces chansons étant intemporelles, il n’y aura par exemple sur scène aucun costume ou accessoire qui pourraient nous ramener 60 ou 70 ans en arrière.
Vous voulez dire que c’est un spectacle qui devrait plaire aussi aux jeunes…
Absolument. Le spectacle n’a rien de « ringard » ou de « poussiéreux » car les chansons sont interprétées par des voix actuelles et selon la personnalité de chaque artiste. En aucun cas il ne s’agit de copier les façons de chanter de l’époque. Les arrangements musicaux ont été réadaptés mais toujours en rapport avec la situation théâtrale jouée et non pas de façon gratuite. La musique dans Mon homme est un personnage à part entière.
Quel regard portez-vous sur la situation du théâtre musical en France ?
Il y a une évolution positive avec des spectacles comme Camille C, Créatures, Nonnesens,… Mais on mise encore trop sur des valeurs sûres. J’aimerais qu’on donne un peu plus de chance à des créations et que les producteurs prennent un peu plus de risques.
Vous avez des projets, des envies ?
J’ai un projet très personnel pour 2006 qui me tient vraiment très à coeur mais dont je préfère ne pas trop parler pour le moment. J’ai un univers à moi à l’opposé de ce que j’ai pu jouer jusqu’à maintenant, j’ai toujours écrit des textes que j’aimerais enfin pouvoir défendre. Je suis également sur un projet de création d’une comédie musicale écrite par Fabrice Banderra (qui joue aussi dans Mon homme) et sur un projet d’une très jolie pièce de théâtre. Et puis je souhaite continuer à me perfectionner, à multiplier les expériences. L’année dernière j’ai joué au Tristan Bates Theatre à Londres une création de Matthew Hurt. Je suis aussi parti huit mois à Barcelone pour découvrir d’autres choses et travailler avec des musiciens. Je ne veux pas être un intermittent qui attend. Cette année, j’ai même passé une maîtrise en littérature espagnole à l’Université Paris XIII avec mention très bien !