
Quel est votre parcours ?
D’abord un parcours de musicien. Après le Conservatoire, j’ai commencé à composer des musiques de film et ça m’a donné l’envie de faire des films moi-même. Après une école de cinéma et quelques essais dans la réalisation, je me suis aperçu que j’avais de grandes lacunes pour diriger les comédiens. Je suis rentré au Conservatoire d’Art Dramatique, ça m’a passionné et je suis devenu comédien ! En sortant du Conservatoire, j’ai écrit mes premières pièces. Je me suis également produit seul en scène. Pour autant, je n’ai pas abandonné la musique. Au théâtre, pour souligner certains passages, il y a besoin d’une musique. J’en ai composé beaucoup pour les pièces que je mettais en scène et pour les autres.
Et vous en êtes arrivé à écrire une comédie musicale…
Oui, c’est venu naturellement. J’ai toujours adoré la comédie musicale en général avec un petit faible pour Sondheim, Lloyd Webber et les films de Jacques Demy. Avec le support de la musique, on peut aller très loin dans toutes les émotions. En jouant avec les harmonies, avec deux ou trois renversements au piano, on évoque la joie, l’étonnement, la surprise, la tristesse, l’amour… Il y a une magie dans la comédie musicale, elle nous emmène dans un rêve, elle sublime le réel. Dans Chance, il y a une histoire mais finalement elle est très mince. Si les dialogues étaient parlés, ça ne rendrait absolument rien. C’est plus un prétexte, un fil conducteur pour un spectacle musical où tout devient complètement surréaliste comme la banale pause-café qui devient un numéro de samba. Grâce à la musique, au chant et à la danse, on arrive à sublimer la vie de six personnes dans un bureau.
Avec Chance vous avez choisi l’humour décalé et la dérision, c’est plutôt rare dans la comédie musicale actuelle…
C’est très amusant d’avoir recours au matériau musical pour exprimer une « déconnade« générale ! C’est un bonheur de pouvoir mélanger des musiques très « pouêt-pouêt« et des mélodies plus flatteuses. Mais je n’amène rien de nouveau. Le décalé et la dérision, Offenbach l’a fait bien avant nous. Au début du 20e siècle, il y avait aussi tout un répertoire de pièces de théâtre chantées complètement délirantes avec des allusions à plein de styles. Et plus récemment il y a quand même eu Ali Baba.
Vous vous amusez aussi à parodier quelques « classiques« et des grosses productions plus récentes…
Tous les clins d’oeil et les allusions à Offenbach et à certaines comédies musicales comme Les Parapluies de Cherbourg, Singin’ in the rain, Roméo et Juliette… sont avant tout des hommages « à la manière de ». Il ne faut pas y voir autre chose. C’est juste pour rire.
Comment avez-vous constitué votre troupe de comédiens-chanteurs ?
J’en connaissais déjà quelques uns et pour les autres j’ai fait passer des auditions mais j’ai eu beaucoup de mal à trouver ce que je cherchais. Il me fallait des profils bien précis car à chaque personnage correspond un style musical. Par exemple, pour l’avocat il me fallait forcément un baryton basse lyrique qui sache aussi jouer la comédie, et il n’y en a pas tant que ça.
Comment avez-vous travaillé avec eux ?
Ce qui est génial dans cette troupe, c’est qu’ils ont tous des parcours très différents et qu’ils viennent d’univers souvent diamétralement opposés. Par exemple, Jérôme Rouzier (le coursier) vient du karaoké et des concerts de rock alors que Hervé Huyghues (l’avocat) a travaillé avec les plus grands professeurs de lyrique ! Pour leur donner des indications de mise en scène, il ne fallait donc pas avoir recours aux même références. Il y a eu une émulation formidable entre eux. Ils se sont aidés mutuellement jusqu’à constituer une équipe soudée et homogène. Je tenais à ce qu’il n’y ait pas un premier rôle mais six rôles de même importance. Maintenant je les accompagne tous les soirs au clavier (en plus de la bande orchestre) et je suis toujours épaté par leurs performances.
Avez-vous eu des difficultés à trouver un producteur et un théâtre ?
Un parcours du combattant incroyable ! Bien sûr je suis ravi du succès des grosses productions comme Notre Dame de Paris et Roméo et Juliette car maintenant ce n’est plus ringard d’écrire « comédie musicale » sur une affiche et ça ne fait plus fuir le public. Mais du coup, pour les gens du métier, une comédie musicale ne peut être qu’une grosse machine. Alors quand on leur propose une simple pièce de théâtre chantée faite pour être jouée dans un théâtre à l’italienne, là rien n’a changé, ils répondent que ça ne marchera pas. D’autres pensent qu’une comédie musicale coûte forcément très cher. Finalement j’ai trouvé un jeune producteur prêt à mouiller sa chemise et un théâtre (le Dejazet) qui a accepté de nous accueillir.
Quel bilan tirez-vous des premières représentations ?
On est très contents, ça se passe très bien. Le public applaudit chaleureusement. Le bouche à oreille a l’air de bien fonctionner. L’autre jour j’ai vu une dame à la caisse du théâtre qui demandait si c’était aussi drôle qu’on le dit ! On est au Dejazet jusqu’à la fin de l’été, c’est notre galop d’essai. Après une petite tournée, on devrait normalement reprendre en janvier.
Pensez-vous déjà à une nouvelle comédie musicale ?
J’en ai même deux en projet: une dans le même format que Chance mais pas entièrement chantée sur l’univers de la télévision et une autre de plus grosse envergure pour une grande salle…comme le Palais des Congrès par exemple !