Livret : Doug Wright
Musique : Scott Frankel
Lyrics : Michael Korie
Mise en scène : Thom Southerland
Avec : Sheila Hancock, Jenna Russell, Aaron Sidwell, Billy Boyle, Jeremy Legat, Ako Mitchell, Rachel Anne Rayham
Notre avis :
Avec Grey Gardens, Southwark Playhouse poursuit dans sa lignée d’excellence. Le show a connu son heure de gloire sur Off-Broadway en 2006 et un succès plus limité après son transfert à Broadway (voir notre article précédent). Christine Ebersole et Mary Louise Wilson avaient toutes deux remporté un Tony Award pour l’interprétation d’une mère et sa fille, cousines de Jacqueline Bouvier-Kennedy-Onassis, qui sombrent dans la misère et la folie au beau milieu du quartier huppé de East Hampton. L’histoire véridique fit l’objet d’un documentaire dans les années 70 entré dans la culture populaire américaine. Le musical est composé de deux actes dont le premier relate « l’histoire avant l’histoire » (prequel) et le second est un remake musical du documentaire.
Cette production, une première européenne, est un retour à l’esprit intimiste de Off-Broadway qui convient bien au spectacle. L’exécution est parfaitement réussie, en particulier les dialogues chantés du premier acte qui nécessitent une bonne synchronisation et la maîtrise de certaines harmonies jazzy peu courantes. Sheila Hancock (Cabaret, Sister Act…) campe de façon réaliste, physiquement et vocalement, une mère fragile qui refuse d’abdiquer face à la réalité et Jenna Russell (Merrily We Roll Along, Urine Town…) réussit le tour de force de changer de personnage, de la jeune mère à la vieille fille, entre les deux actes. Elle émeut et fait rire aux larmes alternativement et, en définitive, porte le show sur ses épaules. Aaron Sidwell, qui vient de tomber la coupe iroquoise de American Idiot, fait aussi un numéro d’équilibriste fort réussi entre Joe Kennedy, premier de sa classe, et Jerry, un brave plouc. Les autres acteurs, dont deux enfants, sont tous convaincants.
Reste une mise en garde : par expérience, le show reste assez hermétique aux non-initiés. Il vaut mieux voir le documentaire original Grey Gardens et s’intéresser au destin incroyable de la famille Bouvier pour apprécier pleinement. Le premier acte est bourré d’indices annonçant le désastre à venir qui laisseront indifférents les spectateurs qui ne le pressentent pas . Le second devient lent et pénible si l’on n’a pas acquis suffisamment d’empathie pour les deux femmes. Au fond, c’est là l’unique faille de l’œuvre : ne pas avoir réussi à couper le cordon avec la réalité.
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Pour les gens de passage à Londres, Grey Gardens se joue jusqu’au 6 février 2016 au Southwark Playhouse (pour réserver, cliquer ici)