Grégory Benchenafi, vous allez interpréter Harry Pilcer dans le spectacle Mistinguett. Quelles sont les caractéristiques de ce personnage ?
Comme la majorité des personnages du spectacle, cet Américain a réellement vécu. Engagé par Jacques Charles et Léon Volterra, il a traversé l’Atlantique au début des années folles, rejoignant la France à leur demande pour s’occuper du nouveau spectacle de Mistinguett. Il fut également son partenaire de scène. Fatalement, à force de travailler ensemble, Mistinguett et lui ont noué une relation affective, se rapprochant de façon… disons « moins professionnelle »… mais je ne peux pas tout révéler ! Une chose est certaine, cet homme fut un précurseur. En arrivant en France, il a amené avec lui tout son savoir-faire d’Américain auprès de l’équipe du Casino de Paris et de Mistinguett. Il fut ainsi le premier à introduire dans notre pays, les claquettes, le ragtime et à contribuer à populariser le jazz…
Je suis très heureux de jouer ce personnage, qui a un côté très cool, très « américain » dans son attitude. Car il faut se mettre à sa place : Débarquant pour monter une revue et composer des chorégraphies, il se retrouve au milieu d’une histoire abracadabrante mêlant voyous, jeux d’argent, bagarres et échanges de coups de feu… autour d’un enjeu: la survie du Casino de Paris. Il fait pourtant preuve de beaucoup de second degré et de recul, se tenant volontairement à l’écart. Sa réaction est de se dire : « En fait ici, c’est comme chez moi, c’est Chicago! Ils sont complètement fous ces Français !». Avant de s’impliquer et d’apporter sa touche pour aider la situation à se débloquer.
Comment vous êtes-vous préparé ?
Le métier d’Harry Pilcer étant d’être chorégraphe, ce rôle est un peu particulier. En plus de chanter et de jouer la comédie sur scène, il faut pouvoir mener un ballet, diriger des chorégraphies, peut-être faire des claquettes qui sait ? C’est donc le challenge le plus intéressant pour moi sur Mistinguett. Si j’ai toujours dansé dans mes spectacles précédents, ce n’est pas ma formation initiale. Guillaume Bordier (le chorégraphe du show), m’a appris à gérer un ensemble, à mener un ballet. Nous avons aussi eu beaucoup de répétitions de danse classique; Pour moi c’est formidable. Cela me permet d’appréhender cette discipline de façon différente et encore plus poussée. D’ailleurs, c’est bien pour cela qu’on fait ce métier ! Si c’est pour rester dans ses pantoufles, il n’y a aucun intérêt. Là au moins, on va au devant de vrais défis à relever. Il s’agit toutefois d’être crédible et de ne pas décevoir le public.
Le grand public vous a découvert en partie avec Mike, laisse nous t’aimer ! Qu’en retenez-vous ? Quel fut votre parcours depuis ?
Ce fut une fabuleuse expérience. En plus de participer à une aventure humaine et artistique géniale, cela m’a permis de gagner une forme de crédibilité, même si dans ce métier, rien n’est jamais acquis et qu’il faut toujours se renouveler et travailler. Depuis, ‑avant d’accéder à des spectacles comme Mistinguett‑, j’ai pas mal navigué et alterné les spectacles partout en France. Des opéras, beaucoup d’opérettes, du théâtre musical avec en 2011 Le portrait de Dorian Gray mis mise en scène par Thomas Le Douarec, et de nombreux festivals. En 2014, j’ai participé à la création du spectacle musical Le ciné contre-attaque initié par des amis, j’ai également fait mes premières mises en scène en province, tout en poursuivant l’écriture d’un futur album. Ce n’est pas parce que l’on n’est pas sous les feux de la rampe, que l’on ne travaille pas. Pour la lumière, il y a beaucoup d’appelés pour peu d’élus. En revanche, beaucoup d’artistes travaillent sans être sous le feu des projecteurs.
En quoi Mistinguett, son univers et cette atmosphère vous semblent-ils d’actualité, un siècle plus tard?
Pour le monde du spectacle, cette période est très précurseur de ce qui se passe aujourd’hui. Tout ce que l’on connait est né à ce moment-là : Broadway, les shows avec danse et théâtre, les grandes revues en costumes, tout cela commençait à vibrer, à vivre et à prendre un certain essor. Et puis, on savait aussi prendre des risques au nom du spectacle ! J’ai envie de rapprocher cela de l’engagement d’hommes tel Albert Cohen qui essaye de produire des grands spectacles tous les deux ans et se donne du mal pour ça. C’est le même risque que prennent aujourd’hui les artistes. Je pense à tous les spectacles plus ou moins confidentiels qui existent, à tous mes copains qui se démènent, font des compos, des créations. Enfin, aujourd’hui, Mistinguett est particulièrement d’actualité par rapport à notre société pour deux raisons. D’abord, les gens ont vraiment besoin de rêver à nouveau et quoi de mieux que de retrouver cette période des années folles, avec ses plumes, ses paillettes, ses shows et son insouciance ! Et puis j’ajouterais que la culture est un peu en péril à l’heure actuelle. Et c’est bien de mettre sur scène cette histoire qui raconte comment face à un théâtre et un spectacle menacés de tomber à l’eau, la bonne volonté et l’envie peuvent prendre le dessus et permettre de sauver une création artistique.
Mistinguett- Reine des années folles
A partir du 18 septembre 2014 au Casino de Paris
Mistinguett-lespectacle.fr