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Grégori Baquet enchante Colorature

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Gré­gori Baquet © Michael Crotto

Gré­gori Baquet, pou­vez-vous nous présen­ter Col­orature ?
Col­orature est l’histoire d’une évo­ca­tion, l’évocation d’un sou­venir. Cosme Mc Moon, pianiste de sec­onde zone dans un club de jazz, prof­ite d’une petite déprime pas­sagère pour ouvrir son cœur aux quelques per­son­nes présentes dans le club dans lequel il offi­cie. En ce jour spé­cial, l’anniversaire de la mort d’une cer­taine Mme Jenk­ins, il repense à ce jour où il a ren­con­tré ce per­son­nage hors du com­mun. Tout jeune pianiste, débar­quant à New York, il essaie de vivre de son méti­er. Comme beau­coup de jeunes artistes, le voilà bien vite obligé de trou­ver un boulot « ali­men­taire ». Ce qu’il fait, en ayant l’opportunité de devenir le pianiste accom­pa­g­na­teur d’une cer­taine can­ta­trice, mil­liar­daire de sur­croît,  ayant un « son » unique. Mais, très vite, il s’aperçoit que cette dame, très riche, ne pos­sède qu’un sens très approx­i­matif de la justesse et un sens du rythme totale­ment nul. Mal­gré tout, et parce que son loy­er ne va pas se pay­er tout seul, il accepte un con­cert. Puis de fil en aigu­ille, il en accepte un deux­ième et ain­si de suite… Véri­ta­ble­ment pris au piège, il n’ose plus lui dire qu’elle chante faux — c’est trop tard — et, le salaire que lui donne sa patronne est plus que con­séquent. Par dessus tout, il finit par éprou­ver une véri­ta­ble ten­dresse pour cette femme qui à décidé d’aller au bout de son rêve, per­suadée d’être une grande « col­orature » et d’avoir de nom­breux admirateurs.

Con­naissiez-vous Flo­rence Fos­ter Jenk­ins avant de répéter la pièce ?
Oui, bien sûr. Depuis mon plus jeune âge, alors que j’étais moi aus­si jeune pianiste au con­ser­va­toire de ma petite ville de ban­lieue, nos pro­fesseurs nous fai­saient régulière­ment décou­vrir des extraits du disque qu’avait enreg­istré Flo­rence.  Nous rigo­lions beau­coup. Elle a tou­jours été adulée dans le milieu des musi­ciens classiques.

Par­lez-nous de votre personnage…
Cosme est un jeune artiste comme il en existe encore beau­coup de nos jours, et comme je l’ai moi même été. Plein d’envie, de rêves et d’espoirs. Lui qui rêve de grandes œuvres, de com­po­si­tions orig­i­nales, et qui a même com­mencé l’écriture d’un opéra, va se retrou­ver écrabouil­lé par la per­son­nal­ité de Mme Jenk­ins. Il est totale­ment bluffé par l’aplomb dont elle fait preuve. Elle ne doute jamais de son tal­ent et c’est en cela que Cosme va devenir, un peu, le per­dant de l’affaire. Lui doute, tout le temps. Comme de nom­breux artistes.  Elle, jamais. Et c’est elle qui va l’emmener, l’emporter sous son aile et faire qu’il joue à Carnegie Hall une de ses com­po­si­tions. C’est d’ailleurs la seule fois que ces œuvres seront jouées en pub­lic. Cette ren­con­tre va boule­vers­er sa vie au point qu’il ne devien­dra jamais un com­pos­i­teur recon­nu. 60 ans après la mort de la mil­liar­daire, c’est d’elle dont on fait une pièce, pas de lui…

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans cette pièce ?
Out­re l’aspect comique et désopi­lant que l’on peut très vite apercevoir dès les pre­mières scènes — enten­dre mas­sacr­er mer­veilleuse­ment les plus grands airs d’opéras est tou­jours jouis­sif —  c’est surtout la ten­dresse qui va naître entre ces deux per­son­nages qui m’a le plus touché dès la lec­ture. Cette femme est véri­ta­ble­ment restée une enfant, qui croit dur comme fer qu’elle y arrivera. Et elle y arrive. J’aime aus­si jouer Cosme car, il décide de s’effacer der­rière cette entité « Flo­rence » et de devenir son pro­tecteur, dans l’ombre. Il essaye, durant la total­ité de sa col­lab­o­ra­tion avec elle, d’éviter qu’elle ne prenne con­science du regard que son audi­toire porte sur elle. La moquerie du « grand monde » venant à ses con­certs, pour rire d’elle…

En tant qu’artiste, com­ment voyez-vous la foi que Flo­rence Fos­ter Jenk­ins avait en son pro­pre « art » ?
Elle est mag­nifique… Elle nous donne des leçons à tous. C’est ce que chaque artiste devrait avoir, une foi inébran­lable en son art. Un artiste recherche sans arrêt la per­fec­tion. Comme tout être humain d’ailleurs. On désire être le meilleur ami, le meilleur amant, le meilleur papa, le meilleur être humain, mais plus on recherche cela plus on s’en éloigne finale­ment. Lorsque nous sommes émus par un comé­di­en, un chanteur, un pein­tre, un pho­tographe c’est générale­ment au moment où il lâche prise. Où son méti­er lui « échappe » juste­ment. Lorsqu’il est sur le fil du rasoir… On le sens frag­ile et cela nous touche. Comme Cosme, pour Florence…

Quels sont vos pro­jets après Col­orature ?
Col­orature étant un joli suc­cès , sans cesse gran­dis­sant, nous pro­lon­geons et par­tons en tournée dans toute la France et pays lim­itro­phes,  juste après avoir « refait » Avi­gnon et son fes­ti­val cet été. Donc, Col­orature jusqu’à la fin de l’année…
Ensuite, je vais cer­taine­ment jouer un texte de Waj­di Mouawad au Théâtre des Déchargeurs à Paris à par­tir de févri­er 2014. Puis je tra­vaille avec un acteur- per­former-auteur  for­mi­da­ble, Eric Bou­vron. Il adapte un roman de Joseph Kessel, Les cav­a­liers, que nous devri­ons jouer à trois comé­di­ens sur scène : une véri­ta­ble gageure que de vouloir faire exis­ter plus de 25 per­son­nages, des chevaux, des batailles,  le tout sur fond de Kaboul, d’Afghanistan et d’histoire d’orgueil mas­culin… Un chef d’œuvre que ce livre… Et j’écris tou­jours des chan­sons. Bien­tôt, mon groupe Olev se pro­duira sur scène…

Lire notre cri­tique de Col­orature.