Giacomo Puccini nait en 1858 dans une vieille famille de musiciens qui remonte à un autre Giacomo Puccini, organiste et maître de chapelle un siècle plus tôt. Avec de tels antécédents, il vient très vite à la musique et à la composition, d’abord à l’église comme ses ancêtres, puis à Milan. Ainsi, le jeune étudiant peut se frotter au monde musical bouillonnant de son époque. Ses premières compositions sont remarquées et un grand éditeur, Luigi Ricordi, le prend sous sa protection.
Un compositeur exigeant… et épuisant pour ses librettistes
Il fait représenter en 1884 Le villi avec grand succès. Même le grand Giuseppe Verdi y va de son couplet pour louer sa maîtrise. Le deuxième opéra, Edgar, qu’il compose sous la pression de son éditeur malgré un livret déplaisant, rencontre l’échec. Il reprend les choses en main en travaillant désormais de façon approfondie avec des librettistes à qui il transmet ses intentions. Il obtient les mots qui lui conviennent en harcelant ses collaborateurs jusqu’à l’épuisement. Aux cotés du tandem Luigi Illica et Giuseppe Giacosa qui supportera l’insupportable, nombreux sont ceux qui jetteront prématurément l’éponge. La création de Manon Lescaut en 1893, qui a mis à genoux cinq librettistes, est un énorme succès et installe définitivement Puccini comme chef de file des compositeurs d’opéra de sa génération.
La suite de sa carrière appartient à l’histoire de l’opéra: La bohème (1896) sous la baguette de Arturo Toscanini, Tosca (1900) d’après une pièce de Victorien Sardou, et Madame Butterfly (1904) font quasi immédiatement leur entrée au répertoire. Un tel enchaînement de triomphes donne une fausse impression de facilité. En réalité, le compositeur est régulièrement en proie à d’énormes crises de doute. En refusant de sacrifier à la formule toute faite et à la facilité, il se démène pour trouver l’histoire qui l’agrée parfaitement puis la transpose en livret. Les détracteurs de Puccini parlent de la vulgarité des sujets et des effets raccoleurs. Ce pourrait être le cas de Tosca, mais assister à une bonne exécution de cet opéra constitue une expérience époustouflante en matière d’efficacité dramatique : les magnifiques mélodies, le raffinement de l’orchestre, des coups de théâtre habiles, tout concourt à rendre parfaitement fluide l’évolution psychologique des personnages. Puccini étincelle surtout lorqu’il s’agit d’amener, soutenir et dénouer les moments forts : il tient le public sous sa coupe, complètement transporté d’émotion.
Même débordé par le succès et la reconnaissance, Puccini reste sensible à l’évolution du monde musical et accorde une grande importance à l’avant-garde. Sa façon d’écrire sa partition d’orchestre fait l’admiration de Ravel, qui lui-même n’a pourtant rien à apprendre de personne. Après Madame Butterfly, et alors que tout semble sourire au compositeur, la belle façade se lézarde. Son épouse excessivement jalouse pousse au suicide une jeune fille entrée au service de la famille. Parmi ses librettistes favoris, Giacosa meurt, et Illica renonce. L’opéra suivant du compositeur, La fianculla del West (La fille du Far-west) avance laborieusement. Il est finalement accueilli avec succès à New-York en 1910, sous la direction de Toscanini, mais fraîchement en Europe.
Des années difficile avant un grand come-back… posthume !
Les années suivantes sont cruelles. Luigi Ricordi, son protecteur depuis ses débuts, meurt en 1912. Durant la première guerre mondiale, il fait représenter une oeuvre légère, La rondine, dont la composition lui a donné du souci, puis trois petits opéras Il tabarro, Suor Angelica et Gianni Schicchi, réunis en Il trittico (Le triptyque — 1918). Cette dernière oeuvre est inégale, et seul Gianni Schicchi fait l’unanimité parmi les trois pièces. Le coeur n’y est plus et la fin de la guerre laisse Puccini désemparé au mileu d’un monde qu’il sent profondément transformé.
C’est en s’attelant à la composition de Turandot d’après Gozzi, dont il aime le mélange de conte chinois et de commedia del’arte, qu’il retrouve la force d’accomplir une grande oeuvre personnelle. Hélas, il n’ira pas jusqu’au terme du 3e et dernier acte, emporté par un cancer de la gorge en 1924 à l’âge de 66 ans. Turandot est créé en 1926 sous la baguette de son fidèle ami Toscanini, qui arrête la représentation au cours du fameux 3e acte en expliquant au public : « C’est ici que le maître mourut ».
Puccini n’a jamais quitté le coeur des amateurs d’opéra. Ses grandes héroïnes tragiques attirent immanquablement les foules. Aujourd’hui encore, certains rêvent de retrouver la recette de son immense succès populaire. Mais Puccini conserve une façon unique de marier un drame implacable à une musique à la fois délicate, savante, intense et furieusement mélodique.
Les opéras de Puccini
1884 — Le Villi. Livret de Ferdinando Fontana
1889 — Edgar. Livret de Ferdinando Fontana d’après Alfred de Musset
1893 — Manon Lescaut. Livret de L.Leoncavallo, M.Praga, D.Oliva, Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
1896 — La bohème. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
1900 — Tosca. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
1904 — Madama Butterfly. Livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica
1910 — La fanciulla del West. Livret de Carlo Zangari et Guelfo Civinini
1917 — La rondine. Livret de Giuseppe Adami
1918 — Il trittico (Le triptyque). Livret de Giuseppe Adami et Giovacchino Forzano
1926 — Turandot (inachevé). Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni. L’opéra a été achevé par Franco Alfano, après la mort de Puccini survenue en 1924.