
Gérard Presgurvic, à quelques jours de la première de Roméo et Juliette, que ressentez-vous ?
De l’impatience ! Et un peu d’anxiété, ce qui est normal. Mais surtout de l’impatience. Ça fait dix ans qu’on n’a pas joué en France, donc on est vraiment ravi.
Y‑a-t-il plus de pression du fait que ce soit à Paris ?
Oui, il y a plus de pression parce que c’est la langue originale du spectacle, que le public parisien est exigeant et qu’il existe certains codes qui n’appartiennent qu’à la France. On était aussi impressionnés de jouer en Corée ou en Allemagne, mais c’est sûr qu’il y aune petite émotion supplémentaire du fait de jouer ici.
Ces dix dernières années, le spectacle s’est beaucoup joué à l’étranger. Avec le recul, qu’avez-vous retiré de ces productions ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’à part en Angleterre où le spectacle n’était pas de très bonne qualité, et où de toute façon, c’était perdu d’avance – parce que des petits Français qui viennent jouer Shakespeare, on les attend avec un lance-roquettes -, partout ailleurs, on a toujours rencontré le même succès, que ce soit au Mexique ou en Chine. Ce qui veut dire que le cœur des hommes est le même partout. Ce qui veut dire également que la comédie musicale à la française a une certaine pérennité et peut – non pas renouveler – mais en tout cas concurrencer Broadway à notre style.
Il y a eu une quinzaine de versions de Roméo et Juliette, souvent différentes, et pour ce spectacle à Paris, j’ai pris la quintessence de ce que j’avais vu de meilleur… et je crois qu’on est prêts !
Alors, justement, parlez-nous des changements dans cette version…
C’est assez bizarre car tout a changé : les décors, les costumes, la chorégraphie, la mise en scène, le casting… C’est un nouveau spectacle mais en même temps, les références du spectacle original sont là. Et puis, certaines choses ne peuvent être changées comme le balcon ou le bal… Donc, ceux qui l’ont vu il y a dix ans retrouveront des points d’appui, quant aux autres, et bien, ils le découvriront ! Je pense qu’aujourd’hui, cette version est la plus aboutie de toutes celles qu’on a jouées depuis le début.
Il y a beaucoup de nouvelles chansons ?
Une dizaine de nouvelles chansons existent, elles ne sont pas toutes dans le spectacle. En revanche elles figurent toutes dans le coffret qui vient de sortir. Certaines n’ont pas résisté au spectacle car elles ralentissaient la dramaturgie. Sur scène, il y a quatre ou cinq nouvelles chansons.
Avec Roméo et Juliette, vous avez fait partie des premiers succès de cette « nouvelle vague » de grandes comédies musicales à la française. Quel regard portez-vous sur tout ça ?
Pour moi, ces grandes comédies musicales, très lourdes, c’est plutôt une bonne chose mais ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il est en train de se créer une autre culture de comédies musicales plus petites, pas en termes de qualité, mais avec moins de gens sur scène et dans des plus petites salles. Je pense que c’est de cette manière que s’installe une culture de comédie musicale, ce serait une chance. En résumé, qu’en marge d’un ou deux énormes mastodontes chaque année, on trouve aussi une dizaine de spectacles plus petits. Ce qui est nouveau et qui doit être présent davantage, c’est que « comédie musicale » ne veut pas dire systématiquement « énorme budget », donc « énormes difficultés à monter le spectacle ». On peut aussi faire avec moins de moyens, quelque chose d’aussi beau.
Il y a un public qui a grandi avec Roméo et Juliette et qui d’une certaine manière a été initié à la comédie musicale via ce spectacle. Quel effet cela vous fait-il ?
Je suis ravi. Je suis très heureux dans la comédie musicale, c’est le format qui me convient le plus, où je suis vraiment libre. Je peux faire des chansons longues, courtes, rythmées, symphoniques, lentes, pop… Je peux tout faire. Je n’ai pas à chercher absolument à faire un tube. C’est un genre complet : on joue, on chante, on danse… Ça ne m’étonne pas que chaque génération ait envie de voir de la comédie musicale.
Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ?
Mon prochain spectacle s’appellera 9999, Une deuxième chance et racontera, l’histoire du monde : comment les descendants des hommes qui ont quitté la Terre en 2999 reviennent sur Terre 7000 ans après et recommencent. Ils recommencent quoi ? La même chose ? Le pouvoir, l’argent l’amour… ? C’est assez ambitieux et je travaille dessus en ce moment.