
Franck Vincent, quand on vous a proposé le rôle d’Edna, était-ce un personnage que vous connaissiez, à travers le spectacle ou le film ?
Je n’avais pas vu le spectacle, j’avais juste vu le film avec John Travolta quand il est sorti. A l’époque, je m’étais dit que c’était un beau rôle mais ça en était resté là. Je n’ai pas vu les versions de Broadway ni de Londres pour rester vierge de toute influence. Pour la préparation, j’ai juste revu le film de John Waters, comme on lit une œuvre originale avant de jouer une adaptation. L’original est moins lisse et plus trash que le remake avec Travolta. Le spectacle musical a ré-insufflé un peu de l’esprit de John Waters, notamment avec des répliques pas toujours politiquement correctes.
Votre Edna est plus trash que celle de Travolta, donc ?
J’ai surtout essayé de faire en sorte qu’elle soit vraie. Je n’ai pas vu les versions scéniques de Broadway ou Londres. On a fait des comparaisons comme quoi j’étais moins belle, plus vieille que Michael Ball… Moi, j’assume le fait qu’Edna ne soit pas forcément belle, et qu’elle soit âgée. C’est un choix de mise en scène, de personnage. Il faut imaginer que cette femme n’a pas mis les pieds hors de chez elle depuis sept ans. Elle n’est pas maquillée, elle s’est laissée aller, elle a grossi, elle a des bigoudis, des bas de contention : elle est clairement négligée. Je ne vois pas comment on peut partir d’une Edna sur-maquillée, avec de grands cils. Edna n’est pas Zaza de La Cage aux Folles. Mon challenge personnel était d’éviter tous les archétypes du travesti. Le plus difficile a donc été de trouver le bon dosage pour faire oublier l’homme, tout en utilisant ma voix d’homme et chanter la partition telle qu’elle a été écrite, pour un baryton basse.
Qu’est-ce qui est le plus jubilatoire dans le fait d’interpréter Edna ?
J’aime la famille que nous avons formée avec Gilles Vajou et Lola Ces. J’aime beaucoup le duo avec Gilles (« T’es toujours dans l’coup ») parce qu’il est un partenaire hors normes, exceptionnel de talent, d’humanité, de gentillesse, d’écoute. Et puis, j’aime les relations avec ma fille. J’adore jouer avec Lola. Elle est tellement juste et vraie. Chaque soir, j’ai un bonheur de partenaire, et quand je suis en coulisses, j’ai un bonheur de spectateur à la regarder vivre sur scène.
Vous dansez aussi dans ce spectacle.
Ca m’éclatait de faire le numéro « T’es toujours dans l’coup » de cette façon (voir ci-dessous la vidéo filmée lors de La Grande Fête du Théâtre Musical). J’adore la comédie musicale hollywoodienne des années 50 et d’avant : Silk Stockings, Top Hat, Royal Wedding… On a tous replongé dans cet univers avec délectation. Et puis, ça m’intéressait, de façon personnelle, de défendre le fait qu’une femme forte puisse être belle et gracieuse. C’était important pour moi de faire tomber ce carcan. On peut être grosse, belle, séduisante et légère ! L’œuvre défend le droit à la différence.
Un dernier mot sur cette production ?
On a tous eu une démarche honnête et sincère à tous les postes. On a monté Hairspray avec notre sensibilité, en France, avec un angle de vue français. On n’a jamais prétendu être à Broadway, on n’est pas dans un copier-coller. On est dans notre propre version, et on l’assume complètement !
Retrouvez notre critique du spectacle, la galerie photos, notre interview de Marc Shaiman.
Franck Vincent et Gilles Vajou interprètent ci-dessous « T’es toujours dans l’coup » lors de la Grande Fête du Théâtre Musical au Théâtre Comédia (9 mai 2011).
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=SxUh61PEWx0[/youtube]