Auteur :Erik GEDEON
Adaptation : Zoé et Gérard PULLICINO
Direction musicale : Raphael SANCHEZ
Avec Sidi Degnieau (Sidi Biggy), Maxime de Toledo, Gersende Florens, Pauline Gardel, Amélie Munier, Zacharie Saal, Raphal Sanchez et en alternance Julie Wingens.
Résumé : Imaginez-vous dans 50 ans ! Venez à la rencontre de 6 retraités qui vont défier le temps grâce à la musique. En 2060, à la résidence Belair, les journées passent lentement, entre les soins nécessaires et les activités infantilisantes, sous le contrôle d’une infirmière machiavélique. Mais nos six pensionnaires du futur ont d’autres plans et la résistance s’organise.
Aussi attachants que méchants, aussi immatures que séniles…Le temps fait son œuvre mais les jeunes vieux rebelles ont gardé leur jeunesse éternelle grâce à la musique et vont défier le temps à coup de chansons au répertoire éclectique (rock, variété, classique, rap, techno, éléctro…), vont revivre les tubes des Rolling Stone, des Bee Gees, d’Alain Souchon, de NTM, de Stromae ou encore de Daft Punk…C’est toute notre mémoire collective qui défile devant nous.
Notre avis : A quoi ressemblerons-nous dans cinquante ans? Que retiendrons-nous de nos existences? L’une des réponses se trouve peut-être à Bobino, où les six artistes de Forever Young jouent ce qui sont sûrement les rôles les plus âgés du théâtre musical: six centenaires ‑à quelques rides près- livrés à eux-mêmes et à leur nostalgie, dont la vie s’écoule péniblement entre déambulateurs et médicaments…
Ancienne comédienne, lointaine chanteuse activiste, magicien d’hier et rappeur d’avant-hier… dans ce théâtre parisien, devenu « hospice pour artistes retraités », ces résidents infantilisés, vedettes d’un autre temps, pourraient ne faire qu’attendre, s’ils n’avaient toujours au fond d’eux la flamme intacte de leurs passions: le théâtre, la musique et la poésie, des Bee Gees à Roméo et Juliette. Sitôt le dos de leur infirmière tourné, ils ne peuvent s’empêcher de revivre leur époque ‑la nôtre- et de s’en donner à coeur joie. La lenteur de leurs pas hésitants, la fragilité de leur corps usé, et leur mémoire vacillante disparaissent alors derrière une énergie délirante, l’hôpital devient salle de concert et les pacemakers battent à l’unisson du rock et des Rolling Stones. Au fil de leurs souvenirs, nos anciens font se rencontrer William Sheller, Stromae, Aznavour ou Joe Cocker dans d’improbables medleys. Sexbomb, Roxanne, Barbie Girl… le quatrième âge s’éclate sur Gloria Gaynor ou NTM, s’enlace sur « Oh my love » du cultissime Ghost et plane sur Amy Winehouse… C’est Retour vers le futur s’invitant chez Tatie Danielle… Espiègles comme des gamins, jaloux, parfois odieux et évidemment gâteux, ces ancêtres ont pourtant l’esprit vif, l’enthousiasme intact et la voix impeccable dès lors qu’il s’agit de chanter… Le poids des ans s’envole alors, même s’il n’est pas aisé de se déhancher avec une prothèse, ou de tenter un striptease quand on marche avec une canne…
C’est bien ce comique poussé à l’extrême qui fait toute l’originalité de Forever Young. Inédit dans sa création, insensé sans être irréel, le spectacle est clairement délirant. Son succès repose en grande partie sur le jeu étonnant des six comédiens. Ils sont, tout au long du spectacle, des centenaires plus vrais que nature, à la gestuelle précise, au rythme ralenti, et à la silhouette délicate qui prête parfois à confusion. Du haut de ses trente ans, Pauline Gardel offre notamment avec son dos vouté, son regard épuisé et sa maladie d’Alzheimer, une magnifique interprétation.
Avec ces centenaires n’ayant plus à prouver, il saute aux yeux que les équipes créatives ne se sont fixés aucune limite, et c’est tant mieux: les personnages sont totalement décomplexés, les répliques sont cyniques, parfois ahurissantes, toujours hilarantes. Nos anciens osent tout, en paroles et en gestes… Le public s’accroche à son fauteuil, mais en redemande. Ils sont déjantés et scabreux, mais qui oseraient blâmer des centenaires fatigués? Si leur vivacité d’esprit, la méchanceté de leurs piques et l’énergie qui les anime est un régal, les personnages n’en sont pas moins tendres et capables de douceur. Les auteurs, Gérard et Zoé Pullicino, n’ont pas omis de les rendre touchants, gracieux dans leur souffrance, ponctuant le spectacle d’une touche de réalisme et d’humanité. Car si certains ont perdu la tête, ils se souviennent pourtant de leur premier amour… l’occasion d’un tableau particulièrement attendrissant. Bien que l’on regrette les masques caoutchouteux dont ils sont affublés, les comédiens assurent tous une belle performance. Comme un clin d’œil, tous portent d’ailleurs leur vrai prénom sur scène. Parmi eux, Sidi Degnieau (Sidi Biggy) s’avère le plus surprenant. Beatbox, il rythme avec sa bouche l’essentiel des musiques du spectacle, accompagnant l’arrangeur musical: un Raphael Sanchez au piano, totalement méconnaissable sous ses cheveux blancs.
Original, assurément absurde ‑certains diront « potache »-, offrant un répertoire varié de Souchon à Rossini, et sans temps mort (c’est le cas de le dire!) Forever Young est un hymne à la vie. Comme une envie de se débattre pour arrêter le temps. Avec peut-être un souhait aussi: celui d’avoir toujours présents au fond de nous, dans cinquante ans, un grain de folie, une furieuse envie de rire et un enthousiasme intact pour croquer la vie à pleins dentiers…