Comédie musicale en un acte.
Livret de James Goldman.
Lyrics et musique de Stephen Sondheim.
Créé au Winter Garden Theatre de New York, le 4 avril 1971.
Direction musicale : David Charles Abell. Mise en scène : Olivier Bénézech. Chorégraphie : Caroline Roëlands. Casting manager : Stephen Crockett. Décors : Valérie Jung. Vidéo : Gilles Papain. Costumes : Frédéric Olivier. Lumières : Marc-Antoine Vellutini.
Avec Graham Bickley (Benjamin Stone), Liz Robertson (Phyllis Rogers Stone), Jérôme Pradon (Buddy Plummer), Charlotte Page (Sally Durant Plummer), Nicole Croisille (Carlotta Campion), Sarah Ingram (Stella Deems), Denis d’Arcangelo (Solange Lafitte), Stuart Neal (Young Ben), Sophie May Wake (Young Phyllis), Fra Fee (Young Buddy), Jessie May (Young Sally), Julia Sutton (Hattie Walker), Marilyn Hill Smith (Heidi Shiller), Kristy Swiff Roscoe (Young Heidi), Joe Shovelton (Max Deems), Jo Cameron Brown (Emily Whitman), Billy Boyle (Theodore Whitman), Larrio Ekson (Weismann), Francois Beretta (Kevin), Isabel Cramaro (Margie).
Durée : 2h30 avec un entracte.
Langue : chanté en anglais, surtitré en français.
Notes : Orchestre, chœur et ballet de l’Opéra.
Coproduction : Opéra de Toulon et Opéra-Théâtre de Metz.
Nouvelle production – Création en France.
Résumé : Compositeur et parolier (West Side Story), auteur de musiques de film, Stephen Sondheim transcende le genre de la comédie musicale et le magnifie. Il est assurément le compositeur de Broadway le plus passionnant de ces cinquante dernières années. Un véritable culte est voué à Follies, considéré comme le spectacle le plus abouti de Sondheim et un des joyaux de l’histoire de la comédie musicale américaine. Follies nous fait partager les souvenirs d’une troupe de music-hall, le temps d’une ultime soirée. Les couples se font et se défont, espoirs illusoires et rendez-vous manqués. Les personnages tentent désespérément de retrouver leur jeunesse mais le temps est passé…
Notre avis : Il aura fallu du temps pour que le public français découvre, sur son territoire, les œuvres du génie américain Stephen Sondheim. Pourtant, doucement mais sûrement, il semblerait que le sillon se creuse de ce côté de l’Atlantique. Après le Châtelet (A Little Night Music, Sweeney Todd et, prochainement, Sunday in the Park with George puis Into the Woods), c’est au tour de l’Opéra de Toulon (sous la direction de Claude-Henri Bonnet) de nous proposer un musical de Sondheim : Follies, créé à Broadway en 1971. Bijou singulier dans l’œuvre du maître, Follies bénéficie d’une partition brillante, envoûtante, rendant hommage aux plus grands compositeurs de la première moitié du vingtième siècle, tout en gardant un ton intrinsèquement sondheimien (certains de ses motifs musicaux sont reconnaissables entre mille). Par ailleurs, sans avoir besoin d’être un expert, de nombreux titres ont eu une vie en dehors du contexte du musical, à commencer par « Losing My Mind » (repris par Liza Minnelli ou Ute Lemper), ou encore « Broadway Baby » ou « I’m Still Here », devenu hymne officiel des vieilles chanteuses indéboulonnables.
Cette sublime partition illustre une histoire bercée d’illusions perdues, d’idéaux floués, de jeunesse envolée, de gloire passée. Au début des années 70, les anciennes girls des Weissmann’s Follies se retrouvent dans le théâtre où elles ont officié, à l’époque où elles étaient jeunes, amoureuses, et pleines de rêves. Entre la noirceur désabusée de Sondheim, des personnages principaux souvent cyniques, et un livret parfois trop conceptualisé de James Goldman (la trame dramatique manque d’une vraie force motrice), on peut comprendre que Follies n’ait jamais connu un réel succès auprès d’un large public lors de ses différentes productions. Et pourtant, il serait bien dommage de passer à côté d’une telle œuvre et de ne pas se laisser émouvoir par cette atmosphère douce-amère.
Aujourd’hui, sous la houlette du metteur en scène Olivier Bénézech (Un Violon sur le toit, Grease), l’Opéra de Toulon, sous ses dorures patinées et ses plafonds aux cieux pastel, se peuple de fantômes d’une autre époque. Pour incarner ces personnages – on pourrait même dire « personnalités » –, Bénézech s’est entouré d’une distribution impeccable. Le quatuor central Sally-Phyllis-Ben-Buddy (Charlotte Page, Liz Robertson, Graham Bickley, Jérôme Pradon) fonctionne impeccablement, aussi bien dans sa version « mûre » que dans sa version « jeune » (Jessie May, Sophie May Wake, Stuart Neal, Fra Fee). Les deux jeunes couples offrent d’ailleurs une délicieuse parenthèse de fraîcheur et d’optimisme (même s’il peut être teinté d’ironie) dans le charmant numéro « You’re Gonna Love Tomorrow ». Cette juxtaposition entre idéaux de jeunesse et réalité adulte n’est d’ailleurs pas sans rappeler le principe de Merrily We Roll Along que Sondheim écrira quelques années plus tard.
Quelques originalités notables dans la distribution : le rôle de Solange LaFitte est ici interprété par un homme, Denis D’Arcangelo (Le Cabaret des hommes perdus), qui apporte sa tendre gouaille lunaire. Quant à Hattie (« Broadway Baby »), jouée par Julia Sutton, elle pourra étonner. Ceux qui sont habitués aux interprétations in your face à la manière d’Elaine Stritch, seront surpris par la touchante vulnérabilité de cette petite mamie. Curiosité dans une distribution venant principalement du monde du musical ou du lyrique, Nicole Croisille, dans un look proche de la Line Renaud époque Las Vegas, nous livre son « I’m Still Here » avec un certain panache. Enfin, Sarah Ingram dans le rôle de Stella, nous livre un « Who’s That Woman? » nourri d’une formidable énergie, en chant comme en danse.
À ce propos, les chorégraphies de Caroline Roëlands sont particulièrement remarquables et donnent à voir un éventail de styles différents. Elles rendent hommage, bien évidemment, aux grandes revues (et à leur éclectisme) dont il est question dans Follies, mais elles évoquent aussi des grandes figures de la comédie musicale (théâtre ou cinéma) de Bob Fosse à Gene Kelly, en passant par Cyd Charisse, Fred Astaire et Ginger Rogers. Au final, ces chorégraphies sont en soi une triomphante déclaration d’amour au genre de la comédie musicale.
Visuellement, on saluera les magnifiques costumes de Frédéric Olivier (1789 : les amants de la Bastille), oscillant entre extravagance, démesure, kitsch, mais restant toujours un régal pour les yeux. Enfin, ultime plaisir mais non des moindres, sous la baguette de David Charles Abell, la musique de Sondheim prend corps : incarnée, vibrante, tumultueuse, elle donne un dernier souffle de vie à ces personnages hantés par le passé. Après nous avoir captivés avec Sweeney Todd au Châtelet, il nous séduit avec Follies. On ne peut qu’attendre avec impatience sa direction de Sunday in the Park with George, œuvre définitive sur la condition du créateur.
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