Follies : le show-business dans la démesure, la gloire et le désespoir

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L'affiche de Follies en 1971 ©DR

Musi­cal de Stephen Sond­heim (musique et lyrics), livret de James Goldman.

Créa­tion
À Broad­way, le 4 Avril 1971 au Win­ter Gar­den The­atre de New York (522 représentations).

À Lon­dres, le 21 juil­let 1987 au Shaftes­bury The­atre (645 représentations).

Prin­ci­pales chansons
Pro­logue — Beau­ti­ful Girls — Don’t Look at Me — Wait­ing for the Girls Upstairs — Rain on the Roof — Ah, Paree ! — Broad­way Baby — The Road You Did­n’t Take — In Bud­dy’s Eyes — Bolero d’Amour — Who’s That Woman ? — I’m Still Here — Too Many Morn­ings — The Right Girl — One More Kiss — Could I Leave You ? — Love­land — You’re Gonna Love Tomor­row — Love Will See Us Through — The God-Why-Don’t-You-Love-Me Blues (Bud­dy’s Blues) — Los­ing My Mind — The Sto­ry of Lucy and Jessie — Live, Laugh, Love.

Syn­op­sis
Peu avant la démo­li­tion d’un théâtre aban­don­né, d’an­ciens artistes s’y réu­nis­sent une dernière fois. Par­mi eux, Ben et Phyl­lis sem­blent avoir réus­si, Bud­dy et Sal­ly con­nais­sent un sort moins envi­able au point que Bud­dy, man­i­feste­ment aigri, a hésité à venir. Les inter­prètes devenus vieux rejouent les grands numéros du temps de leur splen­deur, par­fois accom­pa­g­nés des fan­tômes de Phyl­lis, Sal­ly, Ben et Bud­dy jeunes. Durant le déroule­ment de la soirée, les apparences de façade se fis­surent, les sou­venirs douloureux ressur­gis­sent comme l’at­ti­rance anci­enne de Sal­ly pour Ben. La décrépi­tude du lieu autre­fois splen­dide déteint sur les pro­tag­o­nistes. Ils avouent dans une grande séquence finale (Love­land) com­bi­en ils sont minés par la décep­tion née de leur rêves inachevés. Leurs dernières illu­sions finale­ment dis­sipées, ils quit­tent le théâtre voué à disparaître.

Le thème
Dans la tonal­ité fon­cière­ment pes­simiste de Sond­heim, Fol­lies (l’équiv­a­lent des revues français­es) éclaire la dis­tance entre l’il­lu­sion et la réal­ité, respec­tive­ment représen­tés par le théâtre et la vie de ses artistes. L’il­lu­sion tient dans l’e­uphorie d’un numéro réus­si sur scène, et dans l’ivresse des applaud­isse­ments et du suc­cès. Les chan­sons pas­tich­es de Sond­heim à la manière des grandes sig­na­tures du Broad­way mythique restituent ces moments mag­iques. Mais il ne faut pas se four­voy­er, la réal­ité est loin. À l’ex­a­m­en des artistes aigris et vieil­lis, les apparences ne trompent plus. Les per­son­nages de Ben, Phyl­lis, Bud­dy et Sal­ly sont malades de lut­ter con­tre la décep­tion qui les ron­gent. L’ex­u­toire de la séquence « Love­land » apporte le choc psy­chologique salu­taire : il faut simul­tané­ment s’ar­racher à ses illu­sions et accepter la réal­ité. Alors seule­ment l’ex­is­tence com­mence à devenir supportable.

L’his­toire der­rière l’histoire 
La deux­ième col­lab­o­ra­tion d’af­filée entre le musi­cien-paroli­er Stephen Sond­heim et le pro­duc­teur-met­teur en scène Harold Prince a lieu sous le signe de la démesure. Après un Com­pa­ny (1970) déjà remar­quable­ment dis­tin­gué en 1971, ils finalisent ce nou­veau spec­ta­cle ambitieux et nova­teur esquis­sé quelques années plus tôt. Fol­lies est récom­pen­sé de sept Tony awards en 1972, un an après la main­mise de Com­pa­ny. Pour Sond­heim, la recon­nais­sance par ses pairs est large­ment acquise. Par con­tre, le pub­lic reste réservé mal­gré les quelques admi­ra­teurs qui se délectent de l’in­tel­li­gence du texte. Les 522 représen­ta­tions con­stituent un échec com­mer­cial pour ce spec­ta­cle très coû­teux. Pour­tant, la par­ti­tion com­prenant pas moins de vingt-deux chan­sons est d’une richesse extra­or­di­naire. Mais la noirceur du livret a rebuté : on est peu habitué à un pes­simisme névro­tique au pays du rêve améri­cain et de l’enter­tain­ment. Dans l’équipe créa­trice, cette tonal­ité du spec­ta­cle a égale­ment gêné le tal­entueux choré­graphe Michael Ben­nett. Il aurait aimé créer de glo­rieux numéros à met­tre le pub­lic à genoux. Il se rat­trapera en 1975 avec la con­cep­tion de A Cho­rus Line. Il s’at­tachera aus­si aux artistes de sec­ond rang, les « forçats » de Broad­way, qu’il décrira de manière héroïque et bril­lante. A Cho­rus Line con­naî­tra un énorme suc­cès qui en fera un emblème du théâtre musi­cal américain.

Le demi-échec com­mer­cial de Fol­lies à sa créa­tion de 1971 se dou­ble d’une grande mal­adresse à l’en­reg­istrement pour le disque. La par­ti­tion est abrégée et la richesse de l’œu­vre s’en trou­ve trahie. L’élab­o­ra­tion de Fol­lies com­por­tait égale­ment de nom­breuses chan­sons mis­es au rebut. Elles trou­veront finale­ment leur place dans des antholo­gies du com­pos­i­teur. En 1985, deux con­certs de Fol­lies sont enreg­istrés avec une pléi­ade d’artistes de théâtre con­viés par Sond­heim. Les amoureux de la par­ti­tion dis­poseront enfin de l’en­reg­istrement tant espéré. En revanche, la cap­ta­tion vidéo est médiocre : elle ne com­porte que des extraits sai­sis sous des angles mal­ha­biles. Elle fait plus office de témoignage que de véri­ta­ble resti­tu­tion du concert.

Au moment de l’en­goue­ment pour les méga­mu­si­cals lon­doniens (Les Mis­érables, Cats, The Phan­tom of the Opera), le pro­duc­teur Cameron Mack­in­tosh ne pou­vait pas laiss­er échap­per Fol­lies telle­ment proche de son for­mat de prédilec­tion. Il le crée à Lon­dres en 1987 avec un livret large­ment réécrit et qua­tre chan­sons rem­placées par qua­tre nou­velles. Il con­firme ain­si son affec­tion pour l’œu­vre de Sond­heim, qu’il avait intro­duite en Angleterre dès 1976 (la revue Side by Side by Sond­heim). Cette pro­duc­tion ren­con­tre un accueil très chaleureux mais sans suite pour une exploita­tion américaine.

Après dif­férentes repris­es hors de New-York, le grand retour de Fol­lies a lieu à Broad­way en 2001. Hélas, le spec­ta­cle con­naît une car­rière déce­vante (117 représen­ta­tions). Même si les nom­breux con­nais­seurs et admi­ra­teurs con­tin­u­ent de porter au plus haut la remar­quable par­ti­tion, Fol­lies reste mal placé pour une exploita­tion com­mer­ciale. Avec ses exi­gences, la dis­tri­b­u­tion reste déli­cate à con­stru­ire. Les numéros musi­caux ne sont pas com­plète­ment « strass et pail­lettes », le coté cré­pus­cu­laire de ses per­son­nages empêche l’ad­hé­sion immé­di­ate du plus grand nom­bre. Mal­gré son écrin musi­cal de toute beauté, Fol­lies reste fon­da­men­tale­ment dérangeant par ses inter­ro­ga­tions. Le pub­lic trop douil­let refuse l’ex­a­m­en de con­science au scalpel auquel Sond­heim veut les convier.

Ver­sions de référence 
Une fois n’est pas cou­tume pour un spec­ta­cle de Broad­way, la dis­tri­b­u­tion orig­i­nale n’est recom­mandée qu’en sec­onde posi­tion. La préférence va d’abord pour le dou­ble CD Fol­lies in Con­cert de 1985 qui com­prend quelques pho­tos et surtout les paroles des chan­sons. Ensuite, pour des raisons his­toriques, on s’in­téressera à la dis­tri­b­u­tion d’o­rig­ine. Enfin les enreg­istrements de Lon­dres et de Paper Mill 1998 per­me­t­tront d’en­ten­dre le spec­ta­cle dans son inté­gral­ité au moment de leur représen­ta­tion, c’est-à-dire avec les chan­sons nouvelles.

· Fol­lies in Con­cert (1985). RCA BMG RD87128. Ce dou­ble CD com­porte égale­ment la bande orig­i­nale com­posée par Stephen Sond­heim du film Stavisky d’Alain Resnais. Une vidéo existe. Par son mon­tage en extrait, elle con­stitue davan­tage un témoignage qu’une véri­ta­ble resti­tu­tion du concert.
· Fol­lies. Orig­i­nal Broad­way Cast (1971). EMI Broad­way Angel 64444.
· Fol­lies, A Broad­way Leg­end. Orig­i­nal Lon­don Cast (1987) en dou­ble CD. First Night Records
· Fol­lies. New Jer­sey Cast (1998). TVT Records.