Parlez-nous du parcours de Souingue.
Laurent Pelly : A l’origine la Cité de la Musique m’avait demandé de faire un spectacle sur la chanson française. Ma soeur Florence avait le désir de travailler sur un tel sujet avec un petit groupe. Nous avons eu beaucoup de plaisir à faire ce spectacle qui a tout de suite bien accroché le public. Peut-être correspondait-il à une attente ? Olivier Meyer, co-producteur, nous a permis de continuer l’aventure et des quelques dates initialement prévues, il a été joué très longtemps.
Florence Pelly : Souingue s’est promené un peu partout en France. Grande ou petite ville, l’accueil a toujours été très chaleureux. Je n’ai jamais connu ça avec un autre spectacle. Il est aussi particulièrement rare de ressentir un plaisir égal pour nous à chaque représentation. Et ce n’est pas de la langue de bois, c’est la vérité ! La preuve : dix ans après, la troupe se reforme.
Pourquoi ce nouveau spectacle ?
Laurent Pelly : Je suis très fan des groupes vocaux comme les Double Six, Manhattan Transfer. Tenter, modestement, de travailler dans cette direction est notre but. Comme notre collaboration a été fructueuse, nous avons tous eu le désir de la poursuivre. Et puis en dix ans, nous avons tous évolué, changé. Je n’ai pour ma part plus trop l’habitude de travailler sur ce genre de spectacles, mes activités m’entraînent sur des productions plus grosses, notamment pour l’opéra. Il m’arrive parfois de remonter des oeuvres plusieurs années après leur création. Là, le principe diffère : ce sont des retrouvailles et c’est inédit dans mon parcours.
Florence Pelly : En dix ans, nous avons changé, les uns et les autres. Nous nous sommes parfois rencontrés sur d’autres spectacles. En tout cas, nous ne nous sommes jamais perdus de vue. Souingue a permis de déclencher une belle aventure d’amitié entre nous. Autant dire que nous nous connaissons par coeur.
Comment avez-vous procédé pour le choix des chansons ?
Florence Pelly : Notre problématique cette fois est une : « anthologie peu scrupuleuse de la chanson drôle ». Je fouine dans les discothèques, les bibliothèques, j’écoute des morceaux, je me laisse porter par le hasard. Mon oreille commence à être bien affûtée ! J’ai sélectionné des chansons amusantes en privilégiant des choses peu connues ou tombées un peu dans l’oubli. Il faut surtout voir si, après plusieurs écoutes, le plaisir du verbe et de la musique est intact ou s’il faiblit. J’ai découvert des choses très intéressantes chez Brigitte Fontaine, du temps où elle travaillait avec Higelin et Areski. Claude Nougaro, Serge Gainsbourg, Boris Vian (deux textes ont été mis en musique par Thierry Boulanger pour l’occasion), Jean Constantin, Bobby Lapointe me plaisent toujours autant. La difficulté est aussi de trouver des airs qui ne soient pas trop attachés à un interprète : il faut que l’on puisse se les approprier. En résumé, ce sont toujours un peu les mêmes bêtises !
Laurent Pelly : Il s’agit du même type de répertoire, en l’occurrence la chanson française, mais uniquement avec des airs nouveaux, plus pointus musicalement : un véritable renouvellement. On se connaît tous tellement que nous prenons soin à casser un peu les images que nous pouvons avoir de tel interprète. Je sais ce dont chacun est capable et c’est un plaisir d’aller dans une autre direction, découvrir des choses nouvelles. Le fait de se connaître parfaitement bien nous permet de travailler avec une grande liberté.
Comment définiriez-vous Souingue, Souingue ?
Florence Pelly : Cette fausse anthologie est un prétexte pour nous raconter : beaucoup de choses parlent de nous, du temps qui passe. Nous ne sommes pas aussi frais qu’il y a dix ans mais toujours vaillants. Nous avons tous évolué. Il n’existe aucune idée préconçue du spectacle : seul le plaisir de s’approprier des chansons qui nous font rire, qui musicalement sont proches de nous, jazzy et swingantes nous guide !
Laurent Pelly : Notre but est de raconter une histoire à travers les chansons, nous tenons à rendre les choses théâtrales, vivantes : ce ne sera pas un récital. En répétition, il faut entendre les chansons ensemble, les faire sonner pour décider du bon enchaînement. Nous fonctionnons beaucoup sur l’instinct, menés avant tout par le plaisir. Nous pensons modestement que si nous prenons du plaisir, il en sera de même pour le spectateur ! Nous ne voulons pas être dans le souvenir du premier spectacle mais proposer quelque chose de nouveau, nourri de nos parcours respectifs, tout en conservant la légèreté qui nous avait tant plu lorsque nous avons proposé Souingue. Nous mettons la barre plus haut. La première fois tout s’est fait tellement rapidement et de manière ludique, sans y réfléchir beaucoup… Nous ne pouvons retrouver la même insouciance. Les trois semaines que je prends sur mon planning chargé pour mettre au point ce spectacle, c’est une escapade gourmande pour moi !