texte, mise en scène et chorégraphie : Pauline Laidet
avec : Anthony Breurec , Antoine Descanvelle , Logan De Carvalho , Tiphaine Rabaud-Fournier , Hélène Rocheteau
compositeur : Baptiste Tanné
scénographie : Quentin Lugnier
lumières : Benoit Bregeault
Festival Théâtre en mai, CDN Dijon
Notre avis (critique publiée à l’occasion des représentations au théâtre de la Croix-Rousse de Lyon du 10 au 12 mai 2016) :
Le spectacle Fleisch prend ses sources dans le roman et le film On Achève Bien les Chevaux. Plusieurs dizaines de couples sont réunis afin de participer à un marathon de danse. Cet événement médiatisé et festif dans les premiers temps ne laissera pas indemnes ses participants qui repoussent régulièrement leurs limites.
Alors que les marathons de danse ont eu leur heure de gloire pendant la grande dépression des années 1930 aux Etats-Unis (et dans une moindre mesure en Europe), Fleisch a une résonance particulière dans le contexte actuel de crise économique et sociale, tant sur le plan national qu’international. Le format moderne de la compétition organisée n’est pas non plus sans évoquer certains aspects de la télé-réalité parfois en quête effrénée de sensationnalisme.
Pauline Laidet a fait le choix de retenir principalement des comédiens prêts à danser et des interprètes amateurs plutôt que des danseurs professionnels. Cela apporte une forme de sincérité et de réalisme appréciable aux chorégraphies supposées être réalisées par des citoyens ordinaires. Baptiste Tanné, à la guitare électrique et à la table de mixage, crée une belle bande son surfant entre autres sur les rythmes technos, pop et rock.
Fleisch connaît deux phases contrastées. Le début du spectacle est plein de rythme, d’énergie, de couleurs, de personnages… La deuxième phase est plus sombre, la plupart des participants ayant été éliminés et les derniers qualifiés n’ayant plus la même vitalité après de nombreux jours de danse quasi sans interruption. Cette phase est beaucoup plus tendue et plus lente. La sensation de huis clos est alors exacerbée. On peut supposer que l’intention est de restituer la sensation d’une épreuve qui n’en finit pas pour les « rescapés » mais cela finit par peser aussi quelque peu sur le spectateur dont l’attention se relâche plus facilement dans les derniers tableaux.
Fleisch met en avant deux couples au sein de la compétition. Les motivations de ces participants divergent mais on aurait apprécié qu’elles soient encore plus explorées afin de prendre encore plus de recul sur les événements. Les interprètes, dont Tiphaine Rabaud-Fournier et Hélène Rocheteau, incarnent avec conviction des personnages prêts à payer le prix fort pour réussir cette épreuve. Avec leurs corps, ils représentent de façon troublante des êtres au bord de la rupture physique et morale. Les danseurs sont à la fois manipulés et soutenus par Oscar, le maître de cérémonie du marathon rendu charismatique par Antoine Descanvelle. Avec Fleisch, en s’appuyant sur le théâtre et danse et plus globalement sur la représentation des corps, Pauline Laidet a créé une œuvre audacieuse qui ne manquera pas d’interpeller le spectateur et de susciter le débat.