« La comédie musicale, ça fait 20 ans que je rêvais d’en faire » déclare tout de go Fabrice Aboulker. Marqué par les films musicaux de Demy et ceux venus de Hollywood, il a bien pensé à monter Le petit prince de Saint-Ex’ et même Dracula « dont il ne reste aujourd’hui qu’une chanson, ‘Qu’est-ce que t’es belle’ « , reprise par son complice de toujours, Marc Lavoine. Et, un soir, dans un restaurant marocain où il dîne en compagnie d’Ann’So (qui interprête le rôle de Madame Cassim dans le spectacle), l’idée d’Ali Baba lui vient. « C’est une histoire qui mêle éléments humoristiques et tragiques, les personnages sont intéressants ». Va pour Ali ! Il se met à la tâche avec ses amis Alain Lanty (co-compositeur), Thibaut Chatel et Frédéric Doll (auteurs). La création simultanée à huit mains ne semble pas l’avoir effrayée : « Nous avons travaillé ensemble ou séparément suivant les morceaux mais j’ai toujours eu l’habitude de procéder ainsi, par petits bouts. Et puis, chacun apporte des choses aux autres. Alain Lanty a une connaissance du jazz et de l’opérette que je n’ai pas par exemple ».
Un spectacle écrit en pensant à ses interprètes
Une partie de l’originalité d’Ali Baba réside dans son mode de conception même : il ne s’agit pas en effet pas d’un « produit » fini qui a été ensuite proposé à des artistes. « Au contraire, on a démarré le casting en cours d’écriture. Nous avons ainsi pu nous enrichir nos héros du vécu de ceux qui vont les interpréter. Les artistes ‘sont’ leurs personnages à la scène comme à la ville ! ». Aux côtés d’Ann’So, présente dès l’origine, s’agrègent donc bientôt les autres talents de la troupe : Sinan, Steeve de Paz et la très jeune Sonia Lacen. Sébastien Lorca a été l’un des derniers à intégrer le groupe qui « ne compte pas un héros, tous les rôles sont importants à défendre », assure Fabrice. « Il y a une grande solidarité entre tous ces jeunes artistes qui s’épaulent. Quant à l’équipe technique et artistique plus chevronnée qui les entoure, elle les considère un peu comme ses enfants ! ».
Si certaines créations sont chaotiques et d’un accouchement difficiles, Ali Baba semble en revanche s’être déroulé sous les meilleurs auspices. Jean-Claude Camus croit très vite au projet et décide de produire le spectacle. Malgré nombreux succès à son actif, ses précédents essais dans le domaine de la comédie musicale, comme La valise en carton de Linda de Suza ou Peter Pan de Jerome Robbins, ont été des échecs et il a donc une revanche à prendre. Avec l’implication du célèbre producteur, les autres éléments du puzzle se mettent vite en place. Un album est enregistré qui vient d’ailleurs d’être remplacé par un second. « Comme le spectacle a évolué entre temps, nous avons pensé que la ‘couleur’ du spectacle valait bien un nouvel album qui compte huit titres supplémentaires ». Ce qui est encore loin des 33 chansons que comptera le show. Un album live est d’ailleurs prévu en fin d’année pour combler cette lacune.
Un spectacle différent des autres grands musicals annoncés
D’où vient alors qu’avec toutes ces fées penchées sur son berceau, Ali Baba soit moins médiatisé que Les dix commandements ou Roméo et Juliette qui arrivent plus tard dans la saison ? « C’est vrai que nous sommes un peu perçus comme les outsiders », admet le créateur, « le côté comique et aventurier passe moins sur les ondes où l’on préfère des formats plus romantiques. Mais nous avons la conviction que ce ‘handicap’ en radio sera un atout sur scène. Nous serons le seul spectacle qui ne soit pas seulement chanté mais bel et bien également joué et dansé par des artistes qui ont une base solide dans chacun de ces domaines ».
Il pourrait ajouter « et le seul en présence d’un orchestre ». Car, à la mauvaise habitude française consistant à utiliser une bande-son (et parfois du play-back !), Ali Baba préfère l’émotion que confère un véritable ensemble. « C’est un spectacle ‘vivant’, nous n’aurions pas pu envisager qu’il en aille autrement ». Même si dans le cas présent, la présence de 28 musiciens se traduit par un surcoût de 2 millions de francs ! Espérons que cette décision, exceptionnelle sur ce genre de production, deviendra un jour la norme.
Le bouche-à-oreille fera la différence
Actuellement répété à Toulon où le spectacle ouvrira le 15 septembre, avant de prendre possession du Zénith de Paris dès le 23, Ali Baba attend maintenant de savoir si le public sera au rendez-vous. « Nous avons déjà une dizaine de jours de complet et d’après Jean-Claude Camus, c’est plus que suffisant pour que le bouche-à-oreille fonctionne à plein sur le reste des représentations et de la tournée ». Car dès le mois de novembre, Ali Baba tournera en province jusqu’à la période des fêtes. « Nous reviendrons ensuite à Paris sans avoir encore décidé si ce sera sur une nouvelle courte période au Zénith, ou bien sur toute la durée de la saison mais dans une salle plus petite ».
En tout cas, le spectacle est bâti pour durer. « Ali Baba représente quatre années de ma vie. Je pense que tous ceux qui ont travaillé dessus ont un grand avenir devant eux. Dans les années qui viennent, vous allez en entendre parler. Quant à Jean-Claude, il se voit déjà tourner avec ce spectacle pendant dix ans ! ». On ne peut que souhaiter qu’un bon Génie exauce tous ces voeux !