Parlez-nous de ce nouveau spectacle ?
Il nous a été proposé, à l’occasion des 50 ans de sa disparition, de rendre un hommage musical à cet homme unique. L’œuvre musicale de Vian étant immense, nous avons donc choisi des chansons connues et d’autres que nous avons nous-mêmes découvertes pendant nos recherches. Le travail a été ensuite, pour Yves et Jean-Pierre, de faire des arrangements musicaux pour cette formule musicale toute particulière : voix-contrebasse-saxophones. A nous trois, nous essayons de transmettre une petite partie de l’univers musical du grand Boris, en nous appliquant à donner un sens à chacune de nos interventions.
Vous avez déjà abordé le répertoire de Boris Vian avec le spectacle de Laurent Pelly, quels souvenirs en gardez-vous ?
C’est grâce à Laurent Pelly et au remarquable travail de toute son équipe que j’ai pu apprécier à sa juste valeur l’œuvre de Boris Vian. Sur scène, nous avons flirté avec la cruauté, la folie, la sensualité, l’absurde. Nous étions dix comédiens-chanteurs, venus d’univers très différents (excepté mes trois camarades de Souingue…), accompagnés par onze musiciens. J’en garde le souvenir d’une grande puissance théâtrale et musicale. Mais aussi le souvenir d’avoir souffert de devoir quitter ce répertoire avec lequel je me sentais en parfaite harmonie. Alors aujourd’hui, quel cadeau ce rendez-vous !
Comment définiriez-vous l’univers de Boris Vian ? Qu’est-ce qui vous plaît le plus ?
J’ai été très marquée par l’univers de Vian à l’époque du spectacle de Laurent Pelly. J’avais tout juste le même âge qu’il avait lorsqu’il est décédé (trente-neuf ans), et son œuvre était tellement immense ! Je venais de vivre un drame familial et ses cris, son insolence, ses provocations, ses révoltes, faisaient écho à l’état d’esprit dans lequel je me trouvais et dans lequel je me trouve encore souvent face à la folie humaine. Mais heureusement, ce n’est pas que ça ! L’humour, la poésie, la joyeuseté font aussi partie de son univers. Ses chansons sont de véritables scénarios. C’est probablement pour cela qu’il m’a semblé plus intéressant de mettre nos énergies dans une interprétation personnelle pour chaque chanson, plutôt que nous engager sur un mode trop théâtralisé. Le contenu de ses chansons se suffisent à elles-mêmes et racontent le regard de Vian sur le monde, la vie, l’amour. Je suis virulente chaque fois que j’interprète « Le déserteur », émue quand je chante « La rue Watt », disjonctée avec « Vous mariez pas les filles », euphorique avec « La java des bombes »… et grâce à la complicité d’Yves et de Jean-Pierre, nous prenons un vif plaisir avec les citations et quelques proverbes pataphysiques du grand Boris.
A vos yeux, comment évolue la comédie musicale en France ?
J’ai tendance à être frileuse devant les spectacles qui se prétendent « musicaux » mais où les musiciens sont absents, et où l’écriture révèle parfois un manque total d’imagination. Ma curiosité m’entraîne donc vers des œuvres devenues aujourd’hui plus audacieuses où le chanteur à une véritable matière musicale et théâtrale à défendre. Et il y en a de remarquables, intelligemment mises en scène et en musique. Il y a aussi de plus en plus de magnifiques jeunes comédiens-chanteurs-danseurs qui arrivent à trouver leurs véritables personnalités malgré la pression de certaines productions qui ne recherchent que des voix bien « calibrées » et surtout pas originales. Je pense donc qu’il faut être vigilant, mais heureusement il y a des metteurs en scène et des producteurs prêts à mouiller leur chemises pour offrir au public autre chose que des spectacles incolores et sans saveur, et des artistes, et des musiciens, prêts à défendre ce que la « comédie musicale » représente réellement.