Par la suite, j’ai joué dans Le sire de Vergy, ce qui m’a permis de rencontrer Jean-Paul Farré. Je connaissais l’acteur, je le trouvais dingue, un clown fantastique. Une belle rencontre avec quelqu’un de différent, la découverte d’un autre univers. J’ai beaucoup aimé travailler sur ce spectacle, une aventure aussi gratifiante artistiquement qu’humainement. Ensuite j’ai repris C’est pas la vie qu’avait monté Laurent Pelly en Avignon. Là, c’est le plaisir de retrouver Florence Pelly, Gilles Vajou et Jacques Verzier. On a besoin de se voir, de se parler. Nous fêtons nos dix ans de Souingue l’année prochaine et l’envie de refaire un spectacle nous taraude ! Ce pourrait être l’occasion, non ? L’envie de retravailler ensemble est toujours aussi forte, ainsi que de retravailler avec Laurent.
Je pensais l’autre jour que, au long de ces 25 ans de carrière, trois rencontres de metteurs en scène furent déterminantes : Alain Marcel, Laurent Pelly et Alain Sachs. Chacun d’eux possède un univers spécifique, une personnalité différente et une approche du musical originale. Je suis riche de tout cela. Ensuite je suis partie au Mans, j’avais besoin de faire un petit break, sans pour autant m’arrêter complètement. Une autre qualité de vie m’attirait ainsi que de nouvelles expériences. J’ai commencé à donner des cours de comédie musicale à des adolescents et à des adultes. L’inverse du décor, en l’occurrence la transmission d’un savoir, d’un vécu, m’a profondément plu. S’apercevoir que mon expérience accumulée puisse servir aux autres fut assez magique. Dans le même temps, tous ces élèves, et peut-être davantage les jeunes adolescentes, m’ont renvoyé des choses fortes, ce fut un véritable échange. Je vais donc continuer, je les ai mis en scène dans une comédie musicale et nous allons recommencer prochainement.
En somme, une année très agréable s’est écoulée, très nouvelle et enrichissante. Et puis Jean-Paul m’a contactée pour Secret défense. L’envie de travailler avec lui et de retrouver Florence Pelly m’excitait beaucoup, même si je me demandais si je pouvais être crédible en Jeanne d’Arc ! Disons qu’ici il s’agit davantage d’incarner le mythe que la jeune femme. Par ailleurs, j’ai la chance vocalement de toujours avoir mes aigus, même si, avec l’âge, les muscles de la voix fatiguent un peu. Je peux donc profiter de ma souplesse vocale et Thierry Boulanger, le compositeur, me connaît parfaitement bien. Il a écrit sa musique aux petits oignons ! Autant dire que je suis ravie : ce projet tombait au bon moment. Rejouer dans une salle à taille humaine, avec une équipe sympathique et talentueuse : que demander de plus ?
Vous travaillez avec de nouveaux metteurs en scène ?
Cette rencontre avec Jean-Marie Lecoq et Anne-Marie Gros, les metteurs en scène du spectacle, m’intéressait beaucoup, j’avais depuis longtemps envie de travailler avec eux. La personnalité de Jean-Marie, que ce soit comme comédien ou metteur en scène, me plaisait beaucoup. Tous les ingrédients étaient réunis pour que tout soit parfait ! Et je ne parle même pas du livret : faire se rencontrer trois mythes est une idée géniale ! Napoléon, Charles de Gaulle et Jeanne d’Arc convoqués par une juge, voilà un point de départ inédit !
Que pouvez-vous nous dire sur le contenu du spectacle ?
Je ne peux pas dire grand chose, j’ai des consignes strictes ! Les personnages doivent s’expliquer sur leurs agissements, le titre principal « cabaret impertinent » colle parfaitement au propos. Jean-Paul et son co-auteur Christian Giudicelli possèdent une culture historique très pointue : tous les faits relatés dans la pièce sont véridiques. A partir de là, ils se sont amusés, ce qui risque peut-être de choquer des oreilles d’historiens purs et durs. Mais ça fait du bien de bousculer les mythes ! Surtout lorsque c’est fait comme ici avec beaucoup de drôlerie et d’intelligence. Nous sommes là pour nous cultiver et nous amuser : la musique, l’élégance de l’écrit nous propulsent directement dans l’univers d’un cabaret impertinent.
Secret défense est donc chanté du début à la fin ?
Oui, et les musiciens sont également mis à contribution. Jean-Paul les a appelés les lutrins, ils se mettent parfois à chanter, comme un choeur, un regard extérieur. Thierry a ce talent de faire passer le parlé-chanté de façon très souple et cette faculté d’avoir des thèmes qui reviennent arrangés différemment, avec des repères qui permettent de s’y retrouver musicalement. Jean-Paul et Thierry ont beaucoup travaillé ensemble pour que tout soit d’une fluidité parfaite.
Comment les choses se sont-elles mises en place ?
Le premier travail s’est effectué avec Anne-Marie Gros, il concernait la mise en scène et la chorégraphie. J’aime beaucoup la manière dont elle nous fait bouger. Ses chorégraphies sont inattendues : je n’ai jamais fait certains pas et pourtant, j’en ai dansé durant ma carrière ! C’est une approche très subtile. Tout doit passer tranquillement, même si on bouge continuellement. Le travail est vraiment réfléchi. Jean-Marie était en répétitions pour le spectacle de Feydeau dans lequel il joue. Il n’est donc arrivé que plus tard. Le regard du couple se complète. On s’oriente vers un aspect festif, coloré qui évoque un peu le cirque. Il fait de ces trois personnages des héros de BD. L’affiche, à ce titre, est très parlante puisqu’elle nous présente comme des statuettes qui évoquent celles que l’on pouvait manipuler, enfants. Il y a quelque chose du jeu dans son regard. Je suis nourrie de toutes ces aventures, je suis dans un perpétuel apprentissage et j’adore ça.
Par ailleurs, les idées restent ouvertes : si la mise en scène est très pensée, les comédiens peuvent s’exprimer. Le travail circule, je suis d’ores et déjà comblée. Et je suis ravie de travailler avec Patrick Zard’, il rêvait de faire de la comédie musicale, c’est sa première grande aventure. C’est un bonheur de le regarder s’épanouir, et nous le rassurons sur ses angoisses : il se débrouille impeccablement.
Cette aventure ressemble à un coup de foudre !
Oui ! Et les répétitions représentent presque plus de bonheur que les représentations. Quand le public nous porte, c’est un sentiment extraordinaire, de récompense, mais là, travailler ensemble, chercher, nous amuser, c’est un régal. J’arrive tous les matins pleine d’énergie. A tel point que j’aimerais bien que l’oeuvre se rallonge pour que nous ayons encore plus de temps de répétition ! D’autant que depuis le début nous répétons dans le théâtre, ce qui est un luxe. Mireille nous disait : « dans un théâtre, on est comme des poissons dans l’eau, c’est notre univers naturel ». Le théâtre Daniel Sorano est mon bocal, je me plonge donc avec délice dans mon eau tous les matins ! Retrouver une scène à échelle humaine et un spectacle de qualité, voilà un beau cadeau pour mon anniversaire prochain ! D’ailleurs j’ai eu des anniversaires de spectacle épatants : j’ai fêté mes 20 ans durant les répétitions des Misérables… Mon seul souci c’est que, étant Jeanne d’Arc, j’ai peur du feu, donc pour les bougies, c’est compliqué !