
Dès l’âge de 6 ans, j’ai fait partie d’une petite troupe et j’ai appris la musique et la danse classique mais, à l’origine, je voulais devenir secrétaire médicale ! Dès mon premier spectacle au Mans, ma ville natale, je me suis sentie « chez moi » : le public ne m’effrayait pas plus que ça, j’étais heureuse de pouvoir m’exprimer. Sur scène j’ai tout de suite eu l’impression de vivre. A 18 ans, il était clair que ma « voie » était toute tracée (rires). Et puis, mes parents m’ont toujours fait confiance, soutenue et ça c’est un cadeau inestimable. Avec le recul, je trouve que c’était fou pour eux de parier sur moi, d’avoir cette certitude. Avoir un équilibre familial aide énormément dans ce métier qui est fait de doutes, de montagnes russes. Au début je rentrais au Mans chaque fin de semaine, c’était très important pour moi. J’ai conservé très fortement ce besoin de racines, d’attaches.
Acte 1 tableau 1 : exposition des personnages
Le détonateur et le phare lorsque je suis arrivée à Paris, ce fut Mireille. Elle m’a accueillie dans son Petit Conservatoire. Par la suite, ma relation avec elle s’est transformée en amitié. Dès que j’avais un doute, je l’appelais. On discutait des heures, nous n’étions pas toujours d’accord, mais son expérience, son vécu, ses lumières m’ont été plus que bénéfiques. Du reste, nos discussions dépassaient largement le cadre de la musique, nous parlions de tout. Avoir l’opinion de cette femme originale, qui a eu mille et une expériences dans le show business, quel privilège ! Nous sommes restées en contact jusqu’à son décès. Aujourd’hui, avant de répondre à une proposition, je me demande toujours quels conseils elle me donnerait. Elle me manque… Six mois après mon entrée au Petit Conservatoire, elle m’a fait chanter un extrait de West Side Story dans une émission de télévision qui lui était consacrée. Ce fut une chance considérable puisque Michel Legrand m’a vu, m’a auditionné puis m’a confié le rôle de Madeleine pour la version scénique des Parapluies de Cherbourg. Ensuite Claude-Michel Schönberg est venu au petit conservatoire et m’a choisi pour être Cosette dans Les misérables… Tout est allé très vite !
Grande scène de l’acte 1
Les parapluies de Cherboug ont donc été ma première comédie musicale sur scène à Paris. Je garde en moi la couleur générale de toute cette période, des répétitions aux représentations… Je n’avais que 19 ans, j’étais très protégée. Raymond Jérôme, le metteur en scène des Parapluies n’était pas du tout un homme stressé. Très philosophe, il savait composer avec la personnalité de chacun. Quand j’ai su ensuite que j’allais travailler avec Robert Hossein, on m’a dit : ‘Tu vas voir, ça ne va pas être du tout la même chose’. C’était effectivement très différent mais très intéressant. Cette protection je l’ai retrouvée intacte lors de ma deuxième expérience avec Jacques Demy, pour son film Une chambre en ville. Cela venait beaucoup de lui : c’était un homme tellement doux, humain. Il instaurait un climat de tendresse, ce qui est très rare. Une telle ambiance déteint sur les acteurs qui se trouvent en confiance et n’ont pas besoin de montrer la moindre agressivité. J’aurais adoré retravailler avec lui. Cet homme avait en lui les couleurs du bonheur.
Finaletto de l’acte 1
Je n’ai travaillé qu’une fois à l’étranger, à Londres, pour le spectacle Ziegfeld. Une très belle expérience. La manière de travailler des Anglais est très différente, très stricte mais en même temps impressionnante. Je me souviens, en répétition, ils ont désiré, du jour au lendemain, ajouter un numéro de claquettes. En deux jours, tout était en place (nous étions tout de même une vingtaine à danser!). En revanche, en France, j’ai le sentiment d’un échange plus grand entre le comédien et le metteur en scène. En Angleterre, tout est plus compartimenté.
Acte 2 Scène 1
Parmi tous les rôles que j’ai joué, c’est Alain Marcel qui m’a confié les plus beaux, à commencer par Audrey dans La petite boutique des horreurs que je suis prête à rejouer demain ! Son adaptation était formidable, j’aime beaucoup travailler avec lui, c’est toujours plein de sensualité. Son travail est très à part. Le contact est passé immédiatement entre nous. Avec moi il a une relation délicate, ce qui n’est pas le cas avec tout le monde. Avec La petite boutique je me suis ‘éclatée’ ! Audrey est un personnage rêvé : léger, drôle, sensuel mais aussi très sensible. En résumé : tout ce que j’adore interpréter ! M’amuser sur scène m’est indispensable, mais j’aime tout autant avoir mon petit moment de tendresse, de sensibilité, chose que Laurent Pelly m’a offert dans Et Vian ! En avant la zique ! avec la chanson « Terre-Lune ».
Grande scène de l’Acte 2
Laurent Pelly : voilà encore une rencontre très importante. Il a une approche très particulière du théâtre musical, très novatrice à mon sens. Il est difficile d’analyser la façon de travailler d’un metteur en scène lorsque l’on est encore dans le spectacle. Pour Vian, je m’en rendrai vraiment compte à la fin des représentations. Je sais déjà le talent incroyable de ce jeune homme. Souingue était un spectacle riche : avec rien (quatre chaises et quatre verres de vin), il a réussi à faire vivre quatre personnages par le choix des chansons et une mise en scène inspirée. Je ne suis pas sûre en revanche qu’il ait envie de monter une comédie musicale dans le sens classique du terme, il faudra lui demander !
Grand final
Aujourd’hui, je ressens le besoin d’avoir un personnage bien défini à interpréter. J’aimerais bien refaire une vraie comédie musicale. Si j’avais un souhait à formuler, j’adorerais interpréter le personnage-titre de Victor/Victoria. A partir du 20 octobre, je serai au cabaret le Don Camillo avec un tout nouveau partenaire qui n’est autre que mon frère ! Nous préparons un tour de chant de 25 minutes composé de chansons et duos de comédies musicales. Après ? Je ne sais pas. Depuis quelques années, je ne suis plus angoissée de ne pas savoir ce que je ferai dans un proche avenir : les choses viennent souvent d’elle-mêmes, inutile donc de paniquer. Je reste ouverte à des tas de nouvelles aventures et refuse les a‑priori. Ce dont j’ai besoin, c’est de chanter ! J’ai déjà eu des rôles extrêmement beaux, entre Les parapluies, Les misérables, La petite boutique, Peter Pan, Kiss Me Kate,… J’ai appris depuis quelques années à considérer les choses avec simplicité, rester humble pour chaque projet. Faire ce métier reste un privilège : on n’a pas le droit de se prendre la tête.
Déjà, Fabienne doit filer pour se préparer à entrer en scène. Que ce soit sur des grandes scènes ou dans des lieux plus intimes, ou même « au coeur du vert », sa voix cristalline n’a pas fini de nous enchanter.
Rappel
Tout va bien, la vie est belle car je chante! J’aime les choses fraîches, drôles et légères pour assouvir mon vice favori : rêver!