Encore un tour de pédalos (Critique)

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écrit, mis en musique et mis en scène par Alain Mar­cel col­lab­o­ra­tion artis­tique Gré­go­ry Antoine
avec Yoni Amar, Philippe d’Av­il­la, Steeve Brudey, Djamel Mehnane

Arrange­ments et piano Stan Cramer lumières Pierre Peyronnet
cos­tumes Jef Castaing
choré­gra­phie Mary-Lau­re Philippon
son Hervé Lombard

L’archétype du gay peut aller se rha­biller. Numéros trashs, chan­sons douces ou dures, Alain Mar­cel, trente ans après Essayez donc nos péda­los, créé en 1979, revient tir­er à vue sur les nou­veaux moral­isa­teurs, les amal­games hon­teux et l’homophobie latente. Objet provo­ca­teur, inso­lent et salu­bre, Encore un tour de péda­los tra­vaille au corps le retour en force de l’hypocrisie sournoise et de la bonne marche à suiv­re. Vul­gaire et raf­finé, sen­si­ble et explosif, hargneux et cares­sant ; mon­strueuse­ment gay.

Notre avis : Couron­né, à juste titre, d’un Molière pour L’opéra de Sarah, Alain Mar­cel revient non pas avec la sec­onde, et très atten­due, par­tie de ce spec­ta­cle,  mais néan­moins avec une suite : celle qu’il donne à un spec­ta­cle créé en 1979 : Essayez donc nos péda­los. Créée par l’au­teur, Alain Dus­sarat et Jean-Paul Muel, cette oeu­vre a mar­qué en son temps la cul­ture gay. Rap­pelons que l’ho­mo­sex­u­al­ité était encore con­sid­érée comme une mal­adie. Autant dire que ce spec­ta­cle avait sans nul doute un rôle salu­taire par son mil­i­tan­tisme, son irrévérence et son humour. Sans se tromper on peut dire que ces péda­los, à l’in­star de mou­ve­ments améri­cains et français ont par­ticipé à leur niveau pour que l’ho­mo­sex­u­al­ité, y com­pris dans le monde artis­tique, sorte du cliché, de l’im­age d’Epinal et de la car­i­ca­ture plus ou moins homo­phobe. Un com­bat néces­saire. En 2010 les choses ont fort heureuse­ment changé et si la lutte pour le droit à la dif­férence et l’in­dif­férence est tou­jours d’ac­tu­al­ité, les moyens pour y par­venir se sont large­ment diver­si­fiés. Dans ces nou­veaux péda­los, Alain Mar­cel sem­ble pour­suiv­re dans la lignée du pre­mier spec­ta­cle : en forçant le trait (à com­mencer par le choix du sous-titre du spec­ta­cle : « Je hais les gais », qui donne son titre à la pre­mière — longue — chan­son). Présen­té plus sous une forme de con­cert que de cabaret, le spec­ta­cle égrène, par la voix de qua­tre fig­ures emblé­ma­tiques du gay d’au­jour­d’hui (le Français de souche, le Juif, le Beur, le Black) des chan­sons comme autant de scènettes. On y plac­arde ces gais dans leurs pires tra­vers, ceux où ils se sont eux-mêmes enfer­més, on par­le aus­si, et c’est un aspect posi­tif, de drames, comme par exem­ple des pays où l’on meurt encore pour crime d’homosexualité.

Les chan­sons s’en­chainent donc avec plus ou moins de bon­heur. En effet la provo­ca­tion revendiquée finit par lass­er, surtout lorsqu’elle est servie par des jeux de mots peu inspirés (« Je suis Dieu : I’m gode ». Well, well, well…). Il manque assuré­ment à cette entre­prise de la douceur, de la ten­dresse et le recul qui per­me­t­trait de par­ler au plus grand nom­bre. Si cer­tains airs touchent, comme « Souris de pen­derie », « Iles et ailes », « Entre amis et amants », l’u­til­i­sa­tion à des­sein de ter­mes crus dans nom­bre de textes ennuie plus qu’il ne choque. La reven­di­ca­tion a tou­jours un intérêt, mais quand elle mar­que par sa naïveté, elle risque fort de man­quer son but.