De et avec Ophélie Gaillard (violoncelle) & Ibrahim Sissoko (danseur)
Chorégraphie Mise en scène : Ibrahim Sissoko
Arrangements musicaux: Ophélie Gaillard et Ibrahim Sissoko
Création lumières: Jean-Marc François et Idalio Guerreiro
Costumes: Irène Bernaud
Conception multimédia: Julien Tarride et IAPS
Direction des interprètes : Charles Gonzalès
En filigrane… un pas de deux… entre la musique et son corps, la posture et sa dégaine, le rire et son pleur, le salon et sa rue. Et c’est alors que l’instrument se met à danser à force de voir son corps jouer. Une noce spirituelle entre le classique et le Hip-Hop.
Chacun y trouve son autre dans un désert verdoyant à force de coups d’archet et de transes. Les notes pleuvent et les vagues rugissent.
Ici, la légende raconte que de la voix du violoncelle naît une berceuse andalouse, et cette musique suspendue dans l’air accueille dans sa demeure le corps si attendu du danseur. Autour d’un brasero fragile jaillissent des flammes d’humour et de poésie, de farce et de drame. Jusqu’à faire apparaître par un drôle de sortilège enfantin le spectre de Maurice Bacquet sur la toile filante dressée comme un filtre d’amour.
Des vêtements tombent des cintres comme pour endosser une vie meilleure et enfin, de chuchotements en déchirements, de solitudes en plénitudes, de cris silencieux en murmures sonores au creux d’un micro envoyé par un ange annonciateur, la magie opère jusqu’à la frénésie d’un air de Gaspar Cassado, fulgurant et sauvage, indomptable et tolérant où chacun affirme sa différence dans l’amour de l’autre pour donner naissance à une convivance!
Un théâtre de métamorphoses pour tous ceux, enfants et adultes qui ont des yeux qui écoutent !
Ophélie Gaillard et Ibrahim Sissoko, deux grands interprètes qui En filigrane font se conjuguer deux arts pour n’en faire qu’un et indivisible, celui de l’émerveillement.
Notre avis :
Au-delà de la performance physique d’un danseur qui ondule en tous sens et de la virtuosité bluffante d’une violoncelliste qui joue de son instrument dans à peu près toutes les positions possibles, on est avant tout intrigué par la cohabitation inattendue entre deux êtres issus d’univers radicalement différents : la musique classique et le hip-hop. Car c’est là que prend sens toute une trame qui parle de rencontre entre deux cultures, de découverte de l’autre, d’écoute et de regard mutuels, de respect, d’influence réciproque, d’un bout de chemin partagé avec ce que cela comporte de sensualité, de connivence, d’incompréhension, de confrontation, de transformation… Autant d’éclats de vie qu’on voit se dérouler – en filigrane – au rythme d’une mise en scène qui joue notamment des physiques contrastés des protagonistes, de projections vidéo étonnantes, drôles et poétiques et du violoncelle anthropomorphe dont le son rappelle la voix humaine, du cri au chant profond et mélodieux. Après une première partie foisonnant d’effets visuels réussis, on aurait cependant aimé une mise en scène plus renouvelée pour accompagner crescendo l’ascension au final (une Danza de Gaspar Cassado ébouriffante de sauvagerie musicale !) qui, par ailleurs, nous a semblé arriver un peu tôt (une toute petite heure de spectacle seulement).
La beauté du spectacle repose sur des artistes d’excellence : Ophélie Gaillard, révélation soliste instrumentale aux Victoires de la Musique classique en 2003, petit format au regard naïf et espiègle, fragile en apparence mais capable de se métamorphoser en femme déchaînée ; et Ibrahim Sissoko, directeur artistique de la compagnie EthaDam, carrure musclée et énergique du mâle également capable de grâce et d’attendrissement. Et la musique s’impose comme une évidence universelle : des percussions urbaines avec ses mélopées entêtantes au répertoire attendu pour le violoncelle, des suites de Bach au Cant dels Ocells – cheval de bataille de Pau Casals.
Après Les Saisons, le théâtre Le Ranelagh met donc à nouveau à l’affiche un spectacle atypique et haut de gamme qui nous rappelle que non seulement les différences n’empêchent pas de vivre ensemble, mais que leur complémentarité participe fondamentalement à l’épanouissement des consciences. Et ce n’est pas pour nous déplaire !