Accueil Talent à suivre Emmanuelle Rivière — Tout feu tout flamme

Emmanuelle Rivière — Tout feu tout flamme

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Emmanuelle Rivière dans Patty Diphusa ©DR
Emmanuelle Riv­ière dans Pat­ty Diphusa ©DR

Emmanuelle Riv­ière, com­ment vous est venue l’en­vie d’être comédienne ? 
J’ai tou­jours voulu faire ça et je n’ar­rive pas à me sou­venir d’un fait pré­cis qui ait déclenché cette envie. Ma mère me dit que j’ai tou­jours été en représen­ta­tion, je fai­sais des spec­ta­cles pour les voisins ou la famille ! A l’é­cole, quand je rem­plis­sais les fich­es de ren­seigne­ments, je déclarais tou­jours que je voulais être « actrice » ou « chanteuse ».
Para­doxale­ment, j’ai com­mencé ma for­ma­tion assez tar­di­ve­ment. Pour ras­sur­er mes par­ents, j’ai suivi un cur­sus « nor­mal » : un BTS de secré­tari­at com­mer­cial bilingue ! J’ai quand même suivi des ate­liers et un DEUG de théâtre, mais je ne voulais pas faire une école de théâtre du type Con­ser­va­toire ou Théâtre Nation­al de Stras­bourg. Je me dis­ais que ça ne ser­vait à rien, que c’é­tait réservé à une élite. En fait, j’avais surtout peur de l’échec. Puis, j’ai fait un stage avec Pierre-Olivi­er Scot­to [NDLR : auteur, comé­di­en et met­teur en scène] et il m’a don­né un grand coup de pied au cul. Il m’a fait décou­vrir les clas­siques que je ne con­nais­sais qu’en théorie mais pas en pra­tique. J’ai réal­isé que j’avais une soif d’ap­pren­dre tout ça. C’est donc à 25 ans, j’ai inté­gré le Stu­dio théâtre d’As­nières pour une for­ma­tion de deux ans qui com­pre­nait aus­si bien le chant, la comédie que l’e­scrime. J’é­tais la plus vieille de l’é­cole ! C’est là que j’ai ren­con­tré des gens comme Rachi­da Brakni, Sinan Bertrand, Mar­i­anne Viguès ou encore Arié Elmaleh. Au même moment, j’ai com­mencé à tra­vailler. J’ai tourné pour le ciné­ma et la télévi­sion. Je me suis vite ren­due compte que j’é­tais « atyp­ique », je ne ren­trais pas dans un moule. On me remar­quait tou­jours mais au final, on me dis­ait que j’é­tais trop typée, que j’avais trop de tem­péra­ment, j’é­tais tou­jours « trop » ou « pas assez » quelque chose, pas assez arabe ou pas assez française, par exem­ple. Pour un cast­ing de Sous le soleil, on m’a même dit que j’avais « trop de couilles » !

Alfre­do Arias a été un des pre­miers à vous offrir votre chance avec Peines de coeur d’une chat­te française.
Je le remercierai toute ma vie. Il engage juste­ment des gens qui ont « trop » de quelque chose. J’avais enten­du par­ler de cette audi­tion d’Arias et j’ai plaqué un boulot de stan­dard­iste pour ça. Il recher­chait des artistes bilingues en ital­ien, ce que je ne suis pas mais j’ai bossé comme une chi­enne. Hon­nête­ment, je n’é­tais sans doute pas au som­met vocale­ment et il y avait cent mil­liards de per­son­nes mieux que moi à ce niveau-là, mais j’avais la niaque et Arias a voulu réu­nir des gens qui ont une forte per­son­nal­ité. J’é­tais le bébé chanteur au milieu de chanteurs con­fir­més comme Lau­rent Ban ou Var­toch et j’ai beau­coup appris avec eux. Vocale­ment, j’ai pris de l’as­sur­ance et en sor­tant de ces 192 dates de spec­ta­cle, j’ai pu enfin me dire : je suis chanteuse.
Arias a ce tal­ent de pren­dre les artistes avec ce qu’ils ont en eux et de l’u­tilis­er. Il peut être dur et car­ac­tériel dans le tra­vail mais il ne laisse rien au hasard, c’est un per­fec­tion­niste. Il te donne un cadre, il faut le respecter, et une fois que tu as com­pris ça, tu trou­ves ta lib­erté, mais à l’in­térieur de ce cadre. Avec lui, j’ai appris la rigueur et l’ex­ac­ti­tude. Depuis, je prends tou­jours des notes en répéti­tions, quel que soit le spec­ta­cle. C’est très sco­laire mais j’aime cette rigueur.

Com­ment est né le pro­jet Pat­ty Diphusa ?
J’ai décou­vert Pat­ty Diphusa au Fes­ti­val d’Av­i­gnon en 1995. Etant folle d’Almod­ovar, j’ai fon­cé pour décou­vrir ce per­son­nage que je ne con­nais­sais pas. Et c’est resté dans un coin de ma tête. Puis, en 2001, après la tournée du spec­ta­cle d’Al­fre­do Arias, je me suis retrou­vée sans tra­vail, mais j’avais la foi, j’é­tais pleine d’én­ergie. On m’a par­lé d’une audi­tion pour une pièce de Jean-Michel Ribes pour laque­lle il fal­lait choisir un texte léger. J’ai donc tra­vail­lé un extrait de Pat­ty Diphusa… pour ne finale­ment jamais être con­vo­quée ! Mais je me sou­viens par­faite­ment de ce jour dans le métro, où je plan­chais sur mon mono­logue, et où je me suis dit : je vais le mon­ter. Le pro­jet a mis du temps à se con­cré­tis­er. Ila fal­lu qu’il mûrisse et qu’il se fasse avec les bonnes per­son­nes. C’est en croisant par hasard Séver­ine Lath­uil­lère [NDLR : met­teur en scène du spec­ta­cle] que j’avais con­nue lors de mon stage avec Scot­to, que les choses sont dev­enues évi­dentes. Nous avons tra­vail­lé en binôme et avons adap­té le texte ensem­ble. Nous avons con­nu beau­coup de déboires avant de con­cré­tis­er ce pro­jet mais aujour­d’hui, il ressem­ble à ce qu’on voulait. C’est l’en­seigne­ment que j’en tire.

Vous trou­vez-vous des points com­muns avec Patty ?
Au début, je me suis déjà demandée si je pou­vais la jouer car elle est très loin de moi. Mais plus le temps passe, plus je lui injecte des choses per­son­nelles. Pat­ty est une femme pleine de con­tra­dic­tions. Elle est à la fois ten­dre et grotesque, femme fatale et enfant, inac­ces­si­ble et à la portée de tous. Je me retrou­ve dans ces con­tra­dic­tions. Par exem­ple, j’ai l’air dure et sûre de moi, mais je suis d’une grande naïveté. Et Pat­ty a cette can­deur-là. En revanche, je ne me retrou­ve pas dans cette sex­u­al­ité qu’elle a pour fuir sa grande soli­tude, même si j’ai déjà ressen­ti ce genre de soli­tude. Enfin, Pat­ty est égo­cen­trique et il faut bien admet­tre que nous, les acteurs, avons besoin de recon­nais­sance et que cela fait du bien à notre ego !

Quels sont vos pro­jets pour le futur ?
Je viens d’ac­couch­er de mon plus gros bébé : Pat­ty Diphusa. Mais j’ai aus­si plein d’autres pro­jets. J’ai décidé d’ar­rêter de souf­frir à atten­dre que mon télé­phone sonne et main­tenant, je fais les choses moi-même et je crée mon pro­pre moule ! Je suis en train d’écrire une pièce sur mesure, ain­si qu’une bible pour un soap. J’ai aus­si un groupe de pop rock elec­tro qui s’ap­pelle Betis et on fig­nole une maque­tte. Mais en atten­dant, j’e­spère que Pat­ty va marcher, en vue de le repren­dre éventuelle­ment ailleurs. Et j’aimerais que Almod­ovar vienne me voir !