Comment vous est venue l’idée de Lucienne et les garçons ?
En fait, au gré de mes écoutes et découvertes diverses, j’ai pu entendre quelques chansons d’Arletty dont je ne connaissais que très vaguement le personnage. Cela m’a intrigué et j’ai voulu en savoir plus et j’ai découvert des merveilles comme Jean Sablon, Mireille, Ray Ventura et ses collégiens. J’ai su immédiatement qu’il y avait là matière à faire quelque chose, sans être nostalgique, avec le souci permanent d’être dans une énergie moderne et actuelle. Ces chansons des années 20, 30 et 40 parlent de
l’amour et de la vie avec un regard tellement simple et cocasse, il n’y avait plus qu’à créer les personnages qui allaient les servir. La rencontre de nos trois personnalités, l’envie et le travail ont fait le reste.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce répertoire ?
Je le trouve infiniment drôle et touchant. Il parle de choses simples, avec souvent un regard coquin sur les situations. Nombre de ces chansons sont extraites d’opérettes de l’époque, plus ou moins connues. Il s’agit souvent de chansons « de situation ». Une aubaine pour nous qui ne voulions surtout pas faire un tour de chant mais un vrai spectacle de music hall, défendu par nos personnages. Souvent d’ailleurs, des gens mal informés nous demandent si nous avons écrit nous-même nos chansons. Je suis très heureux que les gens puissent le penser car cela prouve que nous avons travaillé dans le bon sens. Rendre hommage à ces chansons et aux grands artistes des années folles, sans aucun passéïsme mais avec le regard des trois jeunes comédiens que nous sommes (enfin… bientôt 40 pour moi, mais cela doit rester confidentiel…).
Vous êtes-vous même compositeur. Qu’est-ce que ça vous apporte de travailler sur un spectacle de reprises ?
J’ai toujours essayé dans mon parcours de faire des choses très différentes : enseignant, pianiste, compositeur, parfois metteur en scène pour des spectacles jeune-public… Toutes ces activités ont malgré tout un dénominateur commun : la musique et le spectacle. Travailler sur un spectacle de reprises est pour moi un moyen comme un autre d’essayer de transmettre les choses que j’aime. Par ailleurs, le répertoire de Lucienne et les Garçons est livré avec bon nombre d’adaptations, de détournements musicaux, d’arrangements et d’aménagements personnels. Lorsque parfois, je ré-entends la version originale d’une chanson, il m’arrive de dire: « Ah oui, j’avais oublié que nous avions tant aménagé les choses… » ou bien « Tiens, cette modulation n’existait pas à l’origine ? » etc. La partie créative dans notre répertoire est belle et bien présente et à aucun moment je ne me considère que comme l’accompagnateur de mes deux acolytes. J’ai fait toutes les transcriptions d’oreille, recréant une partition et m’empêchant par ce biais de n’être que dans la copie.
Vous êtes parti en Avignon cet été. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Avec beaucoup de joie. Les conditions sont toujours difficiles en Avignon (chaleur, tractage etc.) mais j’avoue au fond de moi, aimer les conditions extrêmes : elles sont formatrices et nourrissantes, elle m’aident à me trouver. Le spectacle a reçu, de plus, un excellent accueil.
Vous êtes à la fois pianiste interprète et compositeur. Quelle est votre formation ?
J’ai une formation de pianiste « classique », ayant bifurqué vers l’enseignement, avant d’avoir exploré la composition et goûté franchement à la scène. J’aime varier les plaisirs. Cette semaine, j’animais un stage sur le spectacle musical dans le cadre de l’Education Nationale et me rendais au théâtre le soir. C’est merveilleux de vivre dans le mélange des genres.
Vous avez plusieurs comédies musicales à votre actif en tant que compositeur. Quelles sont celles que vous préférez en tant que spectateur ?
Les comédies musicales américaines des années 20 à 60. Les films musicaux de Busby Berkeley sont pour moi le sommum de la beauté et de la réussite dans le genre. Ils sont malheureusement introuvables en DVD. J’attends une édition avec impatience.
Lara Neumann nous a parlé de votre version des Misérables. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il s’agit d’une adaptation du roman de Victor Hugo. 35 comédiens chanteurs, 10 rôles solistes, 17 pupitres d’orchestre. Il s’agit d’une oeuvre très imposante dans sa forme. Elle symbolise pour moi la rencontre artistique avec mon ami Emmanuel Martin, jeune et grand maître de l’orchestration. Malheureusement, pour pouvoir faire vivre un tel mastodonte, il faut une production digne d’Hollywood! L’opéra de Claude-Michel Schönberg est par ailleurs une telle réussite (tellement méritée d’ailleurs !) qu’il n’est pas simple d’assurer un avenir à ce spectacle. Il a malgré tout vécu quatre années et c’était pour moi une étape qui m’a permis d’aller vers d’autres choses. Mais la partition est bel et bien là : avis aux amateurs!
Vous avez rencontré un joli succès avec Au petit bonheur la chance. Quels souvenirs gardez-vous de ce spectacle aujourd’hui ?
Un excellent souvenir. J’ai passé une année merveilleuse à suivre ce spectacle. J’allais le voir très régulièrement, toujours surpris par le talent des gens qui le défendaient. Je veux saluer, ici, mon amie Lydie Muller qui a écrit le livret de cette pièce et pour laquelle j’ai
infiniment de tendresse. Elle distille une énergie que je trouve exemplaire. Lydie, si tu veux repartir sur un projet (artistique) je suis ton homme !
Avez vous d’autres projets de compositions ?
En fait, j’écris particulièrement pour le jeune public. Enseignant moi-même, je connais bien le public collègien et je compose essentiellement des oeuvres musicales pour cette tranche d’âge. Pour eux, en tant qu’interprètes et non auditeurs, la dernière oeuvre que j’ai composée était une fresque musicale en hommage au peintre Cézanne. Il s’agissait d’une commande académique pour le centenaire de la mort du peintre. Je vais me lancer très bientôt sur un nouveau projet mais il est trop tôt pour en dévoiler la teneur…
Et en tant qu’interprète ?
Non, je ne suis interprète qu’auprès de Lucienne. Si nous écrivons un troisième spectacle, alors… peut-être…