
Après La Nuit des Rois, nous avions monté un spectacle à partir d’une nouvelle de Pablo Neruda, Splendeur et mort de Joaquin Murieta. C’était un très beau spectacle mais peut-être un peu déroutant. Nous avons eu beaucoup de mal à le diffuser, nous ne l’avons joué qu’au Festival d’Avignon et quelques dates en tournée mais pas à Paris. Je crois que nous n’avons pas trouvé notre réseau. Alors, pour les finances et le moral de la troupe, on s’est dit qu’il fallait repartir sur une comédie. Nous avons d’abord pensé écrire quelque chose mais pour s’embarquer dans une création totale il faut vraiment avoir quelqu’un qui nous soutienne et ça c’est ce que nous n’avons toujours pas. Alors nous avons pensé à Feydeau. A priori c’était un auteur que je n’appréciais pas tellement mais j’ai joué pendant un an dans le spectacle Ciel mon Feydeau !. Et là j’ai complètement découvert son comique de situation, sa mécanique. Il a une richesse de personnages et de situations incroyables. Il y a au moins un point commun entre Feydeau et la Troupe du Phénix, c’est la folie ! D’ailleurs tous les comédiens vont au bout de cette folie dans ce spectacle.
Pour la première fois, vous signez à la fois l’adaptation, la mise en scène et la scénographie. N’est-ce pas trop lourd à porter ?
Si, c’est énorme ! Ce n’est pas tant le travail que ça demande, c’est surtout nerveusement très fatigant. On a l’impression que tout repose sur nous. Et la peur que ça ne marche pas aussi. Jusqu’à maintenant j’aimais bien m’impliquer dans la mise en scène et la scénographie de nos spectacles aux côtés d’Anne Bourgeois. Je ne pouvais pas m’empêcher de donner mon avis, j’aimais ça. Du coup, pour Un et Un Feydeau !, comme Anne était sur d’autres projet, je me suis lancée.
En quoi votre adaptation diffère-t-elle de la pièce originale, L’hôtel du Libre Echange, de Feydeau ?
Par rapport à notre époque, ce qui ne m’intéressait pas dans Feydeau c’était les personnages de bonnes, de domestiques et les références un petit peu vieillottes. Je les ai supprimés. En revanche j’ai rajouté des éléments pris dans d’autres pièces de Feydeau : deux personnages de La puce à l’oreille qui vivent une situation assez semblable (retrouvailles dans un hôtel), des situations et des effets comiques de La main passe (l’agent de police qui aboie) et Le système Ribadier (l’un des personnages qui a des pouvoirs hypnotiques).
Comme dans toutes les créations du Phénix, la musique est bien présente dans Un et Un Feydeau !.
C’est très important pour nous qu’il y ait de la musique dans nos spectacles. La musique c’est une respiration, un moyen d’amener la fête. J’ai toujours aimé allier le théâtre, la musique et le chant, c’est ce que je préfère faire. J’aime beaucoup des classiques comme Chantons sous la pluie, Victor Victoria…
Il y a pourtant moins de chansons que dans vos précédentes créations.
Au début j’avais prévu plus de chansons que ça. Et au fur et à mesure du travail j’en ai enlevé certaines, raccourci d’autres, parce qu’on s’aperçoit qu’il y a un rythme, une mécanique qui s’emballe et que certaines chansons nous ralentissent. Ce n’est pas comme dans La Nuit des Rois où une chanson permettait de faire une pause, d’entrer dans les sentiments des personnages ; là ce n’est pas une pièce de sentiments, c’est du gag, des effets, du burlesque qui laisse moins de place aux chansons. Mais je vous rassure, il en reste quand même !
Comment avez-vous abordé votre travail de mise en scène ?
Au tout début, mon gros souci c’était de trouver la scénographie parce que je savais qu’elle impliquerait tous mes principes de mise en scène. Feydeau c’est tout de suite les portes qui claquent, or nous n’avions pas les moyens d’avoir un décor avec des portes qui claquent ! Alors j’ai eu l’idée de garder juste le cadre des portes et de demander aux comédiens de mimer l’ouverture et la fermeture des portes en faisant eux-mêmes les bruitages et onomatopées. A partir de cette idée de départ, tout s’est construit un peu en même temps. En travaillant sur l’adaptation, je pensais à la scénographie, aux costumes, et je commençais à construire ma mise en scène. Et puis des idées me sont venues en travaillant avec les comédiens. Nous avons beaucoup ri ! Ma grande phrase c’était « je ne sais pas ce que ça donnera mais en tout cas on se sera bien marrés ! ». La chorégraphie disco entre chaque acte a même été mise au point pendant la nuit du réveillon après quelques verres de vodka…
Vous avez du trouver quelques astuces pour reproduire sur la petite scène du Théâtre du Renard trois chambres d’hôtel avec juste quelques éléments de décor…
Nous n’avons pas de subvention depuis dix ans, c’est peut-être un bien pour qu’on puisse faire des bons spectacles. Il faut se creuser cent fois plus les méninges pour trouver des idées, des astuces, ça force la créativité !
Malgré la réputation de vos spectacles, est-ce toujours aussi difficile pour vous de présenter votre nouvelle création à Paris ?
C’est même de plus en plus difficile. Il n’y pas de lieu pour nous, pas de lieu d’accueil, on n’est pas aidé. A Paris vous avez soit les grosses productions avec des stars, soit des petites productions dans le genre café-théâtre, soit des productions subventionnées, mais il n’y a plus de place pour le théâtre de compagnie. Nous nous auto-produisons.
Déjà d’autres projets pour la Troupe du Phénix ?
Nous allons faire une tournée avec Un et Un Feydeau ! en janvier et février 2008. Pour la suite, nous n’avons pas encore vraiment d’idées. J’aimerais bien faire quelque chose dans l’univers yiddish.
Parlez-nous de l’autre spectacle dans lequel vous êtes impliquée, les Sea Girls…
Il s’agit d’un quatuor vocal féminin. Nous avons créé ce spectacle il y a dix ans mais il n’émerge que maintenant. Nous avons trouvé une production qui nous permet de jouer tous les lundis au Divan du monde. Le spectacle est composé essentiellement de chansons de Jean-Max Rivière qui a écrit pour Barbara, Bardot, Gréco dont le célèbre « Un petit poisson, un petit oiseau ». Comme c’est le papa de l’une d’entre nous, nous avons pu récupérer d’autres petits bijoux qui n’avaient pas été exploités. Nous sommes quatre comédiennes alors nous interprétons énormément les chansons comme des petites histoires mises en scène. C’est très visuel, j’ai fait toute la scénographie et les coiffes avec plumes et paillettes. Il faut venir nous voir !