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Elise Caron — La Périchole de Savary

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Elise Caron © Jacques Moatti
Elise Caron © Jacques Moatti
Quel est votre parcours ? 
Très tôt, j’ai voulu être actrice. Grâce à l’en­seigne­ment du tiers temps musi­cal, qui per­met de faire de la musique l’après-midi tout en suiv­ant une sco­lar­ité nor­male le matin, j’ai appris la flûte. En par­al­lèle, être cho­riste dans la chorale de ma mère m’a per­mis de par­courir un réper­toire assez vaste. A 15 ans, je suis entrée au Con­ser­va­toire pour tra­vailler le chant. Après mon bac je me suis for­mée à l’art dra­ma­tique, tout en con­tin­u­ant à tra­vailler la musique. Diane Kurys m’a engagée pour Cock­tail Molo­tov. Je suis entrée au Con­ser­va­toire de Paris mais n’y suis pas restée : mes absences dûes à plusieurs tour­nages m’ont con­traintes à démis­sion­ner, ce qui m’a un peu dégoûtée.
Je ne me suis pas don­né tous les moyens pour percer dans le ciné­ma, du coup j’ai de plus en plus tra­vail­lé dans la musique. Des com­pos­i­teurs ont écrit pour moi, ce fut le début de mes mul­ti­ples expéri­ences musi­cales. Entre les réc­i­tals clas­siques accom­pa­g­nés par Bruno Gillet, qui a égale­ment écrit plusieurs pièces pour moi, et des créa­tions con­tem­po­raines de Luc Fer­rar­ri ou Michel Mus­sot, Jacques Reboti­er : j’ai trainé ma voix un peu partout. J’ai fini par attérir à l’orchestre nation­al de jazz. Même si ce genre n’est pas ma cul­ture cela m’a don­né l’oc­ca­sion de le faire de l’im­pro­vi­sa­tion, j’adore ça, de manière pro­fes­sion­nelle avec des musi­ciens talentueux.
Peu à peu, je me suis égale­ment ori­en­tée vers la com­po­si­tion avec l’aide de Denis Chouil­let qui m’a accom­pa­g­née sur scène et co-écrit la musique de plusieurs chan­sons. En somme, un par­cours très éclaté et riche d’ex­péri­ences, dû à ma curiosité insatiable !

Com­ment avez-vous obtenu le rôle de Périchole ? 
Il se trou­ve que ma fille va dans la même école que la fille de Jérôme Savary et Mona Heftre, son ex-femme. Nos filles sont amies. Mona est venue voir voilà qua­tre ans au Divan du Monde dans mon tour de chant mis au point avec Denis Chouil­let : Ler­a­p­ati­role. Le spec­ta­cle lui a plu, elle a con­va­in­cu Jérôme de venir. Du coup lorsqu’il a voulu remon­ter La Péri­c­hole (une pre­mière mise en scène de cette oeu­vre a eu lieu en Alle­magne), Mona lui a repar­lé de moi, l’idée lui a plu. C’est agréable de se sen­tir désirée, surtout pour une aven­ture pareille.

Com­ment con­sid­érez-vous ce rôle ? 
C’est un rôle com­plet, tant sur le plan vocal que de comédie pure. Mon dernier con­tact avec Offen­bach remonte au con­ser­va­toire où je chan­tais le rôle de Made­moi­selle Chou­fleuri, en l’oc­curence une scène extraite de Mon­sieur Chou­fleuri pour le spec­ta­cle de fin d’an­née d’art lyrique. Ma con­nais­sance de ce réper­toire est plutôt vaporeuse… J’ai une cul­ture avec beau­coup de bran­chages mais qui n’ont pas for­cé­ment de racines ! Encore un coup de ma curiosité.

Com­ment avez-vous tra­vail­lé ce rôle ? 
Nous n’avions qu’un mois pour mon­ter le spec­ta­cle, nous avons donc tra­vail­lé très rapi­de­ment (le spec­ta­cle dure tout de même 2h45). Cela s’est fait « à la française »… Jérôme a tra­vail­lé dans le chaos, je me suis lancée en étant à l’é­coute de ses remar­ques. Grâce à lui et mal­gré lui j’ai trou­vé le rôle. Aujour­d’hui, après plus de qua­tre mois de Péri­c­hole, je n’ai plus peur de lui ! Cela me per­met de savoir qu’il m’ap­pré­cie et de pren­dre ma lib­erté, ce qui me per­met de con­cen­tr­er mon atten­tion dans le détail du per­son­nage. Tous les soirs je m’améliore. Il nous arrive encore de couper quelques bouts de phras­es ou d’en ajouter.
Le plus dur était de tra­vailler la voix par­lée et la voix chan­tée, deux choses séparées, et de les faire coller sans met­tre en péril l’or­gane. C’est une fille des rues : elle n’a pas une voix de chanteuse. Dans sa direc­tion, Jérôme le dis­ait égale­ment « prends pas ta voix de bour­geoise ! ». Pour pro­jeter ma voix, j’avais ten­dance à la ren­dre plus aigue, ça ne fonc­tion­nait pas. Je rat­trape dans les graves un côté plus… pois­son­nière. Le place­ment de la voix a été un vrai travail.

Quelles sont les dif­férences entre Chail­lot et l’Opéra Comique ? 
L’Opéra-Comique donne un sen­ti­ment d’in­tim­ité très agréable. A Chail­lot, les gens sont vite loin, la salle est immense. Je me sens aujour­d’hui plus proche des gens : je les vois et me sens vue. Cela a une influ­ence sur mon jeu, qui se rap­proche un peu de l’ex­pres­sion­nisme. Je peux plus facile­ment pouss­er l’ex­pres­sion afin qu’elle soit lis­i­ble sans être car­i­cat­u­rale. Sauf quand je fais le clown et dégringole dans la fos­se d’orchestre !

Quels sont vos projets ? 
Récem­ment, j’ai com­posé des chan­sons pour enfants. Je ne pen­sais pas une sec­onde pou­voir être capa­ble de men­er seule ce pro­jet. Je me suis épatée. La musique est assez com­plexe mais sim­ple à jouer. J’ai fait avec les moyens du bord : mes deux mains, ma tête et mon enfance. Toute­fois, je ne sais pas m’oc­cu­per de moi : faire tourn­er un spec­ta­cle, c’est toute une organ­i­sa­tion. Je sais en revanche que j’ai suff­isam­ment d’én­ergie pour la don­ner sur scène, à l’écran ou dans des com­po­si­tions musi­cales. Par de nou­velles aven­tures, j’ai envie de décou­vrir en moi des facettes insoupçonnées.
Actuelle­ment j’es­saie de revenir à mes pre­mières amours, j’ador­erais retra­vailler pour le ciné­ma. Je me sens prête. J’ai besoin de faire des choses qui me nour­ris­sent, qui me donne à manger et à boire. Sachez que j’ai faim et j’ai soif !