Ecrit par Eudes Labrusse
Mise en scène de Jérôme Imard et Eudes Labrusse
Avec Eva Castro, Jérôme Imard, Denis Jousselin, Serpentine Teyssier, Philipp Weissert et Christian Roux au piano
Lumières : Laurent Vergnaud
Réalisation scénographie : Katia et Alain Dufourcq
Musique : Christian Roux Costumes
Accessoires : Cécile Pelletier
Dès les premiers mots prononcés, vous comprenez que vous allez devoir vous accrocher, qu’un flot de paroles ininterrompu va vous tomber dessus dont vous craignez qu’il vous noie si vous relâchiez une seconde votre attention et laissiez un subtil indice vous échapper. Aucun auteur depuis Michel Butor dans La Modification ne vous avait interpelé comme cela à la deuxième personne du pluriel, vous trainant de force dans l’intrigue sans même vous demander si vous êtes prêt ou si vous n’êtes pas trop sensible. Vous devez supporter une atmosphère pesante, lestée de non-dits qui filtrent douloureusement et passer d’une introspection à une autre, changer mentalement de lieu par la magie d’une mise en scène épurée mais très astucieuse, parce qu’un projecteur s’est allumé ou qu’un personnage a fait le tour d’une table ou que le piano lâche une musique qui vous transporte. A votre grande surprise, vous tenez bon, vous écoutez passionné, voire hypnotisé, comme si les acteurs vous parlaient à vous seul. Les longues phrases paraissent infinies mais vous absorbez sans effort des structures lexicales complexes qui s’enchainent ou plutôt s’emboitent. Vous découvrez – vous le saviez mais ne l’aviez jamais expérimenté de la sorte – que l’on n’a pas toujours besoin de notes pour faire de la musique. Vous acceptez que l’auteur veuille écrire un thriller et donc joue longuement avec vous avant de cracher le morceau. Et quel morceau ! Chaque révélation vous fout une grande claque dans la tronche parce que vous êtes sensible aux troubles humains et aux drames du monde, surtout quand ils touchent l’enfance innocente. Vous avez l’impression de faire un cauchemar éveillé et ce sentiment nouveau est une formidable jouissance car les acteurs sont crédibles et la trame palpitante. A un moment, vous comprenez qu’Elias Leister va disparaitre pour la dernière fois dans un noir absolu et que les lumières vont se rallumer pour de belles salves d’applaudissements auxquelles vous participerez généreusement. Vous sortez alors de votre meilleur cauchemar et vous savez bien qu’au fond, c’est maintenant, de retour au quotidien, que vous commencerez à dormir.