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Critique : Elias Leister a disparu (Théâtre 13)

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elias-leister-a-disparuEcrit par Eudes Labrusse
Mise en scène de Jérôme Imard et Eudes Labrusse
Avec Eva Cas­tro, Jérôme Imard, Denis Jous­selin, Ser­pen­tine Teyssier, Philipp Weis­sert et Chris­t­ian Roux au piano
Lumières : Lau­rent Vergnaud
Réal­i­sa­tion scéno­gra­phie : Katia et Alain Dufourcq
Musique : Chris­t­ian Roux Costumes
Acces­soires : Cécile Pelletier

Dès les pre­miers mots pronon­cés, vous com­prenez que vous allez devoir vous accrocher, qu’un flot de paroles inin­ter­rompu va vous tomber dessus dont vous craignez qu’il vous noie si vous relâchiez une sec­onde votre atten­tion et laissiez un sub­til indice vous échap­per. Aucun auteur depuis Michel Butor dans La Mod­i­fi­ca­tion ne vous avait inter­pelé comme cela à la deux­ième per­son­ne du pluriel, vous trainant de force dans l’intrigue sans même vous deman­der si vous êtes prêt ou si vous n’êtes pas trop sen­si­ble. Vous devez sup­port­er une atmo­sphère pesante, lestée de non-dits qui fil­trent douloureuse­ment et pass­er d’une intro­spec­tion à une autre, chang­er men­tale­ment de lieu par la magie d’une mise en scène épurée mais très astu­cieuse, parce qu’un pro­jecteur s’est allumé ou qu’un per­son­nage a fait le tour d’une table ou que le piano lâche une musique qui vous trans­porte. A votre grande sur­prise, vous tenez bon, vous écoutez pas­sion­né, voire hyp­no­tisé, comme si les acteurs vous par­laient à vous seul. Les longues phras­es parais­sent infinies mais vous absorbez sans effort des struc­tures lex­i­cales com­plex­es qui s’enchainent ou plutôt s’emboitent. Vous décou­vrez – vous le saviez mais ne l’aviez jamais expéri­men­té de la sorte – que l’on n’a pas tou­jours besoin de notes pour faire de la musique. Vous acceptez que l’auteur veuille écrire un thriller et donc joue longue­ment avec vous avant de cracher le morceau. Et quel morceau ! Chaque révéla­tion vous fout une grande claque dans la tronche parce que vous êtes sen­si­ble aux trou­bles humains et aux drames du monde, surtout quand ils touchent l’en­fance inno­cente. Vous avez l’impression de faire un cauchemar éveil­lé et ce sen­ti­ment nou­veau est une for­mi­da­ble jouis­sance car les acteurs sont crédi­bles et la trame pal­pi­tante. A un moment, vous com­prenez qu’Elias Leis­ter va dis­paraitre pour la dernière fois dans un noir absolu et que les lumières vont se ral­lumer pour de belles salves d’applaudissements aux­quelles vous par­ticiperez généreuse­ment. Vous sortez alors de votre meilleur cauchemar et vous savez bien qu’au fond, c’est main­tenant, de retour au quo­ti­di­en, que vous com­mencerez à dormir.