Accueil Talent à suivre Edouard Thiébaut — Singin’ in Rochefort !

Edouard Thiébaut — Singin’ in Rochefort !

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Edouard Thiébaut ©DR
Edouard Thiébaut ©DR

Edouard Thiébaut, d’où venez-vous ? 
Je suis lor­rain d’o­rig­ine. J’ai débuté par la danse, avec un cours près de chez moi, puis au Con­ser­va­toire de Metz. J’ai com­mencé à danser pro­fes­sion­nelle­ment à 17 ans. Je par­tic­i­pais à des galas aux styles assez éclec­tiques qui allaient du néo-clas­sique au jazz. Déjà à l’époque j’avais très envie de chanter.

Qu’est-ce qui vous a décidé à franchir le cap du chant ? 
Je n’avais pas de for­ma­tion, mais le rêve était déjà très grand. Le chant est venu par un con­cours de cir­con­stances. J’ai la chance d’être né dans une famille d’artistes. Mon père est un mag­nifique ténor dra­ma­tique. On est six enfants et on est tous danseur ou chanteur. Mon plus jeune frère a fait le Stu­dio des Var­iétés. Après une for­ma­tion de deux ans et un par­cours très riche, il est main­tenant pro­fesseur de chant à Nan­cy. Grâce à lui, j’ai passé une audi­tion pour Les Années Twist, et c’est là que j’ai vrai­ment com­mencé à chanter. Ce fut mon pre­mier grand contrat.

Que vous reste t‑il, aujour­d’hui, de cette expérience ? 
Tra­vailler avec la com­pag­nie Roger Louret a été très for­ma­teur. J’y ai appris, en par­ti­c­uli­er, la ges­tion de l’én­ergie. Pen­dant 2h15, il y avait beau­coup de choses à faire. Il faut savoir se ménag­er. L’ex­péri­ence a donc été dif­fi­cile. J’y ai appris à met­tre mon ego de côté. Quand on est dans un spec­ta­cle de ce genre, on est tous les jours con­fron­tés à soi-même. Tous les jours, il faut met­tre la tête sur le bil­lot. Et c’est pareil pour les auditions.

Mais glob­ale­ment, ce fut une expéri­ence positive ? 
Oh oui ! Et puis j’ai aus­si appris à avoir une hygiène de vie impec­ca­ble. Il faut pou­voir assur­er un min­i­mum tous les soirs. On ne décide pas d’être artiste en menant une vie de pat­a­chon. En même temps, ce méti­er ne doit pas être un sac­er­doce. Sou­vent je ne le vis pas comme un méti­er mais comme une évi­dence. Par exem­ple, dans Chan­tons sous la pluie, chaque fois que j’ar­rivais sur scène, je me dis­ais : « voilà, je suis à la mai­son ».

Que s’est il passé ensuite ? 
J’ai par­ticipé aux Années Twist de 94 à 95. Ensuite, j’ai beau­coup tra­vail­lé au parc Dis­ney. Et j’ai fait plein d’autres choses. Par exem­ple, j’ai par­ticipé à un spec­ta­cle de Michel Durand à Bobigny : Il était une fois le music hall. J’ai aus­si chan­té avec mon frère. On fai­sait des repris­es de chan­sons français­es et de stan­dards de jazz, har­mon­isées pour deux voix. On était accom­pa­g­nés au piano par Damien Roche. Et puis j’ai par­ticipé à un quar­tet vocal. On chan­tait des airs de comédies musicales.

Com­ment en êtes-vous arrivé à Chan­tons sous la pluie ?
J’ai audi­tion­né pour Chan­tons sous la pluie voilà plus de trois ans et j’ai fait par­tie de l’aven­ture au théâtre de la Porte St Mar­tin puis en tournée. Bar­ry Collins, le choré­graphe et Jean Louis Grin­da, le met­teur en scène, m’ont pro­posé rapi­de­ment de dou­bler Joel Mitchell qui jouait le rôle de Gene Kel­ly. Une chance énorme. J’é­tais sur­pris parce qu’a pri­ori je n’ai donc rien de com­mun avec Gene Kel­ly, ni même avec Joel mais l’idée de Grin­da était d’im­pos­er un per­son­nage plus jeune. Chan­tons sous la pluie a été un cadeau du ciel. Bar­ry et Jean Louis ont été mes bonnes fées. Le rôle de Don est une mer­veille. Les airs sont mag­nifiques. Tout cela aura représen­té deux ans et demi de bon­heur et deux ans de for­ma­tion car je n’é­tais pas danseur de cla­que­ttes à la base. J’ai dû appren­dre les pas en une semaine avec un coach. Au début, on fait un peu d’es­broufe et puis on tra­vaille comme un fou.

Venons en donc aux Demoi­selles. Le fait d’avoir repris le rôle de Gene Kel­ly dans Chan­tons sous la pluie a t‑il eu une quel­conque inci­dence sur votre engage­ment dans l’adap­ta­tion du film de Jacques Demy, où vous tenez à nou­veau un rôle créé par Kelly ? 
Je crois que ça a un peu facil­ité les choses. Cela dit, j’ai passé, comme tout le monde, une pre­mière audi­tion après sélec­tion sur démo et C.V. C’é­tait un pro­jet avec Michel Legrand qui est le mélodiste que j’ad­mire le plus au monde. J’ai appris à chanter avec Les Demoi­selles de Rochefort et avec West Side Sto­ry. Chez moi, mes par­ents écoutaient ça en per­ma­nence. A cinq ans, je con­nais­sais déjà « La chan­son de Max­ence ». La deux­ième audi­tion a eu lieu devant Legrand, Gérard Lou­vin et Red­ha. C’é­tait impres­sion­nant. On nous avait demandé de pré­par­er  » Nous voy­a­geons de ville en ville  » puis une chan­son libre. J’ai donc choisi la chan­son de Max­ence. Comme je suis grand, blond, les yeux bleus, ce qui me donne un peu le look de Jacques Per­rin à l’époque, je pen­sais que c’é­tait dans ce rôle que je pour­rais être dis­tribué. Mais, immé­di­ate­ment, on m’a demandé si je con­nais­sais la chan­son d’Andy. Je pense que les choses se sont faites là. Mais j’ai quand même passé d’autres audi­tions. Six en tout, la pre­mière en juin, la dernière en septembre.

Vous avez embrayé directe­ment sur le disque ? 
On a eu les répons­es défini­tives fin sep­tem­bre. Le disque s’est fait entre décem­bre et jan­vi­er. A par­tir de févri­er, de trois à qua­tre fois par semaine, nous avons eu des séances de coach­ing que ce soit en chant ou en comédie. Ce tra­vail s’est fait de façon régulière jusqu’aux répéti­tions. Le but était de se famil­iaris­er avec l’u­nivers de Red­ha et puis de créer un esprit de troupe. En l’oc­cur­rence, l’équipe est for­mi­da­ble et très soudée.

Le spec­ta­cle est com­posé des airs du film, tous écrits à par­tir des alexan­drins de Jacques Demy, et de nou­velles chan­sons dans un esprit mod­erne, plus proche d’un Roméo et Juli­ette par exem­ple. Com­ment avez-vous abor­dé la partition ? 
Mon rôle a été préservé inté­grale­ment. Les airs que j’ai à chanter sont exacte­ment ceux que chan­tait Kel­ly dans le film. Con­cer­nant les alexan­drins, je crois savoir qu’au départ ce fut un vrai casse tête pour Michel Legrand. Tan­tôt il joue avec, tan­tôt il les casse. Je suis telle­ment habitué à cette musique que ça ne m’a posé aucun problème.

On con­naît Red­ha pour son tra­vail de choré­graphe. Com­ment s’adresse t‑il à vous en tant que comédien ? 
Red­ha aime vrai­ment les comé­di­ens. Il a un dis­cours très clair avec nous, des indi­ca­tions très pré­cis­es. Il va d’abord droit au but puis il peaufine. Il sait met­tre les per­son­nages en valeur. Ce qu’il a fait autour de mes scènes est incroy­able. Je suis vrai­ment nan­ti. Quant aux danseurs — je pré­cise qu’il s’ag­it d’un cast­ing de bombes — ils les a beau­coup util­isés comme acteurs. Ils sont com­plète­ment inté­grés à l’histoire.

Enchan­té alors ? 
Très hon­nête­ment, j’é­tais au départ assez dubi­tatif par l’idée d’une adap­ta­tion des Demoi­selles. C’est un univers telle­ment par­ti­c­uli­er. Aujour­d’hui, je suis com­plète­ment con­quis. En répéti­tions, je suis moi-même spec­ta­teur. Il fau­dra vrai­ment voir plusieurs fois le spec­ta­cle pour repér­er tout ce qui s’y passe. Il y a dedans une richesse scénique incroy­able. Red­ha rend hom­mage au film orig­i­nal tout en le mod­ernisant. Il ancre le pro­pos dans la réal­ité. Il créé une sorte de magie de la quotidienneté.

Com­ment situez-vous Les Demoi­selles de Rochefort par rap­port aux autres spec­ta­cles parisiens de ces dernières années ? 
Il me sem­ble que notre spec­ta­cle pos­sède une couleur plus théâ­trale. Il y a beau­coup de pas­sages dia­logués qui sont de vraies scènes, et pas juste des tran­si­tions entre les chan­sons. Et puis c’est un vrai spec­ta­cle de troupe, plus proche finale­ment du musi­cal à l’américaine.

Puisqu’on par­le de comédie musi­cale améri­caine, qu’est-ce que représente Broad­way pour vous ? 
Je viens de réalis­er un rêve en tra­vail­lant avec Michel Legrand. Si je pou­vais en exaucer un autre, ce serait de jouer dans un spec­ta­cle de Stephen Sond­heim. Avec Legrand, c’est un des plus grands.

Avez-vous déjà pen­sé à l’après Les Demoi­selles de Rochefort ?
Je tra­vaille avec Julie Vic­tor, une des artistes de la comédie musi­cale Chance, sur l’écri­t­ure d’un spec­ta­cle à deux. Je pense qu’on va bien s’a­muser. Mais j’avoue que je suis en ce moment telle­ment immergé dans les Demoi­selles que je n’ai pas encore vrai­ment pen­sé à ce qui se passera après.