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Edmond Bensimon — Un premier film réussi et très musical !

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marsfilm©DR
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Pourquoi avoir choisi de réalis­er un film musical ?
Je ne l’ai pas fait exprès… Mais je tiens à pré­cis­er qu’il ne s’ag­it pas d’une comédie musi­cale, les chan­sons vien­nent comme des res­pi­ra­tions dans l’his­toire. Je ne souhaitais pas avoir le rythme d’une comédie musi­cale. En l’oc­cur­rence dès que l’on com­mence à s’habituer aux chan­sons, j’ar­rête d’en met­tre. Le film est par­ti d’une impro­vi­sa­tion que j’ai faîtes avec des amis autour du titre « Je suis un homo comme ils dis­ent », par­tant du principe d’un mec qui n’a pas com­pris que la chan­son par­le d’ho­mo­sex­u­al­ité. Pour lui, Aznavour par­le d’un « homme, ô comme ils dis­ent »… Il se trou­ve que cela a fait beau­coup rire mes amis qui m’ont encour­agé à écrire la séquence, vous la retrou­vez dans le film. Et je me suis retrou­vé pris avec cette écri­t­ure, à m’at­tach­er à ce per­son­nage. J’ai réfléchi à d’autres chan­sons dont le sens aurait pu être détourné, comme « La mam­ma ». Pour lui don­ner un but, je me suis dit : « il faut qu’il aille voir Aznavour, son chanteur favori ». J’ai écrit comme cela trois séquences. Avant de men­er les choses plus loin, je les ai faxées au man­ag­er de Charles Aznavour. En effet, s’il ne pou­vait m’ac­corder les droits des huit ou dix chan­sons que j’avais envie d’u­tilis­er, inutile de pour­suiv­re. Une semaine après, je trou­ve un mes­sage du chanteur sur mon portable, je croy­ais que c’é­tait une blague ! Il me dit d’en­tr­er en con­tact avec Gérard Davoust, en charge des droits, qui me reçoit quelques jours plus tard. Il me dit avoir beau­coup ri avec ces scènes et… m’ac­corde les droits ! Du coup, je me suis retrou­vé propul­sé dans l’aven­ture : je ne pou­vais plus reculer et ai dû écrire mon film… Avec une pres­sion : « main­tenant il va fal­loir que j’assure ! ».

La musique tient une place impor­tante dans votre vie ?
Oui, elle s’est donc imposée pour le sujet, puisque je voulais par­ler d’un fan, qui idol­âtre un chanteur. Le fait d’in­ter­préter les chan­sons autrement con­sti­tu­ait un pari intéres­sant : Gérard Dar­mon avait déjà prou­vé ses tal­ents de chanteur, là il fait un tra­vail inédit qui me plait. Nous avons d’ailleurs décidé de sor­tir le disque, dans les bacs à par­tir du 5 juil­let ! Avec deux bonus : « la Bohème », coupée au mon­tage et un titre élec­tro avec les « En tout cas » de Zine­dine Soualem… Pourquoi cela ? Venez voir le film et vous com­pren­drez ! En ce qui con­cerne la musique, je n’ai pas d’en­tre deux : soit j’en écoute et ne fais que ça, ou alors j’ai besoin de silence total. Je suis inca­pable, par exem­ple, de tra­vailler en musique. D’un coup, je me mets à l’en­ten­dre et y prête une atten­tion très grande, j’ai du mal à mélanger les choses. J’é­coute des gen­res très divers, je n’ai aucun a pri­ori, par­tant du principe qu’au­cun genre n’est mau­vais, il n’y a que de mau­vais musi­ciens… Quand c’est bien réal­isé et joué, ça emporte. J’aime le clas­sique, le jazz, le métal, même de la comédie musi­cale ! J’aime beau­coup Les demoi­selles de Rochefort.

Même si votre film n’est effec­tive­ment pas une comédie musi­cale, on peut y trou­ver quelques références.
Les références sont davan­tage liées aux films que j’aime. Je pré­cise que j’adore les comédies musi­cales au ciné­ma ! Mais pour me démar­quer, j’ai fait bien atten­tion qu’il n’y ait jamais de tran­si­tion entre les chan­sons et les pas­sages par­lés, même si tout le monde a essayé de me faire douter. Prenez les films de Fred Astaire, vous trou­vez sys­té­ma­tique­ment cette tran­si­tion, un petit mot ou une par­tie musi­cale, qui annonce l’ar­rivée de la chan­son, cela don­nait une fluidité.

Qu’est-ce qui vous plait en tant que spec­ta­teur dans la comédie musicale ?
J’ai dû voir tous les Fred Astaire et Gene Kel­ly, mon père était un grand fan. A l’âge de huit ans, il m’a obligé à veiller pour voir Le magi­cien d’Oz dif­fusé à 22h au ciné-club, l’émis­sion de Patrick Brion ! On aurait pu penser qu’un père bien­veil­lant envoie ses enfants se couch­er, le mien c’é­tait l’in­verse, il tenait absol­u­ment à ce qu’on voit ce chef d’oeu­vre. Je l’en remer­cie encore aujour­d’hui ! D’au­tant qu’à l’époque les effets spé­ci­aux sophis­tiqués n’ex­is­taient pas encore, nous avions donc le sen­ti­ment d’une féerie totale, d’être emporté dans un monde mer­veilleux. J’é­tais très impres­sion­né. Les 5000 doigts du doc­teur T, que je cherche dés­espéré­ment depuis, m’a égale­ment beau­coup mar­qué. J’ai aimé Le temps des gitans que je con­sid­ère comme une comédie musi­cale. Les ban­des son impor­tent énor­mé­ment. Imag­inez un west­ern de Ser­gio Leone sans Mor­ri­cone, ce n’est plus le même film. Ces oeu­vres nous ont aus­si mar­qués grâce à leurs musiques. J’aime aus­si les chan­sons util­isées dans Bil­ly Elliot, un gros bud­get que la pro­duc­tion a prévu. En France, ce n’est pas encore entré dans les moeurs… Dans les films qui m’ont mar­qué on trou­ve All that jazz de Bob Fos­se. Out­re un aspect musi­cal splen­dide, le film abor­de de nom­breux sujets déli­cats, un tour de force. J’avais aus­si beau­coup appré­cié Jeanne et le garçon for­mi­da­ble : un vrai film musi­cal fait sans les moyens hol­ly­woo­d­i­ens mais où les réal­isa­teurs s’en sor­taient très bien. Cela m’a éton­né que le film ne marche pas davan­tage. J’en ai enten­du par­ler bien après sa sor­tie. Pour des pre­miers films comme le mien, il faut que le bouche à oreille puisse fonctionner.

Et les comédies musi­cales sur scène ?
J’avoue avoir beau­coup de mal. Je ne ver­rai jamais la per­fec­tion d’un Fred Astaire dans Mariage roy­al… Le voir danser au pla­fond est pos­si­ble au ciné­ma, pas sur scène. Et pour m’emporter, j’ai besoin de tout cela. Par exem­ple les films avec Esther Williams, où un trav­el­ling gigan­tesque décou­vre des cen­taines de nageuses… Le réal­isa­teur joue avec ce que le spec­ta­teur va décou­vrir, c’est lui qui choisi tou­jours le point de vue. Au théâtre il n’y a qu’un seul point de vue, c’est plus réduit. Mon regard se perd rapi­de­ment. De plus, j’ai besoin d’en­ten­dre par­ler : les opéras ou comédies musi­cales inté­grale­ment chan­tées ne captent pas mon atten­tion. Au théâtre, j’au­rai du mal à avoir la même émo­tion que celle que je ressens en voy­ant des numéros comme « Singin’in the rain » ou « Good morn­ing ». D’ailleurs, le ciné­ma musi­cal se con­fondait, avec mes yeux d’en­fant, au ciné­ma fan­tas­tique : les mecs là dedans étaient des mutants, une telle per­fec­tion n’é­tait pas acces­si­ble pour un être humain ! Je me sou­viens du mot de Barysh­nikov à l’adresse de Fred Astaire pour ses 80 ans : « Mon­sieur Astaire, je pense être le seul dans cette salle à vous détester ! Lorsque je ren­tre d’une représen­ta­tion où je me suis trou­vé moyen et que je tombe sur un de vos films à la télévi­sion dans ma cham­bre d’hô­tel, et que vous êtes par­fait de bout en bout, je vous hais ! »

Com­ment s’est déroulé votre tournage ?
J’é­tais nerveux les deux pre­miers jours, mais j’ai pris le rythme. Ma ner­vosité ini­tiale ne m’a pas per­mis d’aller au bout des scènes. Après ces deux jours, j’ai pris con­science que je n’au­rais pas une sec­onde chance : ce qui a été tourné ne le sera plus. A par­tir de ce moment-là, j’ai eu le sen­ti­ment de pren­dre davan­tage le film en main, d’aller plus loin pour ne pas avoir de regrets. De plus un tour­nage en DV per­met une légèreté dont je me suis servi. De 5 pris­es, j’ai pu pass­er à 33 ! Les comé­di­ens ont joué le jeu en me faisant con­fi­ance tout du long. Ce n’est pas sim­ple pour un pre­mier film, surtout que cer­tains élé­ments ont pris réelle­ment corps lors du tour­nage, plus qu’à la lec­ture du script. Sans avoir rien trahi, le film est un poil moins drôle que le scé­nario, mais plus touchant. En voy­ant les per­son­nages pren­dre vie, c’est allé dans cette direc­tion, je n’ai pas essayé de tir­er le film vers une drô­lerie fab­riquée, préférant prof­iter de ce que l’his­toire me pro­po­sait. J’é­tais là pour la servir.

Votre film se ter­mine comme une féerie…
J’ai beau­coup enten­du « Emmenez-moi » durant ces derniers mois. A la fin de la post pro­duc­tion, la chan­son ne me fai­sait plus rien. Or j’ai revu la fin du film à Nantes, de l’en­ten­dre de nou­veau, et de sen­tir la réac­tion des spec­ta­teurs, je me suis fait de nou­veau chop­er… La féerie que vous évo­quez marche aus­si dans ce sens là… Et puis la fin sur­prend, cha­cun l’in­ter­prète comme il le souhaite. Mon but en faisant ce film était égale­ment de ren­dre un cer­tain hom­mage à des comédies des années 50 ou 60, du temps où le côté naïf, sans sar­casme, ironie ni sec­ond degré était mis à l’hon­neur. Ces films me font bien plus rire que d’autres soit dis­ant acides qui ne vont pas bien loin. Le comique des Marx Broth­ers, Mel Brooks, Laut­ner avec Les ton­tons flingueurs per­dure. C’est pour cela que j’ai don­né à Jean-Claude un phrasé à la Audi­ard. Cette his­toire de qua­tre naïfs qui se ren­dent à Paris pour ren­con­tr­er Aznavour n’a aucun mes­sage par­ti­c­uli­er. En résumé j’ai voulu réalis­er le film qui me manque au ciné­ma en tant que spectateur !

En cli­quant sur le lien du film, vous pour­rez voir trois teasers du film (qui ne néces­si­tent aucun temps de téléchargement).