
Je ne l’ai pas fait exprès… Mais je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une comédie musicale, les chansons viennent comme des respirations dans l’histoire. Je ne souhaitais pas avoir le rythme d’une comédie musicale. En l’occurrence dès que l’on commence à s’habituer aux chansons, j’arrête d’en mettre. Le film est parti d’une improvisation que j’ai faîtes avec des amis autour du titre « Je suis un homo comme ils disent », partant du principe d’un mec qui n’a pas compris que la chanson parle d’homosexualité. Pour lui, Aznavour parle d’un « homme, ô comme ils disent »… Il se trouve que cela a fait beaucoup rire mes amis qui m’ont encouragé à écrire la séquence, vous la retrouvez dans le film. Et je me suis retrouvé pris avec cette écriture, à m’attacher à ce personnage. J’ai réfléchi à d’autres chansons dont le sens aurait pu être détourné, comme « La mamma ». Pour lui donner un but, je me suis dit : « il faut qu’il aille voir Aznavour, son chanteur favori ». J’ai écrit comme cela trois séquences. Avant de mener les choses plus loin, je les ai faxées au manager de Charles Aznavour. En effet, s’il ne pouvait m’accorder les droits des huit ou dix chansons que j’avais envie d’utiliser, inutile de poursuivre. Une semaine après, je trouve un message du chanteur sur mon portable, je croyais que c’était une blague ! Il me dit d’entrer en contact avec Gérard Davoust, en charge des droits, qui me reçoit quelques jours plus tard. Il me dit avoir beaucoup ri avec ces scènes et… m’accorde les droits ! Du coup, je me suis retrouvé propulsé dans l’aventure : je ne pouvais plus reculer et ai dû écrire mon film… Avec une pression : « maintenant il va falloir que j’assure ! ».
La musique tient une place importante dans votre vie ?
Oui, elle s’est donc imposée pour le sujet, puisque je voulais parler d’un fan, qui idolâtre un chanteur. Le fait d’interpréter les chansons autrement constituait un pari intéressant : Gérard Darmon avait déjà prouvé ses talents de chanteur, là il fait un travail inédit qui me plait. Nous avons d’ailleurs décidé de sortir le disque, dans les bacs à partir du 5 juillet ! Avec deux bonus : « la Bohème », coupée au montage et un titre électro avec les « En tout cas » de Zinedine Soualem… Pourquoi cela ? Venez voir le film et vous comprendrez ! En ce qui concerne la musique, je n’ai pas d’entre deux : soit j’en écoute et ne fais que ça, ou alors j’ai besoin de silence total. Je suis incapable, par exemple, de travailler en musique. D’un coup, je me mets à l’entendre et y prête une attention très grande, j’ai du mal à mélanger les choses. J’écoute des genres très divers, je n’ai aucun a priori, partant du principe qu’aucun genre n’est mauvais, il n’y a que de mauvais musiciens… Quand c’est bien réalisé et joué, ça emporte. J’aime le classique, le jazz, le métal, même de la comédie musicale ! J’aime beaucoup Les demoiselles de Rochefort.
Même si votre film n’est effectivement pas une comédie musicale, on peut y trouver quelques références.
Les références sont davantage liées aux films que j’aime. Je précise que j’adore les comédies musicales au cinéma ! Mais pour me démarquer, j’ai fait bien attention qu’il n’y ait jamais de transition entre les chansons et les passages parlés, même si tout le monde a essayé de me faire douter. Prenez les films de Fred Astaire, vous trouvez systématiquement cette transition, un petit mot ou une partie musicale, qui annonce l’arrivée de la chanson, cela donnait une fluidité.
Qu’est-ce qui vous plait en tant que spectateur dans la comédie musicale ?
J’ai dû voir tous les Fred Astaire et Gene Kelly, mon père était un grand fan. A l’âge de huit ans, il m’a obligé à veiller pour voir Le magicien d’Oz diffusé à 22h au ciné-club, l’émission de Patrick Brion ! On aurait pu penser qu’un père bienveillant envoie ses enfants se coucher, le mien c’était l’inverse, il tenait absolument à ce qu’on voit ce chef d’oeuvre. Je l’en remercie encore aujourd’hui ! D’autant qu’à l’époque les effets spéciaux sophistiqués n’existaient pas encore, nous avions donc le sentiment d’une féerie totale, d’être emporté dans un monde merveilleux. J’étais très impressionné. Les 5000 doigts du docteur T, que je cherche désespérément depuis, m’a également beaucoup marqué. J’ai aimé Le temps des gitans que je considère comme une comédie musicale. Les bandes son importent énormément. Imaginez un western de Sergio Leone sans Morricone, ce n’est plus le même film. Ces oeuvres nous ont aussi marqués grâce à leurs musiques. J’aime aussi les chansons utilisées dans Billy Elliot, un gros budget que la production a prévu. En France, ce n’est pas encore entré dans les moeurs… Dans les films qui m’ont marqué on trouve All that jazz de Bob Fosse. Outre un aspect musical splendide, le film aborde de nombreux sujets délicats, un tour de force. J’avais aussi beaucoup apprécié Jeanne et le garçon formidable : un vrai film musical fait sans les moyens hollywoodiens mais où les réalisateurs s’en sortaient très bien. Cela m’a étonné que le film ne marche pas davantage. J’en ai entendu parler bien après sa sortie. Pour des premiers films comme le mien, il faut que le bouche à oreille puisse fonctionner.
Et les comédies musicales sur scène ?
J’avoue avoir beaucoup de mal. Je ne verrai jamais la perfection d’un Fred Astaire dans Mariage royal… Le voir danser au plafond est possible au cinéma, pas sur scène. Et pour m’emporter, j’ai besoin de tout cela. Par exemple les films avec Esther Williams, où un travelling gigantesque découvre des centaines de nageuses… Le réalisateur joue avec ce que le spectateur va découvrir, c’est lui qui choisi toujours le point de vue. Au théâtre il n’y a qu’un seul point de vue, c’est plus réduit. Mon regard se perd rapidement. De plus, j’ai besoin d’entendre parler : les opéras ou comédies musicales intégralement chantées ne captent pas mon attention. Au théâtre, j’aurai du mal à avoir la même émotion que celle que je ressens en voyant des numéros comme « Singin’in the rain » ou « Good morning ». D’ailleurs, le cinéma musical se confondait, avec mes yeux d’enfant, au cinéma fantastique : les mecs là dedans étaient des mutants, une telle perfection n’était pas accessible pour un être humain ! Je me souviens du mot de Baryshnikov à l’adresse de Fred Astaire pour ses 80 ans : « Monsieur Astaire, je pense être le seul dans cette salle à vous détester ! Lorsque je rentre d’une représentation où je me suis trouvé moyen et que je tombe sur un de vos films à la télévision dans ma chambre d’hôtel, et que vous êtes parfait de bout en bout, je vous hais ! »
Comment s’est déroulé votre tournage ?
J’étais nerveux les deux premiers jours, mais j’ai pris le rythme. Ma nervosité initiale ne m’a pas permis d’aller au bout des scènes. Après ces deux jours, j’ai pris conscience que je n’aurais pas une seconde chance : ce qui a été tourné ne le sera plus. A partir de ce moment-là, j’ai eu le sentiment de prendre davantage le film en main, d’aller plus loin pour ne pas avoir de regrets. De plus un tournage en DV permet une légèreté dont je me suis servi. De 5 prises, j’ai pu passer à 33 ! Les comédiens ont joué le jeu en me faisant confiance tout du long. Ce n’est pas simple pour un premier film, surtout que certains éléments ont pris réellement corps lors du tournage, plus qu’à la lecture du script. Sans avoir rien trahi, le film est un poil moins drôle que le scénario, mais plus touchant. En voyant les personnages prendre vie, c’est allé dans cette direction, je n’ai pas essayé de tirer le film vers une drôlerie fabriquée, préférant profiter de ce que l’histoire me proposait. J’étais là pour la servir.
Votre film se termine comme une féerie…
J’ai beaucoup entendu « Emmenez-moi » durant ces derniers mois. A la fin de la post production, la chanson ne me faisait plus rien. Or j’ai revu la fin du film à Nantes, de l’entendre de nouveau, et de sentir la réaction des spectateurs, je me suis fait de nouveau choper… La féerie que vous évoquez marche aussi dans ce sens là… Et puis la fin surprend, chacun l’interprète comme il le souhaite. Mon but en faisant ce film était également de rendre un certain hommage à des comédies des années 50 ou 60, du temps où le côté naïf, sans sarcasme, ironie ni second degré était mis à l’honneur. Ces films me font bien plus rire que d’autres soit disant acides qui ne vont pas bien loin. Le comique des Marx Brothers, Mel Brooks, Lautner avec Les tontons flingueurs perdure. C’est pour cela que j’ai donné à Jean-Claude un phrasé à la Audiard. Cette histoire de quatre naïfs qui se rendent à Paris pour rencontrer Aznavour n’a aucun message particulier. En résumé j’ai voulu réaliser le film qui me manque au cinéma en tant que spectateur !
En cliquant sur le lien du film, vous pourrez voir trois teasers du film (qui ne nécessitent aucun temps de téléchargement).