
Dove Attia, pourquoi un opéra rock sur Mozart ?
A 25 ans, j’ai eu un coup de foudre pour la musique de Mozart quand j’ai découvert le Requiem, puis ensuite ses opéras comme Don Juan et La flûte enchantée. Après Le Roi Soleil, je n’avais pas envie de refaire le même type de spectacle, je ne voyais pas ce que je pouvais faire d’autre dans le genre. Un jour, un ami qui pensait que j’avais déjà l’idée du prochain spectacle m’envoie un texto pour me demander si ce n’était pas Mozart. Et là j’ai eu un flash : ce serait Mozart en opéra rock. Mozart a une vie aussi géniale que son œuvre. J’ai été fasciné en lisant sa correspondance, il pouvait passer de la grâce, de la sensibilité, du raffinement à la scatologie, la vulgarité. C’était la première rock star dans son attitude, le premier musicien rebelle et indépendant de l’histoire. Il écrivait ce dont il avait envie et bravait les interdits. Il était aussi comme ça dans sa vie privée. Quand il était très malade, au lieu de rester au lit, il attendait que sa femme se couche et sortait se saouler à l’absinthe dans les tripots de Vienne jusqu’au petit matin.
Comment avez-vous travaillé sur le livret et les chansons ?
Avec François Chouquet, nous avons mis presque deux ans pour arriver à la version définitive du livret. J’ai appris avec l’expérience qu’il ne peut pas y avoir de bon spectacle musical sans un bon livret. Sur nos premiers spectacles, nous allions très vite sur le livret, trop vite. Là, nous avons passé beaucoup de temps sur l’écriture, le rythme, les séquences, la dramaturgie, la caractérisation des personnages. Les chansons sont nées parallèlement à l’écriture du livret. J’avais une idée précise de là où chaque chanson arrivait et ce qu’elle voulait dire. Sur le plan musical, je voulais un univers rock lyrique dans le style Queen, Sparks, les Who, Muse, Radiohead. Avec plusieurs compositeurs dont Olivier Schultheis et Jean-Pierre Pilot, on s’est enfermés pendant dix jours à s’imprégner de la musique de Mozart, à composer, et il s’est passé quelque chose de magique, j’ai senti une vraie cohésion musicale.
Pourquoi avez-vous choisi Olivier Dahan pour la mise en scène ?
A l’époque, son film La Môme n’était pas encore sorti, mais j’avais vu son premier film Déjà mort qui m’avait beaucoup marqué par son univers, et surtout Le petit poucet. J’étais frappé par ce film, chaque séquence était comme un tableau de spectacle avec le fantasmagorique, la métaphore. J’ai vu aussi les clips qu’il avait réalisés. Je me suis dit qu’il pouvait mettre en scène un grand spectacle musical. C’est d’ailleurs la tendance à Broadway où des grands metteurs en scène de cinéma s’essayent à la mise en scène de musicals. J’en ai donc parlé à Olivier. Il a d’abord écouté les chansons qu’il a beaucoup aimées mais il a attendu la version définitive du livret avant de nous dire oui. Avec Albert Cohen, mon associé et ami, nous ne regrettons pas notre choix. Olivier Dahan amène quelque chose de neuf dans ce genre de spectacle. Cela ressemble beaucoup à un film qu’on ferait sur scène avec ces notions de cadrage, de lumière, de photo.
Quelles sont les autres évolutions en comparaison de vos précédents spectacles ?
Il y a une vraie rupture. Nous avons beaucoup travaillé sur le récit, la dramaturgie alors que sur Les Dix Commandements c’était une succession de chansons. Il y a moins de danseurs, plus de comédiens et de musiciens. Tout sera intégralement joué et chanté en live, et croyez-moi 13 musiciens modernes et classiques et 22 micros ouverts, ce n’est pas simple à régler et à mixer. Faire Mozart avec des bandes posait quelques problèmes de conscience. Beaucoup de gens pensaient que j’allais reprendre des musiques de Mozart et en faire des tubes. Je déteste ça. J’ai trop de respect pour ce compositeur et son œuvre pour la dénaturer. Donc quand il y a du Mozart dans le spectacle, c’est du Mozart et à côté nous avons les chansons pop rock. Musicalement, ça n’a rien à voir avec les spectacles précédents. L’autre grand changement : c’est sur la chorégraphie. Un ami nous a présenté Dan Stewart, un chorégraphe américain qui venait de remonter Tommy des Who et Aïda de Tim Rice et Elton John. J’ai adoré son travail. Il fait des chorégraphies très originales qui dégagent une émotion et surtout qui participent au récit et ne sont pas gratuites. C’est exactement ce que je voulais.
Diriez-vous que Mozart l’Opéra Rock correspond plus à vos goûts ?
Oui, c’est le spectacle qui me ressemble le plus. J’avoue que c’est la première fois en dix ans que je fais si peu de concessions. Je ne peux pas dire que j’en fais aucune, il y a des intérêts financiers derrière, mais je ne me suis pas dit « je vais faire ça parce que ça va plaire ». Je fais ce que j’aime, ça correspond exactement à mes goûts.
Avez-vous l’impression de vous rapprocher de ce qu’on peut voir à Broadway ou à Londres ?
Disons que nous nous rapprochons du nouveau Broadway. Il y a un an, j’ai fait le tour des dernières productions et j’ai bien vu que Broadway était en train de changer. Il y a des spectacles beaucoup plus modernes dans la musique et le langage, avec des chansons moins narratives. D’ailleurs, et c’est un signe, deux producteurs de Broadway s’intéressent déjà à Mozart l’Opéra Rock, ils ont beaucoup aimé les chansons et le livret, ils vont venir voir le spectacle.
Etes-vous confiant quant au succès et à l’accueil du public ?
Franchement à ce jour, trois semaines avant la première, je n’en sais rien. Il y a tout pour faire un magnifique spectacle, nous y avons tous mis notre cœur, notre âme, beaucoup de talents ont travaillé dessus. Mais personne ne possède la recette du succès, il faut faire preuve d’humilité.
Avez-vous déjà une idée de votre prochain spectacle ?
Non, envoyez-moi des textos ! A chaque spectacle, je dis que c’est mon dernier, j’aurais tendance à dire la même chose aujourd’hui. Monter un grand spectacle comme Mozart c’est très lourd. En revanche j’ai envie de continuer à produire des spectacles plus petits comme je l’ai déjà fait avec Les hors la loi, spectacle de cœur avec des artistes handicapés qui n’a malheureusement pas eu le succès espéré, et Dothy et le magicien d’Oz qui fut un vrai bonheur. Mon rêve, c’est que les Français aient enfin la culture du spectacle musical, qu’on n’ait plus besoin de faire du gros marketing pour à chaque fois lancer un spectacle, qu’on aille au spectacle musical comme on va au théâtre ou au cinéma. J’aimerais bien pouvoir faire des choses ambitieuses où je m’amuse et où j’ai moins de stress.
Aujourd’hui sur une échelle de 1 à 10, quel est votre niveau de stress ?
Il n’est pas à 10 parce que j’ai bien dormi cette nuit, disons qu’il est à 9,88 (rires).