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Dove Attia — Le Roi et lui

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Dove Attia ©DR
Dove Attia ©DR
Dove Attia, com­ment est né le pro­jet du Roi Soleil ?
Pen­dant la pré­pa­ra­tion de Autant en emporte le vent je me suis décou­vert, à tra­vers la lec­ture, une véri­ta­ble pas­sion pour l’His­toire. En bal­ayant les siè­cles, je me suis arrêté sur celui de Louis XIV. Un véri­ta­ble coup de foudre pour ce per­son­nage que l’on dis­ait timide, futile et lent et qui devint le plus grand roi de France. Je n’ai pas eu l’idée, l’idée est venue à moi. Nous étions en mai 2003. J’ai rêvé Le Roi Soleil sur la scène du Palais des Sports avec des cos­tumes mag­nifiques, un décor somptueux et une musique qui oscil­lait entre pop rock à la Queen et le baroque. Et puis, en sep­tem­bre, pen­dant les répéti­tions de Autant en emporte le vent, j’en par­le à Albert Cohen (co-pro­duc­teur) et à Kamel Ouali. Et là, ils se regar­dent, puis Albert me dit que Kamel lui avait sug­géré la même idée il y a deux mois ! C’est incroy­able, nous avions eu la même idée sans nous concerter.

En quoi est-ce un sujet por­teur selon vous ?
Aujour­d’hui, avec la perte des idéaux religieux, poli­tiques et philosophiques, une vraie ten­dance de fond nous pousse à nous rac­crocher à l’His­toire. L’an­née dernière, les Journées du Pat­ri­moine ont bat­tu tous les records de fréquen­ta­tion, les linéaires des romans his­toriques chez les libraires ont dou­blé ces trois dernières années, le doc­u­men­taire sur Ver­sailles dif­fusé sur France 3 a été un record d’au­di­ence. Et quoi de plus beau que l’époque du Roi Soleil : elle évoque la cour des mir­a­cles, Ver­sailles, les mous­que­taires, les grands bal­lets de Molière et Lully…

Est-ce vous qui avez écrit le livret, la trame ?
Oui, ce qui représente un an de tra­vail et j’ai fail­li défini­tive­ment aban­don­ner à deux repris­es. Ecrire une véri­ta­ble dra­maturgie sur plus de vingt ans d’His­toire a été très laborieux. Il a fal­lu utilis­er de larges ellipses de temps et d’e­space, se recen­tr­er sur des per­son­nages en en oubliant d’autres et surtout se con­cen­tr­er sur un seul point de vue, celui de Louis XIV, l’homme. La col­lab­o­ra­tion de Kamel Ouali a été précieuse.

Ce spec­ta­cle va-t-il racon­ter toute la vie de Louis XIV ?
Le spec­ta­cle débute pen­dant la Fronde quand Louis XIV a dix ans et se ter­mine lorsqu’il épouse secrète­ment Françoise d’Aubigné, défi­ant ain­si le Pape et les princes de sang. Un roi ne pou­vait épouser qu’une princesse de sang. Toute une époque de Louis XIV, celle qui suit ce mariage secret et qui mène à la révo­ca­tion de l’édit de Nantes, m’in­téresse moins. Le réc­it s’ap­puie très libre­ment sur des faits his­toriques en priv­ilé­giant l’épique, le romanesque.

Quelle sera l’équipe artis­tique du spectacle ?
Pour l’in­stant, c’est la même équipe que pour Les Dix Com­man­de­ments et Autant en emporte le vent : Kamel Ouali (met­teur en scène et choré­graphe), François Chou­quet (régis­seur général et assis­tant met­teur en scène), Albert Cohen et moi. En ce qui con­cerne les auteurs et les com­pos­i­teurs des chan­sons, je ne peux encore rien vous dire. Pour la musique, on a fait un pari très risqué, en l’oc­curence un ate­lier d’écri­t­ure. Plusieurs com­pos­i­teurs se partagerons la par­ti­tion, en respec­tant la direc­tion musi­cale pré­cise. On a présen­té aux dif­férents com­pos­i­teurs un résumé de trente pages dans lequel on explique, pour chaque chan­son, où elle se situe dans l’his­toire, ce qu’elle doit racon­ter, qui la chante et pourquoi. Les pre­miers résul­tats sont sur­prenants, très loin de la variété.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous en sommes à la sep­tième ver­sion du livret. Evidem­ment, Kamel est en train de détru­ire tout mon tra­vail en faisant le découpage tech­nique avec François Chou­quet. Cela m’én­erve au plus haut point mais je dois recon­naître que leurs remar­ques sont très judi­cieuses et leur tra­vail extra­or­di­naire. Kamel a une idée géniale par minute. A présent, le découpage tech­nique du pre­mier acte est ter­miné. La moitié des chan­sons (paroles et musiques) sont écrites. Nous avons déjà fait un cast­ing sélec­tif avec des artistes que nous con­nais­sions. Mais le grand cast­ing ouvert à tous ceux qui auront été présélec­tion­nés par Bruno Berberès aura lieu les 28 mai et 4 juin.

Vous devez déjà avoir une vision de ce que sera le spectacle…
Nous en avons même une idée très pré­cise. Ce sera flam­boy­ant, fastueux, ryth­mé et très sur­prenant. Une mise en scène très mod­erne qui respectera l’époque. Les spec­ta­teurs doivent pleur­er, rire, rêver et surtout être sur­pris. Kamel Ouali, qui a déjà énor­mé­ment innové sur Autant en emporte le vent, veut aller encore plus loin en se rap­prochant de plus en plus de la vraie comédie musi­cale avec des dia­logues et une réelle dra­maturgie. La part des scènes de comédie sera à peu près de 20 à 25%. Les chanteurs, moins nom­breux que d’habi­tude, devront savoir jouer et nous aurons, en plus, six vrais comé­di­ens et un quatuor baroque qui inter­prétera en live les par­ties instru­men­tales des scènes de comédie.

Quel est le bud­get du Roi Soleil et quels sont vos parte­naires médias ?
Le bud­get est à peu près iden­tique à celui des Dix Com­man­de­ments et de Autant en emporte le vent, soit env­i­ron 9 à 10 mil­lions d’eu­ros. Nous aurons un parte­naire radio qui nous a déjà accom­pa­g­nés dans nos deux pre­miers spec­ta­cles, le groupe NRJ. Quant au parte­naire télé, nous le saurons dans quelques semaines.

Quelles sont les prochaines grandes étapes ?
Nous enreg­istrons trois chan­sons fin août, le pre­mier sin­gle ne sor­ti­ra pas avant la fin de l’an­née. On ne com­mu­ni­quera pas trop tôt pour ne pas saoûler les gens, on va pren­dre le temps. La vraie pre­mière cam­pagne de pro­mo­tion aura lieu en mars 2005. Enfin, le 22 sep­tem­bre 2005, ce sera la grande pre­mière au Palais des Sports.

Quel bilan tirez-vous de Autant en emporte le vent ?
Une col­lab­o­ra­tion avec des gens extra­or­di­naires chez M6 et une très belle aven­ture humaine. 350 000 spec­ta­teurs au Palais des Sports et 62 dates de tournées dans des grandes salles, c’est le pre­mier suc­cès des comédies musi­cales depuis Les Dix Com­man­de­ments et Roméo et Juli­ette.

Et com­ment l’expliquez-vous ?
La magie du suc­cès n’est pas définiss­able, elle échappe à tout le monde. Je dirais d’abord le thème. Et une des qual­ités prin­ci­pales de mon asso­cié Albert Cohen est d’avoir ce goût pop­u­laire, cet instinct de la com­mu­ni­ca­tion. C’est lui qui a eu l’idée des Dix Com­man­de­ments. Un bon spec­ta­cle se bâti sur un bon thème. Un thème qui touche les femmes entre 30 et 70 ans, qui soit déjà dans l’in­con­scient col­lec­tif, qui évoque le rêve, le romanesque, le lyrisme, les grands décors. Beau­coup d’échecs passés s’ex­pliquent par une thé­ma­tique hasardeuse. D’autre part, il ne faut pas vouloir à tout prix touch­er tous les publics et ne pas se tromper de cible. Par exem­ple c’est une grosse erreur de courir après les jeunes adultes, les ados, car ils se déci­dent très tard pour aller au spec­ta­cle, ils atten­dent les effets de mode, la musique, le disque…

Com­ment voyez-vous l’avenir de la comédie musi­cale en France ?
La comédie musi­cale a été une bouée de sauve­tage pour le méti­er, pour les artistes, les danseurs, les tech­ni­ciens. Hélas, beau­coup de gens se sont lancés de manière impru­dente et ont amené des échecs. Chaque échec est une mau­vaise nou­velle. J’e­spère de tout coeur que celles qui vont venir avant Le Roi Soleil seront des suc­cès. Quelqu’un qui va voir une comédie musi­cale et qui en ressort con­tent a envie d’en revoir une autre.

Pour­riez-vous vous intéress­er aus­si à de plus petites productions ?
Absol­u­ment, c’est aus­si le rêve de Kamel Ouali. Même si des échecs mal­heureux ont retardé le proces­sus, j’e­spère tou­jours que les grandes pro­duc­tions vont don­ner le goût des comédies musi­cales aux français. C’est le plus beau des spec­ta­cles, le seul qui réu­nisse chant, danse, comédie, cos­tumes et décors. D’ailleurs, je salue le beau suc­cès de Créa­tures que j’ai adoré. Bruno Berberès m’avait pro­posé de le pro­duire mais j’é­tais trop occupé par Autant en emporte le vent. Il y a de la place pour ce genre de pro­duc­tion. C’est encore dif­fi­cile parce que ce n’est pas encore dans la cul­ture française. C’est vrai aus­si que, con­traire­ment à Lon­dres et Broad­way, nous man­quons de salles inter­mé­di­aires de deux milles places. C’est la capac­ité idéale qui per­met d’amor­tir une belle pro­duc­tion tout en con­ser­vant une prox­im­ité, un con­fort et le côté intimiste d’une comédie musi­cale. J’e­spère un jour ne plus enten­dre une phrase qui m’ir­rite ter­ri­ble­ment : « Il y a trop de comédies musi­cales cette année : trois ». Savez-vous com­bi­en se jouent à New York, à Lon­dres, à Ams­ter­dam, en Alle­magne ? Beau­coup, beau­coup plus de trois.