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Dorian Gray (Critique)

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D’après Oscar Wilde.
Adap­ta­tion & mise en scène : Thomas Le Douarec.
Choré­gra­phie & assis­tanat mise en scène : Sophie Tellier.
Avec : Gré­go­ry Benchenafi, Gilles Nicoleau, Lau­rent Mau­rel, Car­o­line Devismes &  Sté­fan Corbin.

Par la magie d’un vœu, Dori­an Gray con­serve la grâce et la beauté de sa jeunesse. Seul son por­trait vieil­li­ra. Le jeune dandy s’adonne alors à toutes les expériences.

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Notre Avis :

Inutile de présen­ter Le Por­trait de Dori­an Gray, un livre qui, tra­di­tion­nelle­ment, mar­que l’adolescence. Le spec­ta­cle fait une large place au texte orig­i­nal d’Oscar Wilde, riche d’aphorismes cyniques qui prê­tent volon­tiers à sourire. Par com­para­i­son, les paroles des chan­sons présen­tent moins d’esprit et de légèreté, mais la musique con­tribue néan­moins beau­coup au spec­ta­cle, plutôt dans les moments dra­ma­tiques, avec des accents de Phan­tom. Quelques notes lanci­nantes de xylo­phone créent une ter­ri­fi­ante atmo­sphère de fin d’époque.

La mise en scène recourt à d’astucieux procédés qui évo­quent une grande diver­sité de lieux et de temps. La représen­ta­tion du Lon­dres dandy du 19e siè­cle inclut des cos­tumes remar­quables. Le tableau, au cen­tre de l’intrigue, prend vie tout en restant caché au pub­lic, ce qui est une belle réussite.

La troupe con­cen­tre des artistes de tal­ent : Gré­go­ry Benchenafi, Gilles Nicoleau et Car­o­line Devismes, déjà présents sur l’excellent Mike, laisse nous t’aimer (il est amu­sant de not­er que les hommes échangent cette fois les rôles du « bon » et du « méchant ») aux­quels se joint Lau­rent Mau­rel. Stéphane Corbin, auteur de la musique et accom­pa­g­na­teur au piano, prête main forte pour un sec­ond rôle. L’interprétation vocale et dra­ma­tique est de bon augure pour la ren­trée théâ­trale, avec une men­tion spé­ciale pour Car­o­line Devismes qui, décidé­ment, sait tout faire.

Thomas Le Douarec a exac­er­bé la face noire de Dori­an Gray, un par­ti-pris clair qui glace le sang et fige la salle dans un silence angois­sé durant toute la représen­ta­tion. Les bons mots de Wilde sont amu­sants et abon­dants, mais on sait bien où tout cela va men­er. La scène, pour­tant grand-guig­no­lesque, de la jeune fiancée de Gray qui s’humilie volon­taire­ment pour ses adieux au théâtre, ne déclenche aucun rire : la per­for­mance de Car­o­line Devismes  n’est pas en cause, mais on com­prend vite que son per­son­nage se ridi­culise vaine­ment et se perd. Enfin, les applaud­isse­ments au tomber de rideau sem­blent con­tenus et gênés, tant il est dif­fi­cile d’exprimer une quel­conque réjouis­sance après avoir vu la déchéance humaine personnifiée.

Cette ambiance lourde est para­doxale­ment le signe que cette pièce au fond très som­bre fonc­tionne bien, une « tragédie musi­cale » qui ne peut laiss­er indif­férent et qu’il faut voir.