Pièce d’Eugène Labiche.
Mise en scène par Jean-Laurent Cochet.
Avec Jean-Laurent Cochet, Paule Noelle, Jean-Pierre Leroux, Roland Farrugia, Pierre Delavene, Pierre Chaillet.
Rend-on service à un ami en lui apportant la preuve que son épouse le trompe ? Entièrement consacré au thème de l’adultère, Doit-on le dire ? d’Eugène Labiche compte parmi les sommets du genre vaudeville. Eblouissante de perfection, la mécanique théâtrale fonde son rythme sur une succession d’événements s’enchaînant autour de quiproquos en cascade. Au gré de leurs intérêts et de leurs appétits, les personnages s’engouffrent dans une spirale de situations extravagantes et excentriques qui devraient les mener fatalement à la catastrophe. Chacun choisit finalement de sauver les apparences au détriment de la vérité, échappant ainsi au désastre collectif. Avec un sens aigu de la caricature, l’auteur dresse un tableau cruel de la petite bourgeoisie du Second Empire. Au comique né de l’absurde, s’ajoute le rire que suscitent la mesquinerie et l’inanité des ambitions de certains protagonistes.
Dans cette pièce d’une inaltérable gaieté, les comédiens incarnent avec talent ces figures si proches de marionnettes, et pourtant étonnamment vivantes. La simplicité des dialogues, composés essentiellement de répliques courtes (parfois interrompues par des apartés avec le public), est au service d’un scénario particulièrement vif. La troupe parvient à capter la dynamique qu’il suscite sur l’ensemble de la représentation, nous entraînant ainsi dans un véritable tourbillon. Probablement soucieuse de préserver cette qualité, la mise en scène semble avoir privilégié le texte au détriment de la musique. Les chansons sont presque peu chantées, et l’on peut éventuellement regretter que la partition ne soit pas mieux exploitée dans le sens lyrique. Les textes chantés diffèrent peu dans leur structure des textes parlés, et c’est donc tout naturellement que s’opère le passage entre ces deux formes d’expression. Même si la musicalité des mots tend en quelque sorte à compenser parfois la tonalité approximative de certaines voix, le choix fonctionne, conservant ainsi l’unité et la cohérence de la pièce. La musique ne paraît donc pas essentielle ici d’un point de vue théâtral, sinon dans l’esprit qu’elle imprime à la comédie. Le duo de pianistes présents de part et d’autre de la scène nous offre cependant d’agréables moments musicaux. Leur prestation est à la hauteur de celle d’une troupe de comédiens chevronnés qui nous livrent une interprétation remarquable.