Les grands spectacles musicaux
L’année 1998 marque l’arrivée du phénomène Notre Dame de Paris qui rencontre un succès aussi impressionnant qu’inattendu. Notre Dame de Paris ouvre alors la voie à une longue série de « grands spectacles musicaux ». Dès l’an 2000, Roméo et Juliette, Les Dix Commandements et Ali Baba démontrent que le genre inspire soudainement les grands producteurs. La recette utilisée depuis est souvent la même : adaptation d’une histoire déjà connue, des tubes formatés pour les radios et assurant la promotion du spectacle plusieurs mois avant sa création sur scène, des salles de concert immenses… Des réalisateurs de cinéma et des chorégraphes mettent parfois en scène ces spectacles. Plusieurs chanteurs connus (et parfois oubliés) créent alors leur « comédie musicale », souvent en jurant avoir toujours eu ce projet dans leur tiroir… Ces créations, qui laissent souvent dubitatifs les puristes aimant les musicals de Broadway ou de Londres, rencontrent parfois un vif succès auprès du grand public. Le Roi Soleil a été le dernier grand succès du genre.Cléopâtre est actuellement à l’affiche, Mozart fait déjà parler de lui. Et demain ?
(DR)
La création française
A l’Antiquité (1980), il y avait Les Misérables. Puis, devant tant d’ingratitude du public français envers sa propre comédie musicale, on est passé au Moyen Age. Il y a dix ans, on a assisté à la Renaissance d’histoires séculaires remises au goût du jour dans des superproductions léchées : Notre Dame de Paris, Les Dix Commandements, Roméo et Juliette, Ali Baba, régulièrement imitées depuis par d’autres utilisant les mêmes ficelles. Que l’on regrette ou pas le manque de théâtralité de ces « oeuvres de tête » (à défaut d’être des chefs d’oeuvre), elles ont le mérite d’ouvrir la voie à un public français plus large et de favoriser l’émergence de créations plus conformes aux
canons de la comédie : importance de l’interprétation et désacralisation du tragique. Les Arts et la Scène deviennent source d’inspiration avec Camille C., Mistinguett, et tout récemment, Sarah Bernhardt dans L’Opéra de Sarah. Et enfin, les plaisirs et les angoisses notre temps trouvent un écho dans Chance, Le cabaret des hommes perdus, Créatures, Panique à bord, Epouse-moi et Jusqu’aux dents… et tant d’autres que l’on ne peut pas citer ! C’est avec beaucoup de créativité et d’humour que les thèmes qui nous sont proches sont traités. Pari gagné pour la création française, cette décennie aura donc quelques oeuvres représentatives !
(TS)
Les producteurs
Producteurs : nerfs de la guerre ? Petits ou grands, ils sont de plus en plus nombreux.
A l’extrémité la plus visible de ce panel se trouvent les producteurs des « grosses machines » : les Attia, Talar ou Camus qui remplissent (ou pas) des Palais (des Sports ou des Congrès) à coups de grandes campagnes publicitaires et de partenariats avec des chaînes de télévision et des maisons de disques, la plupart étant d’ailleurs issus de cet univers.
Ces dernières années ont vu l’émergence de producteurs gérant des budgets moindres mais avec une volonté de proposer des spectacles du répertoire de Broadway (donc avec une sensibilité théâtrale et non discographique). On peut citer notamment Serge Tapierman (Un Violon sur le toit, Grease), l’italien Lorenzo Vitali (Fame, Hair) ou encore Pascal Bernardin (tournées de Mamma Mia ! et Bagdad Café). Citons aussi le tourneur de spectacles Atelier Théâtre Actuel qui développe chaque jour son département musicals.
De façon sporadique mais en progression constante, les théâtres, privés comme publics, s’ouvrent de plus en plus à la comédie musicale (Vingtième Théâtre, Pépinière, Opéra Comique époque Savary) et font donc parfois office de producteurs.
Enfin, à l’autre bout du spectre fourmillent les spectacles autoproduits, montés par des jeunes compagnies sans beaucoup de moyens. La multiplication de ces structures nous montre bien qu’il y a une vitalité du genre et que petits ou grands moyens, l’essentiel est de se battre pour faire exister la création.
(SLC)
Stage Entertainment
L’arrivée en France de Stage Entertainment, organisme déjà présent dans plusieurs pays européens, marque incontestablement un tournant pour le petit monde du théâtre musical. Avec le rachat de Mogador, le souhait d’importer des spectacles anglo-saxons, avec le savoir-faire de Broadway tout en faisant travailler des artistes français, et le tout sur le long terme, voilà un pari forcément passionnant. Cabaret dans la mise en scène de Sam Mendes, Le Roi Lion et prochainement Zorro : l’agenda est bien rempli. Mais le public français est-il prêt à se rendre en masse voir des spectacles souvent coûteux ? Habitué des changements de spectacles à l’affiche, contrairement au West End ou à Broadway, Stage réussira-t-il à tenir sur la distance ? Leurs projets ne manquent pas et permettent au public français de découvrir un autre versant du théâtre musical, qui ne nuit pas, bien au contraire, avec la création « made in France ».
(RB)
Le jeune public
C’est sans doute grâce à la reprise d’Emilie Jolie à Paris en 2002 que le théâtre musical s’est réouvert au jeune public. Depuis d’autres spectacles ont suivi les mêmes pas : Sol en Cirque, Kirikou et Karaba, Le Soldat Rose, et tout récemment Dothy et le Magicien d’Oz. Si hier les enfants n’étaient pas la cible préférée des producteurs de spectacles musicaux, aujourd’hui ils tiennent une place privilégiée. Le spectacle familial revient à la mode… Tant mieux car ces grosses productions entraînent les plus petites pour le bonheur des enfants qui bénéficient aujourd’hui d’un choix assez varié tout au long de l’année.
(LR)
Les centres de formation
En marge du succès des comédies musicales, plusieurs centres de formation se sont créés ou mis en avant depuis ces dix dernières années, afin de répondre à une demande du public de plus en plus forte.
Parmi eux, citons :
Le Centre de Formation Vocale créé par Richard Cross et développé dans plusieurs villes de France, ainsi qu’à l’étranger.
L’AICOM qui propose tout au long de l’année des stages ainsi qu’une section Junior.
L’Ecole du Spectacle qui comprend notamment l’Académie internationale de la Danse.
Le Centre des Arts Vivants abrite également l’Ecole Choreia qui dispense une formation professionnelle pluridisciplinaire sur trois ans.
L’Ecole de Comedie Musicale — ISAS Rick Odums.
L’Ecole de Comédie Musicale Paris 3 Arts
En Province, citons notamment :
Conpagnie Nova à Noyon (60) Contacts : Aurélie 06.82.81.39.04 ou Tony 06.18.60.52.67
L’Institut National des arts du Music-Hall au Mans (72) Unique en France dans ce domaine, ce centre de formation professionnelle artistique devance les évolutions nécessaires du genre « Music-hall » pour contribuer à son renouvellement.
Studio Evi Danse à Auxerre (89)
Compagnie des Enfants du Spectacle à Nice (06)
Retrouvez d’autres centres dans notre rubrique « Carnet d’adresses »
(SF)
Les festivals
Durant ces dix dernières années et face à l’arrivée en masse de nouveaux spectacles musicaux, la France a pu constater l’émergence de plusieurs festivals consacrés uniquement à ce genre. Nous pouvons notamment citer Les Musicals : créé en 2005 à Béziers sous forme de rencontres professionnelles du théâtre musical, il est transféré à Paris depuis 2007. Il donne lieu chaque année à la cérémonie des « Marius » visant à récompenser les meilleures comédies musicales et les meilleurs interprètes de la saison.
En 2008, le festival DIVA a ouvert ses portes pour la toute première fois. Avec sa programmation d’une rare richesse (créations, reprises, lectures, soirées spéciales), DIVA a rapidement imposé son identité : représenter et accompagner le théâtre musical dans sa diversité.
Citons également le festival Not’en bulles (à Auray) qui existe depuis 1992 et offre une programmation éclectique incluant le lyrique, ou encore le festival Off d’Avignon qui se tient tout les ans durant le mois de juillet et accueille de plus en plus de spectacles musicaux.
Ces festivals sont souvent l’occasion pour les nouvelles créations de théâtre musical de se montrer et de rencontrer des directeurs de théâtres et des programmateurs, ainsi qu’un public sans cesse grandissant.
(MJ)
Le cinéma
Il y a dix ans, la comédie musicale avait quelque peu déserté les écrans. Or, cette dernière décennie a vu le genre redevenir une valeur sûre du 7e art, notamment aux Etats-Unis. Après le succès du Moulin Rouge de Baz Luhrman en 2001, c’est surtout le Chicago de Rob Marshall qui redonne confiance aux producteurs en obtenant les suffrages du public mais aussi des professionnels (six Oscars dont celui du meilleur film en 2002). Depuis, les adaptations cinématographiques des spectacles musicaux sont légion, même si elles sont diversement réussies ou accueillies : Le Fantôme de l’Opéra (2004), The Producers (2005), Rent (2006), Sweeney Todd, Hairspray, Dreamgirls (2007), Mamma Mia (2008)… La France elle-même s’est lancée, digne héritière de Demy, avec notamment 8 femmes (2001), Filles perdues, cheveux gras (2002), Les Chansons d’amour (2007). En attendant Fame, Nine et, plus tard, Damn Yankees ou Hairspray 2, il semblerait que, si l’on doit faire un bilan du musical filmé, Hugh Jackman ait raison : the musical is back !
(AG)
Et dans les dix prochaines années ?
Aux Etats-Unis, la comédie musicale est partout de manière évidente, aussi présente dans les séries télé que dans la vie scolaire ; elle fait ainsi partie intégrante de la culture populaire. En France, de temps à autre, la comédie musicale fait son apparition dans une publicité, un sketch ou un téléfilm. Le chemin est encore long avant qu’elle ne fasse complètement partie de notre environnement quotidien, mais si l’on fait la somme des points cités plus hauts, il y a de quoi être optimiste.
Une porte semble s’être ouverte, c’est à nous maintenant d’être engagé, actif, volontaire, que ce soit en tant qu’artiste ou spectateur, pour développer ce genre, affirmer notre passion et faire en sorte que l’engouement pour la comédie musicale ne soit pas qu’un feu de paille, mais au contraire qu’il dure et qu’il s’ancre dans nos habitudes. Les pessimistes avaient déjà dit au début des années 2000 que tout ça n’était qu’une mode qui passerait vite. Dix ans plus tard, les grosses productions perdurent, les créations plus ambitieuses émergent, le public se fidélise. Continuons à avancer ensemble dans cette direction et faisons en sorte que les dix prochaines années soient passionnantes, exaltantes et pleines de vie.
(SLC/RB)