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Delphine Labey — La femme fatale de La guinguette

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Delphine Labey ©DR
Del­phine Labey ©DR
Quelle est votre formation ?
J’ai d’abord une for­ma­tion de comé­di­enne. J’ai com­mencé au con­ser­va­toire du 7ème arrondisse­ment de Paris. J’y ai tra­vail­lé sous la direc­tion de Danièle Joret. J’ai aus­si fait A3 au lycée, avec option théâtre. Puis, je me suis lais­sé un an de réflex­ion avant d’en­tr­er à l’é­cole Claude Matthieu. C’est là que j’ai ren­con­tré Didi­er Bail­ly et les autres futurs inter­prètes de La guinguette.

Vous avez tous quit­té l’é­cole voilà une dizaine d’an­nées mais l’idée de La guinguette remonte à six ans. Com­ment vous êtes-vous retrou­vés et quel a été le déclic pour vous lancer ?
Quand j’ai quit­té l’é­cole Claude Matthieu, début 95, on avait déjà cette volon­té de faire quelque chose ensem­ble. On avait fait, avec Didi­er, des stages de comédie musi­cale qui nous avaient tous embal­lés. Pour moi, ça a été un moment impor­tant car c’est là que j’ai vrai­ment décou­vert le chant et que j’ai eu la pos­si­bil­ité de m’ex­primer en musique sur une scène. La musique, la comédie musi­cale, ça a tou­jours été une pas­sion et là, je pas­sais le cap. Par ailleurs, les arrange­ments musi­caux de Didi­er étaient éblouis­sants, le tra­vail d’in­ter­pré­ta­tion qu’il nous fai­sait faire sur les chan­sons était pas­sion­nant. On s’est dit qu’il y avait là un poten­tiel énorme et qu’il fal­lait absol­u­ment en prof­iter. Quant à la troupe, on venait tous de pro­mo­tions dif­férentes mais on s’en­tendait bien artis­tique­ment et sur un tas d’autres choses. On a tout de suite com­mencé à tit­iller Didi­er. Les choses se sont pré­cip­itées il y a six ans parce que c’est à ce moment-là que j’ai ren­con­tré le pro­duc­teur qui nous a souf­flé l’idée du thème de La guinguette et qu’on s’est mis à tra­vailler. Mais l’en­vie de ce spec­ta­cle remonte à beau­coup plus loin.

Vous avez eu envie de chanter grâce à Didi­er Bailly ?
Je voulais déjà chanter avant l’é­cole Claude Matthieu. Je baigne dans la musique depuis tou­jours. Mon père est un auto­di­dacte du piano et de l’orgue. Mais j’ai une voix grave, un peu atyp­ique, et je n’o­sais pas. C’est Didi­er qui m’a dit « Vas‑y, qu’est-ce que t’at­tends? ». La musique, pour moi, véhicule une émo­tion encore plus intense que le théâtre.

Quelles sont les comédies musi­cales ou les chanteuses de comédies musi­cales que vous admirez spécialement ?
J’ai tou­jours été fan des films de Fred Astaire et Gene Kel­ly. En dehors du cadre de la comédie musi­cale, j’ai une pas­sion pour cer­taines chanteuses noires comme Bil­lie Hol­l­i­day ou Dinah Wash­ing­ton. Chez les chanteurs, je suis assez fascinée par des gens comme Jacques Brel et, surtout, Claude Nougaro. Aujour­d’hui, on entend des voix mag­nifiques avec une tech­nic­ité hors-pair. Mais en ce qui con­cerne l’ex­pres­sion et ce qui est racon­té, on est loin du compte. On se moque d’avoir tech­nique­ment une grande voix, ce qui compte c’est que la voix soit por­teuse d’é­mo­tion. Il ne faut pas penser à chanter mais à par­ler et, alors, la musique nous porte dans une autre dimen­sion. La comédie musi­cale per­met de tra­vailler cela.

Quel est votre par­cours de chanteuse ?
J’ai com­mencé à chanter des repris­es dans des cabarets. J’ai fait des petites comédies musi­cales que j’ai jouées dans des maisons de retraite puis je me suis retrou­vée dans Hair avec Isabelle Turschwell : un gros tour­nant pour moi. C’é­tait à Mogador et l’équipe de comé­di­ens-chanteurs était mag­nifique. Entre autres, Liza Michael, Isabel Cra­maro en fai­saient par­tie, et c’est là que j’ai ren­con­tré Vin­cianne Regat­tieri, avec qui j’ai con­tin­ué à tra­vailler. On venait tous d’hori­zons dif­férents, de la chan­son française au rap, en pas­sant par le rock ou le jazz. Après, le spec­ta­cle lui-même n’é­tait pas bon mais c’est une autre his­toire… Après Hair, j’ai rejoint la troupe de Vin­cianne et la com­pag­nie Casal­ibus pour Beau­coup de bruit pour rien et La Tem­pête.

Les spec­ta­cles de Vin­cianne Regat­tieri, sans être des comédies musi­cales, sont intime­ment liés à la musique.
Pour moi, il s’ag­it vrai­ment de théâtre musi­cal, de spec­ta­cle « entier ». C’é­tait la pre­mière fois que je me retrou­vais sur un pro­jet de ce genre. Il y avait un sujet et, pour aller plus loin dans le pro­pos, il fal­lait pass­er par un tra­vail sur le corps, sur des codes visuels. Pour Beau­coup de bruit, cela fonc­tion­nait comme une choré­gra­phie. Il y avait aus­si toute une recherche sur l’imag­i­naire. On avait peu de choses en scène, il fal­lait tout sug­gér­er par le jeu. Et puis, Vin­cianne m’a offert des rôles que d’autres ne m’au­raient pas for­cé­ment don­nés. Je jouais deux hommes dans Beau­coup de bruit et un mon­stre-poète dans La Tem­pête. Ce tra­vail d’in­ter­pré­ta­tion m’a per­mis de me con­fron­ter à mes pro­pres lim­ites. Jouer Cal­iban, c’est énorme. C’est un per­son­nage fort, tout en émo­tion à l’é­tat brut. On a ten­dance à sacralis­er ce genre de rôle. Il m’a fal­lu oubli­er l’am­pleur de tout ça et struc­tur­er petit à petit, être le plus sim­ple, le plus con­cret possible.

Le spec­ta­cle était très éprou­vant physique­ment et vocalement.
Là encore, il faut se con­fron­ter à ses lim­ites, appren­dre à répon­dre au max­i­mum aux exi­gences du spec­ta­cle sans se fêler. Vocale­ment, j’ai dû faire un tra­vail de sportif, ce qui m’a fait faire des bonds en avant.

Venons-en à La guinguette. Qu’est-ce qui vous motive le plus dans un spec­ta­cle comme celui-là ?
Avant tout, je tiens à repré­cis­er, même si mes cama­rades l’ont déjà dit, que La guinguette est une aven­ture mirac­uleuse parce que vrai­ment col­lec­tive. On a tou­jours été tous ensem­ble et, à chaque perte d’én­ergie, on se pas­sait le relais. Effec­tive­ment, Didi­er Bail­ly a été le moteur de tout ça mais le pro­jet est né d’un désir col­lec­tif. J’in­siste là-dessus parce que, pour moi, la notion de col­lec­tiv­ité dans un spec­ta­cle est cap­i­tale. Elle exis­tait déjà dans la troupe de Vin­cianne. Même si là, on venait s’in­scrire dans un pro­jet dont elle tenait les rênes, on fai­sait par­tie d’une équipe qui savait fonc­tion­ner ensem­ble. Après, Vin­cianne est une très forte per­son­nal­ité qui menait sa bar­que. Pour La guinguette, il n’y a que des fortes per­son­nal­ités qui se ren­voient la balle. Didi­er est par­ti de nous pour écrire son his­toire mais nous nous con­cen­tri­ons tous ensem­ble sur pas mal de choses. Il ame­nait des idées de mise en scène et on en pro­po­sait d’autres par dessus qu’il gar­dait ou pas. Cha­cun était acteur du mon­tage du spec­ta­cle. Il ne s’agis­sait pas d’un met­teur en scène qui dirigeait des comé­di­ens qu’il avait engagés. Bien sûr, il a d’abord fal­lu appren­dre et ingur­giter tous les arrange­ments, ce qui était un long tra­vail. Un autre aspect fon­da­men­tal de ce spec­ta­cle et qui le rap­proche vrai­ment de la comédie musi­cale telle que je la conçois, c’est la présence des musi­ciens sur le plateau. Ils sont trois, Pierre Badaroux, Lionel Suarez, Denis Uhalde et ils sont formidables.

La ges­ta­tion du spec­ta­cle a été longue. Quand avez-vous su quels per­son­nages vous auriez à jouer ?
La con­struc­tion de La guinguette a beau­coup évolué mais les per­son­nages étaient défi­nis dès le départ. Ils sont très mar­qués, presque arché­ty­paux. On a le mal­adroit, le roman­tique, la nunuche, le voy­ou. Ca pour­rait vite devenir une car­i­ca­ture. L’in­térêt, pour nous, était de garder la sincérité coûte que coûte à tra­vers ces per­son­nages mar­qués à gros traits. Il ne fal­lait surtout pas tomber dans le super­fi­ciel ou même dans l’ef­fi­cace parce qu’il s’ag­it d’un sim­ple diver­tisse­ment. Il fal­lait que le spec­ta­cle pro­pose quelque chose de plus pro­fond, de plus humain.

Quels sont vos projets ?
Je tra­vaille sur mes pro­pres chan­sons. J’ai com­mencé à écrire il y a quelques années déjà. J’ai d’abord tra­vail­lé avec Ange­lo Petro­n­io, un com­pos­i­teur gui­tariste, sur un très joli pro­jet dans une veine lati­no-jazz et chan­son française qu’on n’a présen­té qu’une fois mais que j’aimerais repren­dre un peu plus tard. A l’époque, je me sen­tais trop en prise avec ma pro­pre cul­ture musi­cale alors j’ai voulu voir ailleurs et j’ai été chercher un com­pos­i­teur rock, Olivi­er Azzano, avec qui je col­la­bore depuis un an et demi. On est encore au tra­vail et on vient de réalis­er un mini album de sept titres. Mon pro­jet actuel est de mon­tr­er tout ça sur scène. Le stu­dio est intéres­sant, mais j’aime surtout la scène. Je tra­vaille avec une « man­ageuse » et plusieurs musi­ciens. On cherche des dates.

Envis­agez-vous de vous lancer dans une nou­velle aven­ture avec l’équipe de La guinguette?
Pour l’in­stant, je vois au présent. Il y a cette odyssée Guinguette à men­er jusqu’au bout. Je suis heureuse d’être enfin auprès de per­son­nes avec qui j’ai envie de tra­vailler depuis longtemps. Posons déjà cette chose là. Après, pourquoi pas?