Regard en Coulisse revient sur certains temps forts de la deuxième semaine.
Musical Suspect
Texte de Frédéric Baptiste et Murielle Magellan
Chansons de Caryn Trinca et Florence Trinca
Musique et arrangements vocaux de Vincent Heden
Avec Fabian Ballarin, Annka Musy, Caryn Trinca, Vincent Heden, Florence Trinca, Magali Bonfils, Dominique Plaideau et Stéphane Barrière.
Musical Suspect est l’histoire de cinq chanteurs-comédiens et d’un pianiste qui vont prendre en otage les actionnaires d’une grande société ainsi que le patron de celle-ci, odieux et impitoyable, afin de présenter leur spectacle, voire de le vendre. Mais tout le monde n’est pas capable de réussir une prise d’otage ! S’ensuivront donc des problèmes de logistique, un acteur qui manque à l’appel, une ouvreuse un peu loufoque, un patron agile mais surtout l’envie d’offrir aux actionnaires un spectacle digne de ce nom.
Cette pièce coécrite par Fréderic Baptiste et Murielle Magellan a été créée à l’Espace Daniel Sorano de Vincennes en 2003. Les musiques étaient alors tirées de célèbres comédies musicales (Yentl, Les Misérables, Les demoiselles de Rochefort, Chicago, Cabaret, etc.) et arrangées par Vincent Heden. Depuis, celui-ci a composé des chansons originales sur des textes de Caryn et Florence Trinca.
Ainsi, cette toute nouvelle version de Musical Suspect se trouve être plus juste au niveau du livret et renforce l’intention des personnages qui souhaitent défendre un spectacle original.
Le casting est prestigieux et nous offre une lecture qui dépasse nos attentes. Les interprétations sont fines, les chansons magnifiques, le texte fait preuve de beaucoup d’humour et la troupe est énergique, belle, émouvante.
C’est un spectacle que l’on souhaite revoir prochainement sur scène et qui donnerait presque envie d’être pris en otage !
(Marine Julien)
Chante Moby Dick
Texte et musique de Jonathan Kerr, avec Laurent Malot, Jonathan Kerr et Sophie Delmas.
Chante Moby Dick s’inspire librement de l’oeuvre d’Herman Melville. Jonathan Kerr, créateur du spectacle, incarne le fameux capitaine Achab qui veut retrouver et tuer la baleine meurtrière Moby Dick, à qui il doit sa jambe de bois. Le cadre de la Péniche Opéra, qui accueillait cette lecture, se prête bien à cette forme de « huis clos marin ».
Les monologues ou les dialogues sont parfois trop longs, particulièrement au début de la pièce. Le caractère obsessionnel d’Achab est parfois envahissant mais il est en partie compensé par la présence de son compagnon de mer (Laurent Malot) et par le souvenir d’une belle Andalouse (Sophie Delmas) qu’il aurait aimée. Le registre très théâtral retenu contraste avec des arrangements utilisant curieusement de nombreux sons synthétiques. L’œuvre propose toutefois plusieurs chansons de belle facture, dont celles interprétées en duo. La description des décors envisagés pour les « vraies » représentations donne également envie d’en découvrir plus sur Chante Moby Dick.
(Dan Renier)
Le gai versant
De Lydie Agaesse — Musiques : Thierry Boulanger et Patrick Laviosa
Mise en scène de Jean-Luc Revol
Avec Magali Bonfils, Christine Bonnard, Florence Pelly, Ariane Pirie
« Le Gai Versant », c’est la résidence où vivent Douze Bis, La Pinède, Mon Rêve et Ker Castel. Quatre femmes, quatre personnalités, quatre rapports aux hommes. Incarnées par des artistes aux tempéraments forts et au talent reconnu — Magali Bonfils, Christine Bonnard, Florence Pelly et Ariane Pirie — ces desperate housewives musicales se racontent et se souviennent de leurs amours au fil de différents tableaux. On regrettera le côté stéréotypé de ces femmes qui évoluent peu, d’autant qu’elles n’existent que par leurs histoires de coeur. Malgré ce constat, le texte est souvent drôle et est parfaitement servi par les artistes. Les chansons, composées par Thierry Boulanger ou Patrick Laviosa, sont peu nombreuses mais efficaces. Cette lecture du Gai Versant offre donc un avant-goût plutôt positif d’un spectacle en devenir et l’on a hâte de découvrir la mise en scène d’un Jean-Luc Revol toujours surprenant.
(Alexia Guarinos)
Hôtel des Roches Noires
Texte de Françoise Cadol — Musique de Stéphane Corbin
Avec Alexandre Bonstein, Françoise Cadol, Stéphane Corbin, Carole Massana, Rachel Pignot, Ariane Pirie, Olivier Ruidavet, Emmanuel Curtil
Des fantômes hantent les murs d’un hôtel désaffecté. Ils espèrent la réouverture de l’établissement et le retour des clients. Quand arrive un homme qui vient d’avoir un accident, toujours entre la vie et la mort, ils lui offrent les moyens de reprendre l’hôtel une fois tiré d’affaire. Malheureusement, du fait d’un profond chagrin, l’homme n’a pas l’air de tenir à la vie. C’est l’occasion pour chacun de revenir sur sa propre histoire et maintenir une petite flamme vers le monde des vivants.
Les fantômes, à part celui qui hante l’Opéra Garnier, partent avec un sérieux handicap pour la scène, comme les vampires : la seule évocation de leur immortalité fait trouver le temps long aux spectateurs. En 2006, Lestat et Dracula s’y étaient déjà cassé les incisives sur Broadway. De fait, la mise en place des personnages de l’Hôtel des Roches Noires est fastidieuse. Il y a là des êtres de l’entre-deux, des esprits et des souvenirs qui tous ne communiquent pas avec les autres dans le même espace temps. Quelques intrigues se superposent à ces complications inutiles : pourquoi la bibliothèque est-elle interdite au Lord ? pour quel motif freudien la jeune fille a‑t-elle oublié sa propre histoire ? enfin, pourquoi l’homme au cœur qui bat se tortille-t-il dans tous les sens, torturé par le souvenir ? Les réponses à ces questions ne s’avéreront pas au niveau du mystère qui en est fait. On aurait aimé plus de simplicité et plus de cohérence dans les histoires des personnages. A cet égard, l’évocation du grand-père du jeune homme qui aurait peint la jeune fille semble tout juste une tentative de sortir de la simple galerie de portraits.
De cette œuvre encore en gestation, on retiendra surtout le personnage de la Grande Lala, une diva très imbue d’elle-même qui ne peut accepter de s’être faite décapiter par le décor en plein concert. C’est un rôle sur mesure pour Ariane Pirie qui réveille la pièce à grand fracas au bout d’un bon quart d’heure. Même les meilleurs efforts d’Olivier Ruidavet en Lord joueur et flamboyant et de Rachel Pignot en jeune fille immature surexcitée ne suffisent pas à donner le rythme. Alexandre Bonstein, dans son domaine de prédilection, en jeune homme en pleine perte de contrôle sur le cours de sa vie, ne peut faire des miracles avec un personnage qui s’exprime finalement très peu alors qu’il est le centre de l’intrigue.
Heureusement, la plupart des chansons sont dignes d’intérêt, magnifiquement interprétées lors de la lecture, ce qui laisse bon espoir que le spectacle puisse évoluer favorablement. La balade évoquant le passé de l’hôtel est un petit chef d’œuvre incluant des variations de thème et de rythme mémorables. Les dialogues en musique fonctionnent très bien avec de beaux effets de rimes décalées. Une chanson en canon véhicule beaucoup d’émotion. En revanche, la rengaine censée fournir la trame du spectacle : « les histoires d’amour sont pour nous des petits fours » fait un… gros four car les histoires d’amour ne sont pas tant mises en valeur ; par exemple, le jeune homme semble plus affecté par le sentiment de culpabilité que par la perte de sa partenaire.
Au final, du fait de complications souvent inutiles et de l’ambigüité de son thème central, le spectacle manque encore de crédibilité.
(Thomas Schmidt)