
David De Silva, avant de concevoir la version scénique, vous avez été producteur de Fame, le film. Comment cette histoire a‑t-elle commencé ?
Ca a commencé dans les années 70. C’était une bonne idée qui n’attendait que d’être développée.
A New York, il y a la High School of Performing Arts. C’est une école publique et les jeunes doivent auditionner pour y entrer, leur admission est basée uniquement sur leur talent en musique, en danse et en comédie, pas sur le fait que leurs parents peuvent payer leurs frais de scolarité ou non. Quand on a fait le film, ce type de lycée était inhabituel aux Etats-Unis. Plus de vingt ans après, toutes les grandes villes américaines ont un lycée de ce genre. Rien qu’à New York, il y en a six.
Le scénario original s’appelait Hot Lunch. Quand nous faisions des recherches sur l’école, la pause déjeuner était toujours un moment à part, les étudiants en profitant pour répéter, jouer de la musique, danser… chacun étant complètement impliqué dans son activité. On aimait beaucoup ce titre. Alors que nous étions en train de tourner, nous avons reçu une note du service juridique disant que nous devions changer le titre car nous risquions un procès. Il y avait en effet un film porno qui s’appelait déjà comme ça ! Au départ, on était prêts à se battre pour ce titre mais Michael Gore et Dean Pitchford étaient en train d’écrire les chansons du film, et parmi elles, il y avait « Fame », qui est devenue le titre du film. Et ça a été une bénédiction, on a même gagné l’Oscar de la meilleure chanson.
Après ça, vous avez également travaillé sur la série ?
J’ai seulement été consultant. Travailler sur la série impliquait de s’installer à Los Angeles et je n’en avais pas envie. De plus, la télévision n’est pas mon media préféré. J’aime le cinéma et le théâtre. Cependant, la série a été un carton. Tout le monde n’a pas forcément vu le film… mais tout le monde a vu la série !
La série est ensuite devenue un musical…
Bien qu’au départ j’aie développé l’idée pour un scénario, j’ai toujours su qu’elle prendrait plus d’ampleur sur scène et c’était mon objectif. J’ai vendu le scénario à MGM mais j’ai gardé les droits pour la scène.
Le spectacle a démarré en Floride. Puis, Music Theatre International [NDRL : agence gérant les droits de spectacles] a intégré Fame dans son catalogue et ça a été une très bonne chose puisque ça a permis de diffuser l’oeuvre dans le monde entier. On a appris qu’une production triomphait à Stockholm, en suédois. Je suis allé la voir, et c’était génial. Cela a attiré l’attention des producteurs de Londres et c’est comme ça que Fame s’est retrouvé dans le West End et y a rencontré un grand succès.
Pourquoi aucune chanson du film n’a-t-elle été retenue dans le spectacle ? C’est une question de droits ?
Pas du tout. Je ne voulais pas qu’on compile des chansons pour le simple plaisir. Dans la version scène, les chansons doivent faire progresser les personnages. J’ai eu beaucoup de pression de la part de certaines productions qui voulaient remplacer la chanson « In L.A. » par « Out Here On My Own » par exemple, mais j’ai résisté et j’ai protégé le spectacle. Néanmoins, il fallait qu’on ait la chanson « Fame » !
A New York, vous avez joué off-Broadway et non pas à Broadway, c’était un choix ?
Oui. J’avais peur de Broadway : il y a beaucoup de pression, les billets sont chers… Je trouvais que off-Broadway s’y prêtait mieux. Avant qu’on ne commence, Joop Van den Ende [NDLR, producteur et fondateur de Stage Entertainment] m’avait proposé de le monter à Broadway, donc j’ai eu le choix… mais ça me faisait peur. C’était risqué et si ça ne marchait pas, je ne voulais pas qu’on associe le spectacle à un bide de façon définitive, comme Carrie [NDLR : adaptation musicale du film de Brian de Palma, réputée pour sa médiocrité et son échec cuisant]. On a donc joué off-Broadway dans un spectacle de 499 places [NDLR : à partir de 500 places, un théâtre est considéré comme étant « Broadway »] sur la 42e rue.
Cette saison-là [NDLR : 2003] n’a pas été très bonne pour le théâtre. Les gros spectacles de Broadway, comme Hairspray, ont même baissé leur prix, alors que nous, nous avons dû les augmenter. Une des raisons, c’est qu’on avait 35 personnes sur scène. Economiquement, c’était trop pour cet espace. Mais si c’était à refaire, je le referais. J’ai aimé cette production, c’était une expérience exceptionnelle.
Qu’avez-vous pensé de la version française que vous venez de voir ?
J’ai adoré ! C’est très inventif en termes de mise en scène, la chorégraphie est spectaculaire. Le succès de ce spectacle repose beaucoup sur la distribution et l’alchimie entre eux. Et j’ai trouvé que c’était un très bon cast. Le spectacle est plus long que ce à quoi je suis habitué mais ça se tient et ça ne retombe jamais.
Le public est également très différent des autres villes. Il était complètement absorbé par le spectacle. Je n’ai jamais vu ça ailleurs.
Quels sont vos projets aujourd’hui ?
J’ai développé la suite de Fame, Fame Forever. Carmen, qui meurt à la fin du spectacle, et qui chante « I’m gonna live forever » va, en effet, « vivre pour toujours ». Son esprit revient dans le corps d’un enfant de dix ans. C’est un thème qui m’a toujours intéressé : l’immortalité, le fait que rien ne meurt. C’est un musical bouddhiste en quelque sorte ! (rires)