À quelques jours seulement de la première, malgré une angine dont il se serait bien passé, Daniel Lévi se sent « plutôt bien, avec le sentiment d’avoir essayé d’aller au bout des choses ». Et d’ajouter « avec la présence du public, j’imagine en découvrir plus sur scène ». Alors que le rythme des dernières répétitions s’accélère, que la pression monte, Daniel Lévi se montre étonnamment zen, serein, parle doucement. Il assume avec une certaine philosophie le temps consacré à la promotion du spectacle : « C’est contrebalancé par beaucoup de satisfaction. » Il a conscience de faire partie d’une belle aventure promise au succès, ce qui n’a pas toujours été le cas dans sa carrière.
Daniel le romantique
Après dix ans de piano au conservatoire de Lyon, il compose et enregistre un premier album, Cocktail, en 1983, suivi d’une tournée en Europe en première partie de Gloria Gaynor (et son déjà éternel « I Will Survive »). Après une incursion dans un milieu plus underground, il croise le chemin de Catherine Lara qui lui donne le rôle de Musset puis de Chopin dans sa comédie musicale Sand et les romantiques et ce, précise-t-il avec ironie, « bien avant que la discipline ne soit à la mode ! » Malgré le faible succès remporté par ce spectacle, Daniel Lévi en garde un très bon souvenir et estime que cette première expérience de la comédie musicale lui a beaucoup apporté.
En revanche, il se montre beaucoup plus critique lorsqu’on lui parle de la chanson « Ce rêve bleu » qu’il a enregistrée pour la version française d’Aladdin, le dessin animé de Disney. « Ce n’était pas du tout mon style, c’était un travail de composition. Je chantais avec une jeune fille de 15 ans (Karine Costa), alors il fallait faire jeune et frais ! » Pourtant, cette chanson a connu un immense succès populaire. Il le reconnaît d’ailleurs et avoue même : « J’espérais me servir de cette mise en lumière pour mon deuxième album. » Mais cet album Entre parenthèses, qui sort en 1996, ne rencontre pas le succès espéré. « J’avais fait le pari de faire un album particulier, presque trop personnel. »
Séduit par le thème du spectacle
Quand on lui demande à quel moment l’aventure des Dix Commandements a commencé pour lui, Daniel Lévi répond dans un sourire que « Les Dix Commandements, c’est quelque chose qui est ancré dans mon univers à moi, mon patrimoine, depuis toujours ». Avant de se reprendre, faussement naïf : « Ah ? Mais vous vouliez parler du spectacle, je suppose. » Il explique alors que l’un des membres de l’équipe de production avec lequel il travaille lui a parlé du projet il y a déjà bien longtemps. Il a tout de suite été séduit par « la Dimension, avec un grand D, du projet à tous les niveaux : le thème bien sûr mais aussi les décors, costumes, moyens de production ».
Mais rien n’était joué. « Il fallait convaincre tous les intervenants, à savoir le compositeur (Pascal Obispo) et le metteur en scène (Elie Chouraqui), qui ne me connaissaient pas. » Il passe alors toutes les étapes comme tous les autres postulants. Pour l’audition devant Pascal Obispo, il y avait quelques chansons proposées. Comme la plupart des chanteurs, il choisit d’interpréter « L’Hymne à l’amour » de Piaf . C’est ainsi qu’il obtient le rôle de Moïse.
Daniel Lévi ne se laisse pas impressionner par la dimension de son personnage. « Si on m’a donné ce rôle c’est qu’on m’a jugé capable de l’assumer. » Le fait de s’investir dans le rôle de Moïse n’a en rien modifié son engagement religieux déjà très fort. « Je n’oublie pas que ça ne reste qu’une prestation artistique. » Ce qui ne l’empêche pas de se sentir très proche de son personnage. « Moïse est un être passionné, intègre, jusqu’au-boutiste. Sans prétention, ça pourrait assez me ressembler. Mais c’est aussi quelqu’un de charismatique et un vrai leader, là c’est plus difficile pour moi ! »
Pourtant, Daniel Lévi est bien le leader de toute la troupe qui l’entoure. Une troupe qu’il considère excellente. « Il y a un casting formidable au niveau des chanteurs et les danseurs sont tout aussi impressionnants. » Il prend un grand plaisir à travailler avec eux et se réjouit de la « super ambiance » qui règne dans le groupe. Il ne tarit pas d’éloge non plus sur les deux « papas » des Dix Commandements. Ainsi il estime que Pascal Obispo a réalisé « un travail éblouissant » en composant une musique dont « on vérifie toute la véritable dimension avec la mise en scène ». À propos de la mise en scène, il se montre enthousiaste. « Elie Chouraqui a su nous mettre en confiance. Je lui avais demandé d’être très exigeant, c’est ce qu’il a fait. Et puis, il a réussi très habilement à faire passer le chant en second plan, la performance vocale n’étant pas une fin mais un moyen de rendre le personnage crédible. »
Pour Daniel Lévi, il n’y a pas de doute, ce spectacle va prouver deux choses au public : « Il existe des vrais interprètes en France et la mode actuelle des comédies musicales n’empêche pas de faire de la qualité. »
Regarder l’avenir
Quand on l’interroge sur son éviction de la troupe pendant deux mois après qu’il eut annoncé qu’il ne jouerait jamais le vendredi soir car sa religion l’interdit (c’est Sabbat), il répond simplement « On n’en parle plus » sans se départir de son sourire ni de son calme. Il préfère regarder devant lui et évoquer l’avenir. C’est d’abord bien sûr Les Dix Commandements dont l’aventure ne fait que commencer. Il travaille aussi sur son prochain album car, explique-t-il, « j’ai envie de me révéler dans cette autre discipline qu’est la composition ». D’ailleurs, s’il ne pense pas rejouer dans une autre comédie musicale dans le futur, il n’écarte pas la possibilité d’en composer une.
Il est déjà temps pour Daniel Lévi de retourner en répétition. Ce n’est pas une petite angine qui va empêcher Moïse de chanter son « Envie d’aimer » !